Irin
Des  pans entiers de la vallée du Jourdain [sont] devenus des zones  militaires fermées revendiquées par l’armée israélienne. Ils signalent  une forme de pression supplémentaire sur les communautés bédouines de la  région.
La route qui mène au village  d’al-Hadidiya dans le district de Tubas, dans le nord-est de la  Cisjordanie, est parsemée de rochers où sont gravés des avertissements  en hébreu, en arabe et en anglais : « Danger – Zone de tir ».
Les rochers sont arrivés il y a six mois et ont été  placés à l’entrée des villages palestiniens, indiquant que des pans  entiers de la vallée du Jourdain étaient devenus des zones militaires  fermées revendiquées par l’armée israélienne. Ils signalent une forme de  pression supplémentaire sur les communautés bédouines de la région.
Abdul Rahim Bsharat, un berger de 59 ans, et sa famille  habitent et cultivent la terre à al-Hadidiya depuis les années 1960. A  cette époque, a-t-il dit, il y avait entre 400 et 500 familles ici.  Aujourd’hui il en reste 17, qui n’ont accès ni à l’eau ni à  l’électricité. Chaque bâtiment dans le village affiche un ordre de  démolition israélien.
Le 21 juin, les soldats israéliens ont prévenu  M. Bsharat que sa maison et les abris pour ses animaux pouvaient être  détruits à tout moment. La dernière fois que la maison de M. Bsharat a  été démolie en 2002, sa citerne d’eau lui avait aussi été confisquée.  « S’ils détruisent à nouveau ma propriété, je reviendrai et je  reconstruirai. Ici, c’est ma terre, » a-t-il dit à IRIN.
La maison de M. Bsharat est une sorte d’auvent fait de  sacs cousus ensemble et posés sur des poteaux au-dessus du sol nu. Elle  est facile à reconstruire. Ce sont les autres problèmes qui sont plus  difficiles à résoudre.
Al-Hadidiya se trouve dans une partie de la Cisjordanie  entièrement contrôlée par les Israéliens, connue sous le nom de Zone C.  On estime que 40 000 Palestiniens y habitent. Dépendants d’un système de  permis israélien très strict, ceux-ci n’ont pas le droit de construire  ni de réparer les maisons, les écoles, les hôpitaux ou les réseaux  d’assainissement, a dit le Bureau des Nations Unies pour la coordination  des affaires humanitaires (OCHA). Dans une région où presque toutes les  familles sont éleveurs, les restrictions imposées aux Palestiniens par  Israël pour accéder aux terres agricoles et les développer signifient  que des milliers de personnes souffrent de la faim, selon les agences  humanitaires.
Une étude publiée récemment par Save the Children UK et  intitulée Life on the Edge, révèle que de nombreuses parties de la zone C  sont plongées dans une crise humanitaire plus sévère encore que celle  de Gaza.
Les communes israéliennes [1]
Al-Hadidiya est entouré de trois communes israéliennes  en pleine expansion, Ro’i, Beka’ot et Hemdat. Les terres du village  touchent directement celles de Ro’i et la communauté ramasse dans des  boîtes rouillées le trop-plein des pompes à eau qui irriguent les champs  des colons.
Malgré une requête de longue date de M. Bsharat, les  autorités israéliennes n’ont pas donné à al-Hadidiya la permission de se  connecter à la canalisation d’eau principale. Le village n’a pas de  centre médical et n’a pas le permis nécessaire pour en construire un.  L’hôpital le plus proche est à plusieurs heures de route, à Jéricho.
A cause des barrages et des postes de contrôle  israéliens, arriver jusqu’à un médecin peut prendre des heures. En 2002,  le fils de M. Bsharat, qui avait alors deux ans et demi, a été  hospitalisé pendant 16 jours quand un rhume banal s’est transformé en  pneumonie.
La même année, son fils de huit ans fut gravement blessé  en tombant d’un tracteur. Il a fallu six heures avant qu’une voiture  puisse parvenir à al-Hadadiya pour l’emmener à l’hôpital. L’enfant est  mort d’avoir perdu trop de sang.
Dans le passé, Israël a été la cible  d’attentats-suicides mortels venant de Cisjordanie. Pour Israël, les  règles sévères imposées aux mouvements des Palestiniens par les postes  de contrôle et les barrages sur les routes sont nécessaires à sa  sécurité [2].
Selon l’armée israélienne, les maisons d’al Hadidiya et  celles d’une grande partie de la vallée du Jourdain doivent être  démolies parce qu’elles ont été construites illégalement, sans permis de  construire israélien, ou parce qu’elles sont situées dans des « zones  militaires fermées ». Environ 18 pour cent de la Cisjordanie sont  aujourd’hui une zone militaire fermée.
Retards de croissance
L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés  palestiniens (UNRWA) a découvert que, dans les communautés bédouines  comme celles d’al-Hadidiya, les taux de retard de croissance sont au  moins deux fois plus élevés qu’à Gaza. Près de la moitié des enfants  souffrent de diarrhée, l’une des principales causes de décès des enfants  de moins de cinq ans dans le monde ; trois-quarts des familles ne  disposent pas d’une alimentation suffisamment nutritive.
Save the Children travaille avec une ONG locale, l’Union  of Agricultural Work Committees (UAWC, une ONG de soutien aux activités  paysannes) pour aider les familles d’al-Hadidiya à réparer les  bâtiments et les terres endommagées, dans la mesure du possible. Mais la  sévérité des restrictions concernant la construction et le droit  d’accès signifient que l’Autorité palestinienne et les agences  humanitaires sont limitées dans l’assistance qu’elles peuvent offrir aux  familles partout dans la zone C.
« Dans les dernières semaines, la communauté  internationale s’est à juste titre concentrée sur les souffrances des  familles de Gaza, mais la détresse des enfants de la Zone C ne doit pas  être oubliée. Le niveau de malnutrition et de pauvreté dont sont  victimes beaucoup de familles, en particulier dans les communautés de  Bédouins et de bergers, est nettement plus élevé, » a dit Salam Kanaan,  coordinateur de Save the Children UK.
« Il est maintenant urgent de prendre des mesures pour  s’assurer que les enfants d’ici aient un foyer sûr et de vraies salles  de classe, suffisamment de nourriture à manger et d’eau potable à  boire ».
[1]  il s’agit, ni plus ni moins, de colonies de peuplement sur le   territoire palestinien occupé dont les occupants tentent de justifier  l’existence en les présentant comme des "communes" ordinaires d’une  ville ordinaire. Terme  malencontreusement repris ici par Irin
[2]  il y a maintenant plusieurs années -depuis 2006- que les groupes de la  résistance palestinienne qui utilisaient cette forme d’action ont décidé  d’y mettre un terme