Sarah Irving
Les  Églises ont depuis longtemps été un point central du combat de la  campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions). Avec le  développement du mouvement BDS, plusieurs Églises à travers le monde se  sont impliquées progressivement dans le mouvement de boycott, et les  derniers mois ont été marqués par quelques gros succès pour BDS.
L’Église méthodiste anglicane  avaient déjà voté il y a quelques années plusieurs résolutions  concernant Israël. En 2006, explique le Dr Stephen Leah, un vote pour le  désinvestissement des compagnies qui profitaient de l’occupation avait  été accepté par une large majorité des méthodistes. D’autres résolutions  ont été également prises, condamnant la politique d’Israël envers Gaza  et incitant les fidèles de l’Église à défendre une paix juste.
En juin, Lean et sa collègue Nicola Jones, pasteur de  l’Église méthodiste, ont été à l’origine d’un débat virulent dans les  médias britanniques après avoir fait passer une résolution sur le  boycott d’Israël aux membres de l’Église. "Depuis 2009 nous avions lancé  un travail de recherche qui servirait à donner des bases aux  résolutions de l’Église méthodiste concernant la Palestine" explique  Leah.
Suite à ce rapport, une motion sur le boycott des  produits en provenance des colonies a été ratifié par les méthodistes.  Christine Elliott, la secrétaire des Affaires étrangères de l’Église,  déclarait à la presse que "cette décision n’a pas été facile à prendre ;  elle a vu le jour après plusieurs mois de recherche, après avoir été  minutieusement réfléchie et finalement soumise au vote. Le but du  boycott est de mettre un terme à l’existence de l’injustice. Cette  campagne dénonce la colonisation, qui reste un obstacle à la paix dans  cette région. Nous sommes toujours ouverts au dialogue avec les autres  communautés religieuses et avec les pratiquants de différentes  confessions. Nous restons profondément attachés aux relations que nous  entretenons avec nos frères et sœurs d’autres religions et nous nous  engageons dans l’écoute et la compréhension, c’est pour cela que nous  agissons comme des porteurs d’espoir tous ensemble."
"De mon point de vue, nous devrions boycotter tous les  produits venant d’Israël"confie Leah. "Mais nous avons eu un gros débat  là dessus, comme vous pouvez l’imaginer, et plusieurs personnes se  prononçaient pour le boycott des produits des colonies uniquement. Donc à  l’heure actuelle, la ligne politique de notre Église consiste à  boycotter uniquement ces biens. Cependant, d’autres méthodistes veulent  s’engager plus loin dans la voix du boycott." Bien que l’Église  méthodiste soit la seule en Grande-Bretagne à soutenir le boycott des  produits des colonies, Leah croit que l’opinion publique, au sein  d’autres communautés religieuses, particulièrement dans L’Église  réformiste unifiée, se rallierait au boycott si elle avait accès à plus  d’informations à propos de la colonisation en Cisjordanie.
La résolution votée par les méthodistes ne s’arrête pas  au simple boycott des produits issus des colonies. Elle encourage  également les membres de l’Église à s’instruire et s’informer sur la  situation en Palestine, et à s’engager dans des initiatives de  volontariat en Palestine, pour observer les violations répétées des  Droits de l’Homme. Les documents officiels de l’Église qualifient  maintenant les colonies "d’illégales", et les dirigeants de l’Église ont  demandé des précisions sur l’origine des produits vendus dans les  principales chaines de supermarchés. Selon un porte parole de l’Église,  leur rapport devrait être publié prochainement et l’on peut déjà trouver  sur leur site internet des informations concernant les entreprises et  labels qui exportent ou importent des produits issus des colonies en  Cisjordanie.
Les réactions au boycott.
Sans surprise, cette décision de l’Église méthodiste a  déclenché une vague de protestations au Royaume-Uni. Le Conseil des  Chrétiens et des Juifs, basé à Londres, a déclaré que cette résolution  sur le boycott allait "blesser le peuple palestinien". Le Conseil des  députés juifs et anglais a publié un communiqué, déclarant que le vote  de cette motion symbolisait "une journée vraiment triste, dans les  relations entre juifs et méthodistes mais aussi pour tout ceux qui  voudraient voir de réels engagements dans la résolution du conflit  israélo-palestinien. La Conférence des méthodistes a publié un rapport  truffé d’erreurs historiques et de conceptions erronées sur la religion  juive et la politique israélienne." Le communiqué a accusé l’Église  d’être "grossière, insensible et mal informée". Le Conseil a déclaré  mettre un terme à toutes relations avec les méthodistes tant qu’il n’y  aura pas de changements dans leur position.
En Israël, on qualifie cet engagement de "menace au  multiculturalisme qui se développe partout en Europe." Le Jerusalem Post  a déclaré que les méthodistes étaient "une petite communauté en déclin"  [l’Église méthodique à 330.000 membres au Royaume-Uni]. Robin Shepherd  écrit dans un article du Jerusalem Post, intitulé "la banalité des  démons méthodistes" : "si l’Église méthodiste lance une campagne de  boycott contre Israël, laissons Israël répondre de manière appropriée ;  empêchons leurs représentants de rentrer en Israël, renvoyons leurs  missionnaires, bloquons leurs financements, fermons leurs bureaux et  taxons leurs églises. Si ils veulent la guerre, ils l’auront. Les  agresseurs doivent payer le prix de leurs actions."
"Je pense que beaucoup de personnes s’attendaient à  cela" a déclaré Leah, "la plus part des fidèles que je rencontre restent  d’accord avec la position de l’Église. Ils disent que nous avons fait  ce qui était juste." Leah cite des lettres du révérend Rob Hufton,  membre de l’Église méthodiste, qui dénonce l’attitude d’Israël envers  les mouvements pro-palestiniens ; attitude qui selon lui, est la vraie  menace à l’interculturalité. Il critique la politique israélienne qui a  transformé la Cisjordanie en "gruyère suisse". Il conclut en affirmant  que "la situation est pire que ce que le rapport des méthodistes  dénoncent. En tant qu’ Église, nous n’avons pas à nous excuser pour  cela, et nous n’avons pas à subir ce genre de menaces."
Leah admet que les nombreux griefs que les méthodistes  ont pu avoir avec des journaux sionistes comme le Jerusalem Post ou le  Jewish Chronicles les font toujours quelque peu culpabiliser. Cependant,  il est très enthousiaste quant au soutien apporté par diverses  associations juives anti-sionistes, ainsi que sur les possibilités de  dialogue désormais possible avec la communauté musulmane britannique.  "Je pense que le plus important pour les méthodistes est de ne pas  perdre courage face aux attaques de nos détracteurs et de continuer le  combat contre l’injustice."
Derrière les attaques quasi hystérique de la communauté  sioniste, se cache en réalité la peur de voir à quel point la campagne  BDS se développe ses dernières années. La décision de l’Église  méthodiste pourrait entrainer d’autres communautés religieuses à  s’opposer publiquement à la politique israélienne. Malgré les  commentaires du Jerusalem Post sur la marginalité de ce mouvement, une  semaine après la déclaration des méthodistes, l’Église d’Angleterre, la  plus grande Église protestante du Royaume-Uni, condamnait publiquement  l’entreprise française Véolia pour sa participation au projet de tramway  dans Jérusalem. "Une fois construit, le tramway renforcera la  domination d’Israël sur les territoires occupés de Jérusalem-est et  rapprochera les colonies de l’État d’Israël."
Des Églises australiennes et américaines s’engagent également en faveur du peuple palestinien.
En Australie, le Conseil National des Églises a  également voté une motion fin juillet, de soutien au boycott des  produits issus des colonies en Cisjordanie. Le Conseil a déclaré que le  boycott des biens en provenance des colonies aiderait à "l’émancipation  du peuple [palestinien] face aux injustices dont il est victime" et  participerait à l’élaboration d’une paix "juste et définitive". Ce  Conseil représente la majorité des Églises catholiques et anglicanes  d’Australie.
Face à cela, des groupes de sionistes australiens, ont  réagi avec colère en dénonçant ce boycott des "juifs de Cisjordanie".  Robert Goot, président du Conseil Exécutif des Juifs Australiens a  violemment condamné cette décision qui pour lui "fait revivre chez les  juifs australiens des moments très douloureux, liés aux évènements du  siècle précédent en Europe, quand les Eglises autorisèrent la répression  contre le peuple juif."
Sans aller aussi loin que les Églises britanniques et  australiennes, l’Église presbytérienne aux États-Unis, qui représentent  plus de deux millions de croyants, a voté plusieurs résolutions en  juillet en faveur du peuple palestinien. Durant l’Assemblée Générale,  82% des membres ont voté pour une résolution appelant à "la fin de  l’occupation des territoires palestiniens" (affirmant également le droit  pour Israël d’être reconnu et d’exister en tant que pays souverain).  Les résolutions votées se prononcent également en faveur du "gel  immédiat des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-est".  L’Assemblée Générale a aussi critiqué l’entreprise Caterpillar pour les  profits qu’elle réalise en Israël, allant à l’encontre de tous principes  moraux et chrétiens. Les investissements de Caterpillar sont accusés de  se faire au détriment d’une paix juste et durable et l’entreprise est  appelée à s’engager dans le respect des Droits de l’Homme. Cependant,  l’Église presbytérienne ne s’est pas engagé pour le boycott.
Publié par  Electronic Intifada :
http://electronicintifada.net/v2/ar... et en français par PNN