Roula Khalaf et Tobias Buck. F.T. et J.A.*
OPINION :
La politique israélienne du fait accompli, notamment en  matière de colonisation, rend désormais impossible la création d’un État  palestinien viable.
Cela fait maintenant plus de  soixante ans que la recherche infructueuse d’une paix israélo-arabe mine  la stabilité du Moyen-Orient, sous l’œil aussi atterré qu’impuissant de  la communauté internationale.
Aujourd’hui, le président des États-Unis, Barack Obama,  s’est courageusement saisi du dossier en relançant, au début de  septembre, à Washington, un nouveau cycle de pourparlers entre le  Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et le président de  l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Ci-dessous, les cinq points du  « statut final » qui devront être résolus si l’on veut parvenir à la  création d’un État palestinien.
Le caractère ultrasensible de ces questions, l’histoire  chaotique du processus de paix et la dure réalité du terrain – comme la  construction de colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et la  barrière de sécurité érigée par l’État hébreu – sont pour nombre  d’observateurs autant de motifs de découragement.
Les négociations antérieures avaient conduit à  l’émergence d’un consensus – qui va grandissant – au sein de la  communauté internationale sur les contours d’un accord de paix  « acceptable »  : création d’un État palestinien suivant des frontières  proches de la ligne verte de 1967, avec des ajustements résultant de  l’annexion par Israël de blocs de colonies et compensés par des échanges  de terres, et résolution du problème des réfugiés à travers un  mécanisme de dédommagements plutôt que sur la base du droit au retour.  Pour le moment, le gouvernement israélien de droite et une direction  palestinienne divisée ne semblent pas près d’approuver un tel accord.
La confiance entre Israéliens et Palestiniens s’érode un  peu plus à chaque nouvelle vague de violence, tandis que, comme le  montrent les cartes de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, la croissance  des colonies juives semble avoir ruiné toute chance de créer un État  palestinien viable et doté d’une contiguïté territoriale.
Frontières. Les  Palestiniens veulent créer un État indépendant en Cisjordanie et dans la  bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale. Cela suppose un  retrait d’Israël derrière les frontières de 1967.
La droite israélienne, pour qui l’ensemble des  territoires s’étendant de la Méditerranée au Jourdain sont juifs,  rejette un tel retrait. Même les Israéliens modérés veulent modifier les  frontières de 1967 de manière à englober dans l’État hébreu  quelques-unes des colonies qui ont proliféré en Cisjordanie au cours des  quarante dernières années. Mais aussi pour conserver le contrôle de  zones considérées comme stratégiques, car elles surplombent des centres  de population juive.
Les Palestiniens ont accepté l’idée d’une légère  modification du tracé de 1967, mais ils réclament en compensation un  surcroît de terres équivalent – par exemple l’extension de la surpeuplée  bande de Gaza.
Les négociateurs les plus chevronnés sont enclins à  considérer la question des frontières comme la plus facile à résoudre.  C’est pourquoi elle figure souvent au cœur des discussions lors des  premières étapes des négociations de paix.
Sécurité. Israël  n’acceptera la création d’un État palestinien que s’il obtient  l’assurance que celui-ci ne représentera pas une menace pour sa  sécurité. Le risque de voir la Cisjordanie passer sous le contrôle du  Hamas préoccupe tout particulièrement l’État hébreu.
Après le retrait israélien de la bande de Gaza [et une  tentative de putsch du Fatah], le mouvement islamiste a pris le contrôle  de ce territoire, d’où il lancera des attaques à la roquette contre des  villes israéliennes voisines. Pour éviter que ne se reproduise ce  scénario en Cisjordanie et pour prévenir le trafic d’armes, Israël veut  conserver le contrôle de la frontière avec la Jordanie. Tel-Aviv exige  également que l’État palestinien soit démilitarisé, que son espace  aérien soit sous son contrôle et que les leaders palestiniens  s’interdisent de nouer des alliances avec ses ennemis.
Pour les Palestiniens, des contraintes aussi  draconiennes vont à l’encontre de l’idée même d’un État souverain et  indépendant. Certains diplomates estiment que l’installation d’une force  internationale au sein du futur État palestinien pourrait être le  meilleur moyen de répondre aux préoccupations israéliennes.
Jérusalem. Les forces  israéliennes se sont emparées de Jérusalem-Est lors de la guerre  israélo-arabe de 1967, mettant un terme à près de vingt ans de  souveraineté jordanienne sur les quartiers arabes, y compris la Vieille  Ville. Contrairement au reste de la Cisjordanie occupée la même année,  Jérusalem-Est a été officiellement annexée par l’État hébreu.  Revendiquée par les Palestiniens comme la capitale de leur futur État,  Jérusalem-Est est considérée par les Israéliens comme faisant partie  intégrante de leur propre capitale.
Le passage des quartiers arabes sous contrôle  palestinien et celui des quartiers juifs sous contrôle israélien  auraient pu constituer un compromis. Mais la construction  d’implantations juives dans Jérusalem-Est, où résident désormais 200 000  colons, a singulièrement compliqué la situation, rendant virtuellement  impossible une partition nette de la ville.
Autre site sensible, la Vieille Ville, qui abrite des  lieux saints tout autant vénérés par les juifs, les musulmans et les  chrétiens. Une souveraineté partagée ou une tutelle internationale ont  été mises à l’étude, mais, pour les « durs » des deux bords, de telles  solutions sont inconcevables.
Réfugiés. Plus de 700 000  Palestiniens expulsés de leurs foyers ou ayant fui l’avancée israélienne  durant la guerre de 1948 se sont dispersés dans des camps de réfugiés –  en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Cisjordanie et à Gaza –, où une  agence de l’ONU continue de leur fournir le minimum vital en matière  d’éducation, de santé et de soutien financier.
Le nombre de réfugiés, toutes générations confondues,  est estimé aujourd’hui à 4,8 millions, dont 1,4 million vivent encore  dans des camps.
Les dirigeants palestiniens ont longtemps réclamé la  reconnaissance du principe du droit au retour des réfugiés et de leurs  descendants dans leurs anciens foyers, dans l’actuel Israël, comme l’un  des volets d’un accord de paix. Une telle demande a été jugée  inacceptable par les Israéliens car elle remettrait en question le  caractère juif de l’État hébreu et saperait sa légitimité. Lors de  négociations antérieures, un accord avait été trouvé prévoyant le retour  d’un nombre symbolique de réfugiés et le versement de compensations aux  autres.
Colonies. Environ 500 000  colons juifs vivent en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Leur  présence et la croissance continue de leurs implantations constituent,  aux yeux de la communauté internationale, l’un des principaux obstacles à  la signature d’un accord de paix.
La mise en place d’un État palestinien viable suppose le  démantèlement d’un grand nombre de ces colonies, une décision politique  difficile à prendre pour n’importe quel gouvernement israélien et qui,  d’aucuns le redoutent, pourrait plonger le pays dans une crise grave.
Les diplomates distinguent trois types de colonies  :  celles de Jérusalem-Est, celles qui sont proches des frontières de 1967  et celles qui sont très avancées à l’intérieur de la Cisjordanie. Cette  dernière catégorie est celle qui pose le plus de problèmes, car ces  implantations éloignées rendent impossible la contiguïté territoriale  palestinienne et abritent les colons les plus radicaux.