J’avais l’intention d’écrire ici sur Limor Livnat, la Ministre  de la Culture de l’Etat d’Israël, et sur ses plans de faire dépendre le  soutien aux théâtres de notre pays de leur acceptation de jouer dans les  colonies. Mais il est difficile de faire mieux que ce qu’Arianna  Melamed a déjà écrit à ce propos dans Y-net, aussi je me contenterai de  la citer.         
Limor Livnat  a annoncé cette semaine que les acteurs devront jouer partout, occupé  ou non, comme condition pour recevoir l’aide de l’Etat. Et dans un  dernier geste d’apaisement elle a ajouté que le Ministère de la Culture  attribuera aussi un prix spécial pour « l’encouragement de la créativité  sioniste ».
Ultra-orthodoxes manifestant à Jérusalem contre la mixité de l’enseignement dans un établissement scolaire
Depuis que j’ai entendu ce joyeux message, je me demande encore ce qu’elle a voulu dire. Dans la danse  israélienne contemporaine, on leur demanderait de brandir le drapeau  national en dansant ? Les théâtres présenteraient-ils une pièce  optimiste sur un dur policier antiémeute tombant amoureux d’une femme  colon ramassée dans sa jeep blindée, tous deux vivant ensuite à jamais  heureux dans une nouvelle colonie créée sur les collines de  Judée-Samarie ?
Ou peut-être quelqu’un écrira t-il une nouvelle  biographie de Herzl omettant la syphilis et les délires de grandeur ? Ou  peut être une grande épopée s’appuyant sur les conférences du Likoud ?  Bien sûr, toutes les options sont ouvertes aux fantasmes créatifs des  artistes.
Il y a environ cinq ou six pays au monde où les artistes  peuvent recevoir des prix pour avoir léché les bottes de l’idéologie  dominante. La Corée du Nord est l’exemple maître, mais de tels prix sont  aussi donnés en Birmanie, au Vietnam, à Cuba et même dans quelques  Emirats (mais là il faut chanter les louanges personnelles du  dirigeant). Est-ce ce que Livnat a en tête ? N’a-t-elle vraiment pas  conscience que les travaux culturels de qualité correspondent presque  toujours par le moyen de la critique avec l’idéologie dominante et son  interprétation courante ?
Et tout en cherchant ce que « créativité sioniste » peut  vouloir dire, j’ai le sentiment que bon nombre de classiques de la  littérature en hébreu n’auraient eu aucune chance devant le Comité des  Prix de Livnat. Considérez « Samson » de Jabotinsky, où tant le protagoniste biblique que l’auteur font l’éloge de la civilisation Philistine, présentée en complète contradiction avec les Hébreux primitifs. Ou « Khirbet Khizeh » de S. Yizhar  (1), la présentation des mauvais traitements d’un prisonnier de guerre -  « Sioniste » ou « antisioniste » ? Le réalisme est-il un genre  sioniste, ou tout doit il être repeint en bleu et blanc ?
C’est une idée stupide. Elle sera par conséquent  probablement réalisée. La cérémonie des prix remplira Livnat d’une juste  fierté - mais elle découvrira que ce qu’elle appelle créativité  sioniste est bien loin d’une pensée indépendante, tri-dimensionnelle et  non dogmatique.
* Adam Keller est un porte-parole de Gush Shalom
(1) Paru en français dans un recueil de S. Yizhar, "Convoi de minuit", publié par Actes Sud en 2000.
16 novembre 2010 - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://adam-keller2.blogspot.com/Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Bouché
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