Mustapha Cherif - Le Quotidien d’Oran
          L’élargissement de notre sentiment d’appartenance à l’humanité  toute entière et l’attachement à la résistance pacifique et à l’amitié  entre les peuples doivent l’emporter, sur le repli et les murs des  apartheids, que certains élèvent en Palestine, entre les deux rives de  la Méditerranée et partout dans la tête des gens.         
 En ces temps de jeûne notre pensée solidaire est pour les Palestiniens  et tous ceux qui souffrent de l’occupation et de la violence. Les  nouvelles du Moyen-Orient ne sont toujours pas bonnes. Malgré des  tentatives d’actes symboliques de solidarité qui arrivent au  compte-gouttes, Ghaza et la Cisjordanie restent assiégées, presque  complètement isolées du reste du monde. Le type d’apartheid d’Israël se  mêle à un colonialisme féroce de peuplement. L’immense majorité de la  population de la bande de Ghaza, considérée comme des aborigènes, sont  des victimes du nettoyage ethnique de 1967, et interdite de revenir dans  les villages d’où ils furent chassés.
 C’est un bantoustan et la plus grande prison à ciel  ouvert du monde, dont les puissants de ce monde détournent les yeux,  complices. Même durant l’apartheid en Afrique du Sud, les forces  racistes n’ont pas utilisé toute la force de l’armée contre la  population civile des ghettos. Par contre, Ghaza a été agressée par des  bombes aux phosphores, interdites internationalement, des F16, des  hélicoptères de combat, des navires de guerre, des chars d’assaut.
L’Autorité palestinienne, qui n’est que l’ombre  d’elle-même, vient de plier sous les pressions américaines pour  reprendre la parodie de négociations directes avec le gouvernement  israélien d’extrême-droite qui pavoise et continue à coloniser, à  détruire les maisons et à assassiner les Palestiniens. Dans ce contexte,  rien ne doit occulter que juifs et musulmans sont frères abrahamiques.  Le problème au Moyen-Orient est politique. Le lien entre le juif et  l’Arabe, l’être sémite, juif-arabe, doit être préservé et au nom duquel  il faudra lutter contre tous les extrémismes. Aucun amalgame ne doit  être fait. Islamophobie et judéophobie sont les deux faces d’une seule  et même stratégie de la haine, tantôt l’une tantôt l’autre mis en avant  par les racistes. Il ne faut pas se tromper et tomber dans le piège.
La pression américaine
Analysons la situation politiquement, sans passion et  travaillons à l’amitié. Au lieu d’informer l’opinion publique  internationale, favorable à la cause palestinienne, en mettant l’accent  sur les similitudes existantes entre le régime sioniste extrémiste et le  régime d’apartheid, l’absence de stratégie, la peur de l’épouvantail  « islamiste » et les divisions internes précipitent la faillite de  l’Autorité palestinienne.
C’était prévisible faute de soutien arabe conséquent. Le négociateur en chef palestinien Saeb Ereikat, lui-même a déclaré : « Les  Américains pratiquent l’intimidation pour que nous rejoignions de façon  inconditionnelle et pour une durée indéterminée des négociations qui  pourraient conduire nulle part. Le Président Abbas a dit "non" mais il  peut ne pas être en mesure de maintenir cette position pendant une  longue période sans véritable soutien palestinien, arabe et islamique.  »  Le combat pour la libération nationale de la Palestine est en train de  se transformer en revendication pour des bantoustans et querelles  politiciennes.
Sauf sursaut, les sionistes extrémistes vont réussir à  obtenir une pseudo-trêve illusoire de 20 ans pour enterrer la question.  Les sionistes extrémistes ne reculent devant rien. Pourtant, les peuples  arabes continuent à préférer la paix comme option stratégique, refusent  l’extrémisme et rêvent même d’une nouvelle Amitié. La puissance  médiatique du lobby pro-israélien cherche à faire croire le contraire.  Il arrive à faire rentrer dans les esprits les thèmes scélérats du  « choc des civilisations » et du nouvel ennemi en la figure du musulman.  Pourtant, l’idéologie sioniste extrémiste n’est pas unanime dans les  communautés juives à travers le monde, même si des institutions juives  ont basculé dans un appui inconditionnel à la politique coloniale.
Qu’est devenue la proposition arabe de paix ?
Des médias et des centres de décision influents servent  de courroie de transmission à l’idéologie sioniste, pendant que le  discours arabe est dénigré. Pourtant, la proposition de paix,  saoudienne, qui est devenue arabe à l’unanimité depuis 2002, est une  vraie et solide proposition constructive. Reprise à chaque sommet arabe,  elle est restée lettre morte. L’opinion occidentale ne la connaît pas  bien, voire l’ignore. Sur le plan culturel le monde arabo-musulman,  malgré des courants obscurantistes, ne cesse de proclamer son  attachement au dialogue des religions et des civilisations, mais faute  de rapport de force conséquent, il n’y a pas de réel progrès.
Les forces contre la paix élèvent toujours un mur de  silence face aux bonnes volontés. Pour les sionistes extrémistes et  leurs alliés, une critique d’Israël équivaut à de l’antisémitisme. Les  deux peuples israéliens et palestiniens ont le droit à la paix et à la  sécurité. Cela n’exclut pas de critiquer les extrémistes de deux bords.
Aujourd’hui en Europe, il est de moins en moins  admissible d’exprimer une critique de la politique de l’Etat d’Israël.  Le terrorisme intellectuel et la propagande sont tels que des citoyens  européens et juifs succombent au chantage affectif et développent un  second nationalisme hors du commun. Un chercheur juif, Jacob Cohen,  parmi les justes, engagé pour la cause palestinienne, vient de publier  chez l’Harmattan un ouvrage, roman fort significatif sur les méfaits des  lobbys tentaculaires à ce sujet, intitulé : Le printemps des sayanim, dédié « à tous ceux qui se battent pour la justice en Palestine ».
Il vise selon l’auteur, à ouvrir les yeux sur une force  puissante et insidieuse mise au service d’une idéologie de domination,  afin de permettre un décryptage des événements et favoriser l’émergence  de contre-pouvoirs. Contribuer à la paix et à la justice entre les  peuples passe par le souci d’informer.
Des propagandistes islamophobes, pour faire diversion  aux impasses de la société consumériste, alimenter la peur et le rejet  de la religion, délirent et prétendent que « la talibanisation » des  sociétés musulmanes est en passe de se généraliser.
Certes, des attitudes obscurantistes injustifiables sont  visibles en rive Sud, mais elles restent minoritaires et sont le  produit des contradictions de notre époque. « Le choc des  civilisations », que les islamophobes et les extrémistes prônent,  représente le grand mensonge du siècle. Il ne doit pas devenir une  réalité cauchemardesque. Cela signifiera que l’humanité éprouve les  limites extrêmes de sa tendance au vivre-ensemble, et que la pulsion de  vie et le besoin de partage qui poussent les hommes à s’unir, se sont  épuisés, abdiquant face à la pulsion de mort et d’isolement.
Nous refusons d’imaginer un monde libéralo-fasciste, où  rien ne s’échange, rien d’humain ne circule, rien de sage ne se dit,  sauf ce qui favorise des relations conflictuelles. L’élargissement de  notre sentiment d’appartenance à l’humanité toute entière et  l’attachement à la résistance pacifique et à l’amitié entre les peuples  doivent l’emporter, sur le repli et les murs des apartheids, que  certains élèvent en Palestine, entre les deux rives de la Méditerranée  et partout dans la tête des gens. L’avenir est incertain, si des hommes  de bonne volonté, juifs, chrétiens, musulmans, humanistes, ne s’unissent  pas. L’avenir du monde se joue au Moyen Orient.
Mustapha Cherif est philosophe .
                4 septembre 2010 - Le Quotidien d’Oran - Evènement