La       visite qu’a effectuée jeudi et vendredi la chef de la       diplomatie européenne Catherine Ashton au Proche-Oient afin       de soutenir les efforts de paix avait bien un autre objectif       : augmenter la visibilité de l’Union Européenne (UE) dans       les pourparlers de paix palestino-israéliens. Elle répondait       ainsi aux critiques européennes sur la passivité de l’UE en       politique étrangère, notamment au Proche-Orient.
            Mme Ashton qui occupe ce nouveau poste depuis décembre       dernier a été durement critiquée, notamment par la France,       pour son absence aux premières séances de négociations       directes entre Palestiniens et Israéliens depuis leur       reprise le 2 septembre à Washington. Les critiques       européennes contre Mme Ashton soutenaient que la création du       poste du haut représentant de l’UE aux Affaires étrangères,       conformément au traité de Lisbone, visait justement à mieux       faire entendre l’UE sur la scène internationale et à       encourager ses pays membres à parler d’une seule voix.      
            Mais on est bien loin de ces objectifs et le chemin semble       encore long avant d’y arriver. Expliquant les raisons de sa       visite dans la région, Mme Ashton a timidement déclaré qu’il       fallait faire entendre la voix de l’UE au Proche-Orient,       mais « avec prudence », ajoutant qu’elle s’était rendue à       Washington et au Proche-Orient « pour soutenir ce que       (l’émissaire américain) George Mitchell fait sur le terrain       ». Bref, la diplomatie européenne reste bien timorée, dans       l’ombre et le sillage des Etats-Unis, et craint de prendre       des initiatives, bien que l’UE soit l’argentier du processus       de paix, c’est-à-dire le principal bailleur de fonds des       Palestiniens, en même temps que le premier partenaire       commercial d’Israël qui absorbe la majorité des exportations       israéliennes.
            Deux principales raisons expliquent cet état de fait. La       première, et la plus importante, est que les Etats membres       de l’UE restent incapables de parler d’une seule voix, pour       des raisons d’intérêts divergents. La fracture entre le Nord       et le Sud de l’Europe est la plus visible dans ce contexte.       D’un côté, le Royaume-Uni, lié par ses attaches atlantiques       aux Etats-Unis, et l’Allemagne, tournée vers l’Est de       l’Europe et tenue par des responsabilités historiques qui       remontent à la Seconde Guerre mondiale, préfèrent maintenir       un profil bas dans une région hautement conflictuelle. De       l’autre côté, la France, l’Espagne et, dans une moindre       mesure, l’Italie, sont plus enclines à exercer un rôle actif       et équilibré, pour des raisons d’influence politique et       d’intérêts économiques, vu leur proximité géographique avec       le Proche-Orient. 
            Ensuite, personne ne peut ignorer que les Etats-Unis et       Israël font tout pour écarter l’Europe d’exercer un rôle       significatif dans le règlement du conflit du Proche-Orient.       Les Etats-Unis, qui tiennent le rôle de parrain du processus       de paix, sont si jaloux de leur privilège qu’ils n’en       veulent partager avec une quelconque autre puissance. Ils       sont fermement soutenus en cela par l’Etat hébreu, principal       allié de Washington dans la région, qui attaque souvent les       positions européennes jugées pro-palestiniennes, alors       qu’elles ne sont en fait que pro-résolutions de l’Onu et       pro-droit international . 
Dr Hicham Mourad