Jon Elmer  - Al Jazeera
          La perversité et la cruauté de l’occupant israélien ont été  jusqu’à modéliser le régime alimentaire imposé à chaque tranche de la  population de Gaza, avec l’objectif de situer ce régime juste à la  limite de la famine, écrit Jon Elmer.         
Le  blocus sur les denrées alimentaires de base a pour but pour de prendre  les habitants de Gaza en otages pour les inciter à renverser le Hamas  [Photo : Getty]
En Février 2006, après la victoire électorale du  mouvement Hamas, Dov Weisglass, un haut conseiller d’Ehud Olmert alors  premier ministre israélien, a décrit en substance ce que serait la  politique israélienne envers Gaza.
« C’est comme une rencontre avec une diététicien », a  dit Weisglass. « Nous voulons que les Palestiniens perdent du poids,  mais sans aller jusqu’à mourir de faim. »
Tout habitant de Gaza aurait pu tout de suite faire  remarquer que le blocus sur la circulation des marchandises - et des  personnes - dans et hors de Gaza était bien antérieur à l’élection du  Hamas.
Et alors que les années passaient, la date exacte du  début de l’état de siège a été souvent, pour des raisons de commodité  politique, manipulée de façon à coïncider avec la victoire du mouvement  Hamas dans la bande de Gaza en Juin 2007.
« Pas de crise humanitaire »
Selon des documents officiels qui ont fait surface lors  d’un procès devant la Haute Cour d’Israël, « la limitation du transfert  des marchandises est un pilier central dans les moyens à la disposition  de l’Etat d’Israël dans le conflit armé qui l’oppose au Hamas ».
Un document clé, titré « La consommation alimentaire  dans la bande de Gaza - Lignes rouges », fournit méticuleusement les  détails de l’apport calorique minimum nécessaire, fondé sur l’âge et le  sexe, pour maintenir les habitants de Gaza en état végétatif juste  au-dessus de la malnutrition, et précise le nombre de grammes et de  calories correspondant à chaque type d’aliment autorisé dans la bande de  Gaza.
L’existence du document appelé « Lignes rouges » est  connu depuis plusieurs années, mais son existence n’a été confirmé que  dans le cadre des procédures judiciaires récentes en Israël.
La politique de blocus est supervisée par une unité du  ministère de la défense israélien, le « Coordonnateur des activités  gouvernementales dans les territoires » (COGAT).
Le slogan politique - qui a été répété durant plusieurs  réunions du COGAT auxquels assistaient des journalistes israéliens -  dit : « ni prospérité, ni développement, ni crise humanitaire. »
Bien que le blocus sur les denrées alimentaires de base  et les besoins essentielles en infrastructures ait été conçu par Israël  pour encourager les Palestiniens à renverser leur gouvernement élu, de  nombreux signes prouvent l’effet inverse.
« Si quelque chose permet au Hamas de se consolider en  tant que parti au pouvoir et dans l’exercice d’un gouvernement de plus  en plus efficaces, c’est le siège », a déclaré Yezid Sayigh dans un  récent rapport d’un voyage d’étude de l’université de Brandeis  [Massachusetts].
« La ferme biologique »
En plus du commerce bien connu des tunnels en  exploitation sous la frontière entre Gaza et l’Egypte, le Hamas a pris  des mesures concrètes pour atténuer les effets du siège et développer  son administration dans la bande côtière.
Le ministre de l’Agriculture du Hamas, Muhammad al-Agha,  a publié un plan décennal visant à contourner le blocus en augmentant  la production agricole locale et en développant l’autosuffisance  alimentaire dans la bande de Gaza.
Intitulé « Plan pour 2020 », le document a été examiné  par 150 universitaires et chercheurs, selon le ministère de  l’agriculture, et il cherche à répondre par des initiatives locales aux  défis imposés par le blocus d’Israël.
Par exemple, l’interdiction imposée par Israël sur les  engrais, a poussé le Hamas à explorer la possibilité d’exploiter après  traitement, des eaux usées qui sont souvent non traitées et déversées  dans la mer au large de Gaza depuis l’arrêt des installations de  retraitement qui sont à court de pièces de rechange et d’équipements  divers.
« Quand Israël a commencé à bloquer nos besoins en  agriculture, nous avons évolué vers l’agriculture biologique pour  répondre à nos besoins. »
« Ce que nous avons fait, c’est [la mise en œuvre de  projets modèles] pour la transformation des déchets agricoles ou  domestiques en engrais organiques que nous utilisons ensuite dans  l’agriculture », a déclaré al-Agha, qui est aussi professeur en sciences  environnementales à l’Université Islamique de Gaza.
Jusqu’à présent, quelque 1000 dunums de terres ont été  fertilisées de cette manière dans le cadre du projet pilote, toujours  selon le ministère.
« Ce que nous avons tenté, c’est de faire évoluer peu à  peu la culture pratiquée par notre peuple vers l’agriculture biologique,  les aliments biologiques et la production biologique », a ajouté  al-Agha.
Le plan, tel que récemment décrit par The Economist est de « transformer Gaza en une grande ferme biologique ».
Zone tampon
Les années précédentes, la bande de Gaza était axée sur  des cultures d’exportation rentables, ce qui a rendu le secteur agricole  vulnérable. Comme le note le plan stratégique, l’agriculture  d’exportation consomme de grande quantités d’eau douce et d’autres  intrants, et a pour effet de contaminer les ressources en eau avec les  engrais chimiques et les pesticides.
Selon un récent rapport des Nations Unis, la relance du  secteur agricole dans la bande de Gaza est cruciale afin de « rétablir  pour la population locale l’ancien accès à des aliments frais - dont les  fruits et les légumes, les oeufs, la viande et le poisson frais - que  les organismes humanitaires n’ont pas l’habitude de fournir dans le  cadre de leur assistance. »
Mais la base agricole sur laquelle agit le Hamas est  désespérément limitée par une « zone tampon » imposée par Israël à  l’intérieur de la frontière clôturée de Gaza.
Un tiers des terres cultivables de Gaza est inaccessible  aux agriculteurs et aux éleveurs, d’après les données des Nations  Unies.
Dans certaines régions, cette zone d’exclusion est de  deux kilomètres de profondeur. Elle n’est nulle part à moins de 500  mètres de la frontière et elle est partout imposée par des tirs à balles  réelles.
Un rapport de l’Office des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHOA)  note que la zone tampon « renferme des cultures pluviales comme le blé,  l’orge, les haricots et divers légumes, ainsi que des cultures  d’olives, d’amandes et d’agrumes. La plupart de la production animale  dans la bande de Gaza est concentrée dans cette zone, qui contient  également des infrastructures importantes comme des puits et des  routes ».
« Digérer les agressions israéliennes »
Alors que le gouvernement de Salam Fayyad en  Cisjordanie, soutenu par mes États-Unis et par Israël,  vise à appliquer  au mieux les demandes de l’Ouest afin de maintenir le flux d’aide  étrangère, le Hamas dans Gaza, à bien des égards a poursuivi son chemin.
Un rapport récent fait sur le terrain par Nathan Brown,  de la Fondation Carnegie pour la Paix, a déclaré sans ambages : « Il y a  [un] acteur politique qui pousse les Palestiniens à se préoccuper moins  de s’attirer les faveurs des étrangers et à plutôt prendre les choses  en mains propres - c’est le Hamas ».
Khaled Hroub, un expert de premier plan sur le mouvement  Hamas à l’Université de Cambridge, considère que le blocus est le  dernier exemple de la capacité du Hamas à « absorber » les agressions  israéliennes et à en émerger encore plus fort à bien des égards.
« Ce que nous voyons maintenant dans le blocus de Gaza  est une autre manifestation du même phénomène que nous avons constaté  tout au long de l’histoire du Hamas durant ces 20 dernières années », a  déclaré Hroub, qui est l’auteur de « Hamas : Pensée politique et pratique ».
« Nous avons vu [le Hamas] manœuvrer pour contourner les  nombreux défis israéliens et en sortir à chaque fois  plus discipliné  et plus solide. »
En effet, des nombreuses conséquences du blocus  israélien, rares sont celles qui correspondent à l’intention israélienne  d’origine.
                9 août 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/focus/...
Traduction : Naguib
http://english.aljazeera.net/focus/...
Traduction : Naguib