Karim Lebhour
Alors  que des négociations avec Israël doivent s’ouvrir le 2 septembre à  Washington, des Palestiniens, comme les habitants de Bilin, organisent  désormais des mouvements de protestation qu’ils veulent non-violents
Au moment même où Mahmoud  Abbas acceptait l’invitation américaine à reprendre les négociations  avec Israël , la manifestation hebdomadaire de Bilin s’achevait, comme  toutes les semaines, dans la fumée des gaz lacrymogènes.
« Ces négociations ne serviront qu’à permettre aux  Israéliens de gagner du temps et de prendre toujours plus de terres » ,  lâche Iyad Burnat, un résident de ce village palestinien de 2 000  habitants, près de Ramallah.
Depuis cinq ans, les Palestiniens manifestent contre la  barrière de sécurité israélienne qui prive Bilin de la moitié de ses  terres agricoles, grignotées par Modin Illit, une imposante implantation  juive de 40 000 habitants. Le village est devenu le centre nerveux de  la résistance nonviolente. « L’Autorité palestinienne négocie depuis  quinze ans sans avoir rien obtenu, sinon plus de colonies, poursuit-il.  Par notre action, nous avons au moins réussi à faire bouger le mur.  C’est la voie à suivre. »
Pour preuve, Iyad Burnat cite la décision de la Cour  suprême israélienne en faveur des villageois de Bilin, demandant la  modification du tracé de la barrière. Bilin devrait ainsi récupérer 140  des 232 hectares confisqués. Le comité du village a aussi intenté une  action en justice contre deux sociétés québécoises, Green Park  International Inc. et Green Mount Inc., engagées dans la construction de  logements à Modin Illit. La justice canadienne s’est déclarée  incompétente. « Peu importe, martèle Iyad Burnat, nous poursuivons  désormais toutes les entreprises internationales travaillant dans les  colonies, devant toutes les juridictions possibles. »
L’obstination des habitants de Bilin suscite un intérêt  grandissant parmi des Palestiniens majoritairement convaincus que les  négociations ne produiront aucun résultat. Une douzaine de villages de  Cisjordanie, comme Nabi Saleh, Beit Jala, Nilin, Walajeh ou Budrus,  copient désormais le mode d’action de Bilin, manifestations et actions  judiciaires, contre l’annexion de terres au profit des colonies  israéliennes. « Nous essayons de retrouver l’esprit de la première  Intifada avec des actions non-violentes, comme les appels au boycott et  au désinvestissement. C’est la seule forme de résistance possible »,  explique Mustapha Barghouti, député indépendant. « La militarisation de  la seconde Intifada a été une énorme erreur » , ajoute-t-il. Le message  commence également à être entendu par les dirigeants de l’Autorité  palestinienne. Le premier ministre Salam Fayyad a participé à plusieurs  reprises aux manifestations de Bilin dont il a fait le symbole de la  « résistance populaire pacifique » , au même titre que sa campagne de  boycott pour bannir des magasins palestiniens les produits fabriqués  dans des colonies israéliennes.
« Nous avons le vent en poupe », reconnaît Mohammed  Othman, l’un des chefs de file de Stop The Wall, le mouvement de  contestation contre la barrière israélienne et les confiscations de  terres.
« L’année dernière, le Fatah refusait de participer à  nos manifestations. Maintenant, ses militants sont en première ligne,  toujours dans l’axe des caméras, sourit-il. Ils ont compris que le  mouvement prenait de l’ampleur. » Qualifiées d’ « émeutes » par l’armée  israélienne, les manifestations se terminent néanmoins souvent par des  affrontements entre soldats israéliens et manifestants et des jets de  pierres. En deux ans, sept Palestiniens ont été tués et plusieurs  militaires blessés. Le mouvement, que les activistes palestiniens  n’hésitent pas à comparer à la lutte contre l’apartheid sud-africain,  suscite la nervosité des autorités israéliennes. Au cours de l’année  écoulée, une quarantaine de personnes ont été arrêtées et emprisonnées  dans le village de Bilin. Mohamed Othman et Jamal Juma ont passé  respectivement quatre et un mois en détention administrative. Aucune  charge n’a été retenue contre eux.