José Antonio Gutiérrez et David Landy -  The Electronic Intifada
Au début de ce mois, le  gouvernement israélien a annoncé qu’il allait participer à une des deux  commissions d’enquête internationales parrainées par les Nations Unies,  sur le massacre commis le 31 mai dernier contre la Flottille de la  Liberté pour Gaza, un changement d’attitude que le secrétaire général  Ban Ki-moon a qualifié de « sans précédent ». Toutefois, ce que l’on  sait de cette commission et de ceux qui y prennent part - en particulier  le président sortant de la Colombie, Álvaro Uribe Vélez [2] - mette le  doute sur son impartialité.
La Commission est composée de quatre personnes, l’une  choisie par la Turquie, l’une choisie par Israël et les deux autres  choisies dans une liste fournie par Israël [ci qui revient à dire  qu’Israël a sélectionnné 3 membres sur 4 ... N.d.T]. Les deux derniers  désignés sont l’ancien premier ministre de Nouvelle-Zélande, Geoffrey  Palmer, qui sera président de la commission, et Uribe, qui en sera le  vice-président. Alors que Palmer [1], expert en droit international, est  un choix incontestable, la nomination d’Uribe est aussi surprenante que  choquante. Il semble que « l’équilibre » dans cette commission serait  un équilibre entre une personne connaissant le droit et les lois  internationales pour la défense des droits de l’homme, et une autre qui y  est catégoriquement opposée. Cette notion d’équilibre affaiblit  fatalement cette commission avant même qu’elle ait commencée ses  travaux, et ternit l’image du droit international.
Uribe est un président controversé dont le régime s’est  rendu coupable de graves violations des droits de l’homme, de  surveillance illégale et de harcèlement à l’encontre des défenseurs des  droits de l’homme par ses services de renseignement (DAS), de violations  du droit international (comme le bombardement du territoire  équatorien), de corruption, de crimes contre l’humanité et de multiples  excès commis par l’armée dans sa guerre anti-insurrectionnelle soutenue  et financée par les Etats-Unies.
Le mépris d’Uribe pour les défenseurs des droits de  l’homme est notoire. Selon Human Rights First, « le président Uribe et  d’autres responsables de l’administration ont fustigé [les défenseurs  des droits humains] comme sympathisants de terroristes et ont prétendu  que des connexions existaient entre les ONG  [organisations non  gouvernementales]  défendant les droits de l’homme et des groupes armés  interdits. Ces propos irresponsables tenus en Colombie par des officiels  gouvernementaux mettent la vie des défenseurs des droits de l’homme  encore plus en danger et risquent de compromettre la valeur et la  crédibilité de leur travail » (« Human Rights Defencers in Colombia »).
En Septembre 2009 la Colombie a eu la visite de Margaret  Sekaggya, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur  la situation des défenseurs des droits de l’homme. Sekaggya a constaté  les problèmes permanents encourus par les défenseurs des droits de  l’homme en Colombie, notamment « la stigmatisation [des défenseurs des  droits de l’homme] par les agents de l’Etat et des acteurs non  étatiques, leur surveillance illégale par les services de renseignement  de l’État, leur arrestation et détention arbitraires et leur harcèlement  judiciaire, les raids contre les ONG et le vol d’informations » (« Report of the Special Rapporteur ..., »...,4 Mars 2010, pp. 13-18 [PDF]).
Les personnages officiels en Colombie attaquent  constamment les défenseurs de droits de l’homme et les membres de  l’opposition politique et sociale, les accusant d’aider les  « terroristes, » c’est-à-dire, les guérillas de gauche.
Uribe a pris la tête de ces attaques, traitant ces  militants de « larbins au service du terrorisme qui lâchement  brandissent le drapeau des droits de l’homme, » « de trafiquants des  droits de l’homme, » de « charlatans des droits de l’homme, » de  « collègues des bandits [ les guérilleros], » « front intellectuel des  FARC [les Forces Armées Révolutionnaires de la Colombie] » et il a  déclaré que « chaque fois que les terroristes et leurs supporters  sentent qu’ils seront défaits, ils s’empressent de dénoncer des  violations des droits de l’homme. »
Uribe a fait référence en termes particulièrement durs à  Amnesty International et à Human Rights Watch : « Amnesty International  ne condamne pas les violations de la loi d’humanitaire internationale  par les guérilleros et légitime le terrorisme [...] Ils font le tour des  bureaux européens comme des rats de bibliothèque, bavassant à voix  basse, minant les institutions colombiennes. » Et il a dit de José  Miguel Vivanco, directeur de la division des Amériques de Human Rights  Watch : « Avant que Vivanco, un défenseur des FARC [et] un de leurs  complices, vienne ici pour critiquer notre politique de sécurité  démocratique, nous faisions de sérieux efforts pour mettre notre pays  sur ses pieds — Je n’ai rien à apprendre de M. Vivanco quand il vient  parler des droits de l’homme » (« Defensores de derechos humanos : bajo el estigma del presidente Uribe, » Agencia de prensa (IPC), 23 octobre 2009).
C’est juste une brève vue d’ensemble des attaques  systématiques d’Uribe contre les défenseurs des droit de l’homme. En  juin 2010 une mission internationale des droits de l’homme a enquêté sur  la plus grande fosse commune de l’hémisphère occidental — contenant  environ 2000 victimes d’exécutions, jetées là depuis 2004 — qui venait  juste d’être découverte près de la ville colombienne de La Macarena. Au  même moment Uribe s’est rendu dans cette même localité, mais pas pour  présenter ses condoléances aux familles des victimes ou pour garantir  qu’une enquête déterminerait ce qui s’est produit là. Au lieu de cela,  il est allé visiter la base militaire locale, rencontrant exactement les  mêmes personnes qui - selon les récits de survivants - ont rempli cette  fosse commune avec son effroyable contenu, pour les féliciter de leur  travail.
Uribe a déclaré à cette occasion : « Je veux que le pays  sache que maintenant les terroristes veulent condamner notre victoire  même partielle en fusionnant leurs moyens de lutte. Maintenant les  porte-parole des terroristes parlent de la paix pour avoir un instant de  répit afin de pouvoir récupérer, avant que nous accomplissions notre  victoire finale. Le terrorisme combine des moyens de lutte, c’est  pouquoi leurs porte-parole parlent de paix ; d’autres viennent ici à La  Macarena pour rechercher des moyens de critiquer les forces armées et de  les impliquer dans des violations des droits de l’homme. Nous ne  tomberons pas dans ce piège, restez fermes ! » (« Voceros del terrorismo estan proponiendo la paz para poderse recuperar : Uribe » El Espectador, 25 juin 2010).
Il est difficile de croire que malgré son bilan  effroyale en matière de droits du homme, Uribe ait été nommé pour faire  partie d’une commission de droits de l’homme des Nations Unies. Allant  au delà d’Uribe lui-même, n’importe quel représentant de l’état  colombien doit être considéré comme suspect quand il est censé étudier  des transgressions des droits de l’homme, alors que ceux qui violent ces  droits de l’homme, qu’ils agissent officiellement ou « officieusement »  avec l’accord de l’Etat, agissent en toute impunité ; 98% de ces  violations restent sans poursuites (« Baseless Prosecutions of Human Rights Defenders in Colombia » février 2009).
Il est aussi très difficile de croire que la Colombie,  le plus important destinataire de « l’aide » militaire des Etats-Unis  après Israël et l’Egypte, un pays qui a accepté l’année passée  d’accueillir sept nouvelles bases militaires des Etats-Unis sur son  territoire, puisse être impartiale par rapport à Israël. Les  gouvernements israélien et colombien partagent une même approche  idéologique par rapport à leurs adversaires, basée sur une croyance que  le respect des droits de l’homme est un faux problème quand il est  question de poursuivre leurs buts militaires contre des groupes  rebelles. De façon absolument pas étonnante, il y existe une coopération  militaire à grande échelle entre ces deux États voyous.
Ces dernières années, selon des rapports d’agences de  presse, Israël est devenu le fournisseur d’armes numéro un de la  Colombie, pour une valeur représentant des dizaines de millions de  dollars et « incluant des avions Kfir, des drones, des armes et des  systèmes de repérage », employés contre les adversaires du régime  colombien (« Report : Israelis fighting guerillas in Colombia »  Ynet, 10 août 2007). Selon un haut gradé de la défense israélienne, les  « méthodes d’Israël pour combattre le terrorisme ont été réutilisées en  Colombie » ( « Colombia’s FM : We share your resilience » 30 avril 2010).
Il y a une raison pour laquelle les latino-américains se  réfèrent souvent à la Colombie comme « l’Israël de l’Amérique latine, »  et en effet le nouveau président élu colombien, Juan Manuel Santos,  ex-Ministre de la défense et main droite d’Uribe, a exprimé sa fierté  d’une telle comparaison (« Santos, orgulloso de que a Colombia lo comparen con Israel » El Espectador, 6 juin 2010).
Le parti pris du gouvernement colombien en faveur  d’Israël s’est clairement exprimé pendant une visite en Israël, en avril  2010, du ministre des affaires étrangères Jaime Bermudez. Le Jerusalem  Post a rapporté le désir de Bermudez « de renforcer les relations  militaires de la Colombie avec Israël » et de la « nécessité de faire  plus en termes de combat contre le terrorisme. » Il a fait part de sa  confiance que « celui qui remportera  l’élection présidentielle [en  Colombie] le mois prochain sera un supporter d’ [Israël]. J’admire votre  peuple. J’admire votre pays et je vous admire. Vous avez beaucoup  d’amis en Colombie », « Colombia’s FM : We share your resilience »).
L’admiration est mutuelle, et Uribe se lance dans son  rôle d’enquêteur soit-disant impartial en étant particulièrement plombé  par les récompenses de divers organismes sionistes. On trouve dans la  liste « La récompense de la Lumière sur les Nations » de l’ American Jewish Committee et en tombant encore plus bas dans le double-langage  orwellien, « la médaille d’or présidentielle pour l’Humanitarisme » de B’nai Brith.
Alors que le gouvernement colombien et Uribe ont le  droit de choisir leurs amis, tout ceci met en évidence qu’il n’y aura  aucune objectivité — pour ne pas dire plus — à attendre de la part  d’Uribe ce qui concerne son rôle dans la commission.
Il s’avère qu’Israël a accepté de coopérer avec cette  enquête-là des Nations Unies uniquement parce qu’il n’y a quasiment  aucune chance que cette commission prenne une attitude indépendante et  produise un verdict impartial à propos de la brutale attaque israélienne  contre la Flotille de la Liberté pour Gaza. En effet, Israël a refusé  de coopérer avec l’autre commission d’enquête sur l’attaque et désignée  par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. On peut  raisonnablement estimer que la coopération colombienne et israélienne  sur cette question est un pas supplémentaire dans cette objectif commun  de « faire plus en termes de combat contre le terrorisme » (pour  paraphraser les remarques de Bermudez lors de son séjour en Israël).
En réalité ceci signifie attaquer les défenseurs de  droits de l’homme et les artisans de l’aide humanitaire, affaiblir  encore plus le droit international et le respect des droits de l’homme.  Participer à un blanchissement du meurtre illégal et brutal de militants  pacifistes et présenter ceux-ci comme des « terroristes déguisés »  servira les objectifs militaires des deux pays qui se battent dans leurs  zones respectives pour se débarrasser des défenseurs des droits de  l’homme et « des communautés ennemies ».
Cette commission d’enquête est une escroquerie, manquant  de la moindre crédibilité et qui servira juste à démontrer l’influence  des Etats-Unis et d’Israël sur l’équipe de Ban Ki-moon. Une telle  commission décevra quiconque s’attend à une enquête neutre et impartiale  exposant la vérité au sujet du massacre du 31 mai. Cette commission  mine encore un peu plus la crédibilité des Nations Unies et sert à  transformer la loi internationale et en un simple jeu entre ceux qui la  violent.
* José Antonio Gutiérrez et David Landy sont des militants résidant en Irlande, et impliqués respectivement dans le Latin American Solidarity Centre et la campagne de solidarité Irlande Palestine. José Antonio Gutiérrez écrit fréquemment sur la Colombie pour www.anarkismo.net
Notes : 
[1] Geoffrey Palmer fut brièvement Premier ministre de  Nouvelle-Zélande (1989-90). Il déconcerta ses électeurs travaillistes en  laissant son ministre des Finances conduire d’importantes  privatisations, supprimer des droits de douane, et supprimer les  subventions aux organisations de la société civile. Rapidement contraint  à la démission, il laissa derrière lui un Parti travailliste en ruine.  Par la suite, il représenta la Nouvelle-Zélande à la Commission  internationale de pêche à la baleine et siégea comme juge à la Cour  pénale internationale. Réseau Voltaire
[2] Álvaro Uribe fut président de la Colombie (2002-10).  Ancien maire de Medellin, il aurait entretenu des relations étroites  avec le cartel de Pablo Escobar, assurent des sources fort diverses. Elu  président avec l’argent des Etats-Unis et le soutien des groupes  para-militaires, il mena un combat quotidien contre les guérillas de  gauche. Au travers du Plan Colombie, il fit de son pays le porte-avion  des Etats-Unis en Amérique latine et une base arrière pour la  déstabilisation du Vénézuéla. Il a institué des liens économiques et  militaires étroits entre la Colombie et Israël. Réseau Voltaire
                                  6 août 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Claude Zurbach
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