Michel Warschawski
Depuis  le massacre de Gaza quelque chose a changé dans le monde, et plus  particulièrement en Europe : l’opinion publique large a le dégoût  d’Israël. Le front critique de la politique israélienne s’est  substantiellement élargi. Comment capitaliser, comment stabiliser (une  partie de) ces nouvelles forces dans une solidarité pérenne ?
Des amis français m’ont fait  suivre la très longue analyse que fait Pierre Yves Salingue de la  politique de Salam Fayyad et ses implications dans le mouvement de  solidarité en France [1].  L’avantage que lui offre la longueur (47 pages) est sa riche  documentation et ses nombreuses sources, et, que l’on soit ou non  d’accord avec son analyse, Pierre Yves nous propose une grille de  lecture qu’il faut prendre en considération. La partie consacrée à la  centralité de la campagne BDS est très utile pour nos campagnes, même si  là aussi j’ai un désaccord sur l’articulation entre l’appel de Ramallah  et sa traduction dans les réalités locales concrètes qui se doit d’être  le plus mobilisatrice possible, et donc flexible.
J’ai donc lu avec beaucoup d’attention ce texte en trois  parties… et je suis resté sur ma faim. Non pas à cause des éléments  d’analyse que je ne partage pas – ils ne sont pas nombreux – et en  particulier la non-prise en considération du contexte global : l’échec  de la stratégie états-unienne de recolonisation du monde par la  guerre  globale, permanente et préventive et les implications de cet échec sur  la stratégie américaine envers la Palestine ; l’émergence de nouveaux  acteurs internationaux dans la région ; le rôle important que va jouer  l’Iran etc. Tout se passe comme si, pour PYS, on pouvait isoler la scène  palestinienne de son contexte régional et global. L’embourbement de  l’armée américaine en Afghanistan aura certainement plus d’impact sur le  futur du conflit en Palestine que les choix économiques de Fayyad, et  les choix des courants chiites en Iraq pèseront  bien plus pour les  habitants de Naplouse et de Gaza que les compromissions d’Abbas dans les  rencontres au sommet a Washington.
Ni même à cause des attaques contre notre camarade  Dominique Vidal qui, à plusieurs occasions, sont davantage des procès  d’intention qu’une polémique pouvant servir à mettre en lumière de  véritables divergences de fond.
Non, ce qui me laisse sur ma faim, après 47 pages quand  même, c’est ce qui manque. Et ce n’est pas n’importe quoi pour quelqu’un  qui se veut être un militant qui essaie de peser sur le cours des  choses, et pas seulement un commentateur qui distribue les bons et  surtout les mauvais points aux acteurs.
Depuis le massacre de Gaza quelque chose a changé dans  le monde, et plus particulièrement en Europe : l’opinion publique large a  le dégoût d’Israël. Le front critique de la politique israélienne s’est  substantiellement élargi. Comment capitaliser, comment stabiliser (une  partie de) ces nouvelles forces dans une solidarité pérenne ? Voila, à  mon avis, l’enjeu majeur, que PYS semble ignorer. En faisant de  Dominique Vidal et d’une partie importante du mouvement de solidarité  des presque-collabos, à l’évidence, Pierre Yves ne permet pas d’avancer  sur cet enjeu prioritaire mais, au contraire, provoque la division. Or  le moment est précisément à l’unité afin d’offrir un cadre de lutte pour  les dizaines de milliers de nouveaux participants aux mobilisations  afin de peser sur les rapports de forces internationaux, en particulier  par le biais de la campagne BDS.
Analyser et débattre, certes, mais en ne perdant pas de  vue notre tache prioritaire : transformer l’essai que représente la  prise de distance massive envers l’Etat d’Israël dans le mouvement  social international en un outil efficace de pressions politiques,  économiques et diplomatiques sur l’Etat hébreu. Plus que jamais cet  objectif est réalisable, et c’est à cela que nous devons nous atteler.
Note : CL, Afps