Gilles Paris
Marwan Barghouti ne serait que le produit de plusieurs “fables”.
C’est devenu une antienne  quand est posée la question de l’avenir de la direction palestinienne.  Quid de Marwan Barghouti, ancien député de Cisjordanie, en son temps  cadre remuant du Fatah, emprisonné en Israël où il purge cinq peines de  prison à vie pour avoir participé selon les autorités israéliennes à des  opérations terroristes ? Le Parti communiste français, connu pour ses  positions pro-palestiniennes, en a fait un cheval de bataille. Dans  certaines municipalités de l’Hexagone, on s’empaille même régulièrement  sur sa qualité : assassin ou Mandela en gestation. Ce qui atteste une  aura incontestable, quoique controversée.
Le chercheur Jean-François Legrain propose une troisième  voie entre le “martyr” et le “terroriste” : “l’apparatchik”.  L’historien avait déjà traité cursivement le sujet dans un article  consacré à l’Autorité palestinienne (Palestine : un Etat ? Quel Etat ?)  en 2009. Il revient à la charge dans un ouvrage collectif dirigé par  l’universitaire Bertrand Badie et le journaliste Dominique Vidal, La fin  du monde unique (La Découverte, 22 euros) : Marwan Barghouti, à l’en  croire, ne serait que le produit de plusieurs “fables”.
Celle d’Israël, tout d’abord, qui consistait à faire de  lui le “cerveau” de la seconde intifada et dont l’arrestation signifiait  le triomphe de sa politique sécuritaire. Celle des parrains occidentaux  des Palestiniens - élaborée notamment par l’universitaire et  politologue palestinien Khalid Chikaki - de promotion d’une “jeune  garde” du Fatah prête à remplacer la génération des fondateurs, Yasser  Arafat en tête, récusé pour double language, affairisme et corruption  (et que l’ancien chef de la sécurité de Gaza, Mohammed Dahlan, serait  bien en peine d’incarner). Celle enfin des Palestiniens disposant d’un  leader en devenir, un quasi “imam caché” (contre son gré), capable de  faire la synthèse des principales forces du mouvement palestinien (Fatah  et Hamas, dont il côtoie les cadres également emprisonnés en Israël.)
Jean-François Legrain dénonça avec prémonition, en son  temps, la “téléologie du processus de paix” israélo-palestinien lorsque  celui-ci était fort à la mode. Biographe impitoyable de Marwan  Barghouti, il semble considérer que ce dernier flotterait un tantinet  dans le costume qui lui est taillé. Chef local sans grande influence en  son temps, le plus célèbre détenu palestinien ne serait que “le fantasme  d’une communauté internationale dans l’attente d’une sorte de messie  nationaliste qui viendrait refermer un mandat populaire islamiste réduit  à une simple parenthèse et dont elle s’obstine à ne pas vouloir tenir  compte”.
Restent les interrogations sur le poids véritable du  Hamas aujourd’hui (ce n’est pas demain la veille qu’il sera mesuré dans  des urnes) au vu de son bilan. Il ne faut pas exclure en effet que les  Palestiniens ne soient revenus de tout.