Gareth Porter
La justification du bombardement israélien de l’Iran avancé par Reuel Marc Gerecht coïncide avec l’ouverture d’une nouvelle campagne du lobby israélien en faveur de la résolution 1553 proposée à la Chambre des représentants par laquelle celle-ci exprimerait son plein appui à une telle attaque israélienne.
Dans cette campagne, il est important de comprendre que l’objectif de Gerecht  et du gouvernement de droite de Benjamin Netanyahou est d’appuyer une  attaque israélienne afin d’impliquer les États-Unis dans une guerre  totale, directe avec l’Iran.
C’est la stratégie adoptée depuis longtemps envers  l’Iran, parce qu’Israël ne peut pas mener une guerre en Iran sans la  pleine participation des USA. Israël veut être sûr que les USA finiront  la guerre qu’il veut lancer.
Gerecht espère ouvertement que toute réaction iranienne à  une attaque israélienne déclencherait une guerre totale des USA contre  l’Iran. « Si Khamenei a une pulsion de mort, il laissera la garde  révolutionnaire poser des mines dans le détroit, entrée du golfe  persique » écrit Gerecht. « Ce serait la seule chose qui pousserait le  Président Obama a frapper l’Iran militairement... » Gerecht suggère que  la même logique s’appliquerait à tout acte « terroriste iranien contre  les USA après une frappe israélienne » ; par cela il entend en fait  toute attaque contre une cible US au Moyen-Orient. Gerecht écrit  qu’Obama pourrait être « obligé » de menacer l’Iran de représailles  majeures « immédiatement après une attaque surprise par Israël ».
C’est  la phrase clé dans cette très longue  argumentation de Gerecht. Obama ne sera pas « obligé » de se joindre à  l’agression israélienne contre l’Iran à moins de pressions politiques  intérieures irrésistibles. C’est la raison pour laquelle les Israéliens  sont déterminés à rallier une forte majorité au Congrès et auprès de  l’opinion publique en faveur de la guerre, coupant ainsi l’herbe sous le  pied d’Obama.
Sans la certitude qu’Obama serait prêt à rejoindre la guerre derrière Israël, il ne peut y avoir de frappe israélienne.
L’argument de Gerecht au sujet de la guerre repose sur un scénario cauchemardesque irréel  dans lequel l’Iran distribue des armes nucléaires aux extrémistes  islamistes dans tout le Moyen-Orient. Mais le véritable souci des  Israéliens et de leur groupe de pression, comme l’a dit Gerecht  ouvertement par le passé, est de détruire le régime islamique iranien  dans un paroxysme de violence militaire étasunienne.
Gerecht a révélé pour la première fois ce fantasme  néocon - israélien en 2000 déjà, avant que le programme nucléaire  iranien ne soit même pris au sérieux, dans un article écrit pour un  livre publié par le Project for a New American Century.  Gerecht a affirmé que si l’Iran  pouvait être surpris en flagrant délit  d’« acte terroriste », la Marine USA « riposterait avec fureur ».  L’objet d’une telle réaction militaire, écrivait-il, serait de « frapper  les mollahs au pouvoir de manière véritablement dévastatrice ainsi que  les institutions répressives qui les y maintiennent ».
Et pour que chacun comprenne ce que cela signifie,  Gerecht a été encore plus explicite « c’est-à-dire frapper, non pas à  minuit, avec des missiles de croisière pour minimiser le nombre des  victimes. Les ecclésiastiques riposteraient presque certainement à moins  que Washington n’utilise une force écrasante et paralysante.
En 2006 -2007,  le parti belliciste israélien avait des  raisons de croire qu’il pouvait saisir le contrôle de la politique des  USA assez longtemps pour obtenir la guerre qu’il voulait, parce qu’il  avait placé David Wurmser, un de ses agents les plus militants, dans une  position stratégique lui permettant d’influencer cette politique.
Nous savons à présent que Wurmser, ancien proche  conseiller de Benjamin Netanyahou - alors qu’il était aussi le principal  conseiller du vice-président Dick Cheney pour le Moyen-Orient - avait  insisté pour que l’armée US utilise une force écrasante contre l’Iran.  Après avoir quitté l’administration en 2007, Wurmser a révélé qu’il  avait plaidé en faveur d’une guerre des USA contre l’Iran, non pas pour  arrêter son programme nucléaire, mais pour obtenir un changement de  régime.
« Ce n’est que dans le cadre d’un assaut fondamental  contre la survie du régime, que nous vous aurons l’appui d’Iraniens  ordinaires » a déclaré Wurmser au journal The Telegraph.  L’attaque étasunienne ne devrait pas se limiter aux objectifs  nucléaires ; elle devrait viser une destruction complète et massive.  « Si nous commençons à tirer, nous devons être prêts à vider notre  chargeur. Ne tirez pas sur un ours, si vous n’êtes pas prêt à le tuer ».
Bien entendu, ce genre de guerre ne pourrait pas être lancée à l’improviste. Il faudrait un casus belli  pour justifier une attaque initiale limitée qui permettrait ensuite  d’escalader rapidement la force militaire étasunienne. En 2007, agissant  sur les conseils de Wurmser, Cheney a essayé d’amener Bush à provoquer  une guerre avec l’Iran au sujet de l’Irak, tentative que le Pentagone a fait échouer.  Alors que Wurmser commençait à susurrer ce conseil dans l’oreille de  Cheney en 2006, Gerecht  présentait le même argument dans le Weekly standard :
Bombarder les installations nucléaires signifierait que  nous déclarons la guerre au régime clérical. Nous ne devons pas nous  faire d’illusions à ce sujet. Nous ne resterions pas en coulisse pour  observer les mollahs construire d’autres sites. Si les mollahs au  pouvoir devaient reconstruire les installations détruites - et il serait  surprenant que le régime clérical plie après un premier bombardement -  nous devrions frapper jusqu’à ce qu’ils arrêtent. Et si nous avions un  doute au sujet de l’emplacement de leurs nouvelles installations (et il  est absolument probable que le régime essaierait de les enterrer  profondément sous des zones fortement peuplées) et s’il était  raisonnable de suspecter une reprise de la construction, nous devrions  envisager au minimum d’avoir recours à des forces d’opérations spéciales  pour pénétrer dans les sites suspects.
L’idée de lancer une guerre de destruction US contre  l’Iran touche à la folie, raison pour laquelle les dirigeants militaires  étasuniens lui ont opposé une résistance farouche, tant sous  l’administration Bush que sous celle d’Obama. Mais Gerecht  montre  clairement qu’Israël estime pouvoir utiliser son contrôle du Congrès  pour obliger Obama a se soumettre. Les Démocrates du Congrès, se  vante-t-il, « sont mentalement dans une galaxie différente par rapport à  celle de l’époque Bush ». Bien qu’Israël soit de plus en plus considéré  dans le monde comme un État voyou après les atrocités de Gaza et le  massacre par des commandos de civils non armés à bord du Mavi Marmara, son emprise sur le Congrès est plus forte que jamais.
En outre, les sondages réalisés en 2006  montrent que la majorité des Étasuniens ont déjà été persuadés d’  appuyer la guerre contre l’Iran - en grande partie parce que plus des  deux tiers des personnes sondées avaient l’impression que l’Iran  possédait déjà des armes nucléaires. Les Israéliens espèrent apparemment  exploiter cet avantage. « Si les Israéliens bombardent maintenant, ils  auront probablement le soutien de l’opinion publique étasunienne »,  écrit Gerecht  . « Et peut-être de façon décisive ». Nétanyahou doit  être content de pouvoir faire pression sur Barak Obama afin qu’il se  joigne à une guerre israélienne d’agression contre l’Iran. Après tout,  c’est Netanyahou qui a déclaré en 2001  « je connais l’Amérique. L’Amérique est une chose que l’on peut bouger  très facilement une fois qu’on l’a aiguillée dans la bonne direction.  Elle  ne nous fera pas obstacle ».
* Gareth Porter est  historien et journaliste investigateur de l’aspect sécurité de la  politique nationale US ; après avoir brièvement enseigné dans une  université pendant les années 80, il est devenu indépendant. Il est  l’auteur de quatre livres dont le dernier est intitulé Perils of Dominance : Imbalance of Power and the Road to War in Vietnam (University of California Press, 2005). Il écrit régulièrement pour Inter Press Service
 au sujet de la politique US envers l’Iran et l’Irak depuis 2005.
                                  30 juillet - Commondreams.org - Cet article peut être consulté ici : 
http://www.commondreams.org/view/20...
Traduction : Anne-Marie Goossens
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