Luis Lema
Rencontre de réconciliation entre les deux dirigeants à la Maison-Blanche après une période de froid. Le président américain a appelé à une reprise des négociations de paix directes d’ici à la fin de septembre entre Palestiniens et Israéliens
« Vous verrez, il y aura plus de photographes qu’à la cérémonie des Oscars », disait il y a quelques jours l’ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis, Michael Oren [1]. Le principal objectif de la visite de Benyamin Netanyahou, mardi à Washington a été atteint : les photographes étaient légion. Et aussi bien l’Israélien que son hôte à la Maison-Blanche ont pu faire assaut d’amabilités pour démentir les « rumeurs » selon lesquelles les relations entre leurs deux pays seraient au plus mal.
« Discussions excellentes »
Des rumeurs, vraiment ? Lors de sa précédente visite, le premier ministre israélien avait été laissé seul avec ses collègues dans un bureau de l’aile ouest, sans téléphone et sans fenêtre, tandis que Barack Obama se retirait dans son appartement privé pour dîner en famille. La rencontre de réconciliation devait venir le mois dernier, mais elle avait été annulée après l’attaque sanglante de commandos israéliens contre la « Flottille de la paix » au large de la bande de Gaza.
Hier, à la Maison-Blanche, c’est comme si tous ces épisodes n’avaient jamais existé. « Nos relations n’ont fait que s’accroître au fil des mois, sur toute une variété de sujets », expliquait Barack Obama. « Nos discussions sont excellentes, et nos valeurs et nos intérêts sont similaires », enchaînait « Bibi » Netanyahou. Louant le « sérieux » de l’un, « l’engagement » de l’autre, les deux hommes ont affiché, contre toute évidence, leur « confiance » réciproque, présente, ont-ils assuré, « dès le premier jour ».
De fait, aussi bien pour l’Israélien que pour l’Américain, il était temps de revenir à de meilleures dispositions. Aux Etats-Unis, les positions fermes de l’administration Obama sur le gel des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, puis son manque d’ardeur à défendre l’Etat hébreu lors des récentes discussions sur le Traité de non-prolifération nucléaire ont provoqué une pluie de critiques de la part des amis d’Israël et dans les rangs républicains du Congrès [2]. En Israël, au sein de son gouvernement dominé par les faucons, Benyamin Netanyahou a pour sa part besoin de démontrer que sa politique ne lui a pas aliéné le soutien du grand allié américain, tandis que le siège de Gaza soulève désormais des protestations tous azimuts, de la Turquie à l’Union européenne.
D’autant plus, comme le note le spécialiste Robert Danin, du Council on Foreign Relations, que cette rencontre intervenait « à un moment critique » : en septembre prochain s’achèvera le moratoire instauré par Israël sur la colonisation. Au même moment, le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, devra rendre des comptes à ses collègues arabes sur les résultats obtenus lors des discussions avec Israël. Enfin, ce sera l’ouverture de la nouvelle Assemblée générale de l’ONU et son cortège de réunions consacrées au Proche-Orient. « La rencontre à la Maison-Blanche était essentielle pour prévenir une « crise de septembre » et une rupture dans les négociations », résume Robert Danin.
Une reprise de la colonisation israélienne en septembre, et ce sont les discussions directes entre Palestiniens et Israéliens qui échoueront immanquablement (pour l’instant, ces discussions ne sont que « de proximité », c’est-à-dire indirectes). Un échec de ces négociations, et c’est l’Autorité palestinienne qui perdrait encore une bonne part de ce qui lui reste de crédibilité face au Hamas de Gaza. « Nous voulons nous assurer que ces négociations seront sérieuses », assurait Barack Obama en prenant garde toutefois de ne pas mentionner spécifiquement la question de la colonisation. Mais en précisant : « Une action particulière (lire : la colonisation) ne doit pas compromettre l’ensemble des discussions. »
Jusqu’ici, dans les cinq « rounds » de discussions indirectes qui se sont tenus avec la médiation de l’émissaire américain George Mitchell, les Palestiniens sont venus avec des propositions substantielles sur la question des frontières et du règlement définitif du conflit, note un bon observateur américain. « Mais ils se sont vu répondre par les Israéliens que ces discussions n’étaient pas le lieu adéquat pour aborder les questions de fond. Ce que veut Israël, ce sont des discussions directes qui pourraient apaiser la pression internationale, mais sans aucun engagement préalable de leur part », poursuit-il.
Faute d’aborder les enjeux centraux, Barack Obama a donc rassuré les Israéliens, à propos de l’Iran, et plus encore sur la question de l’arme nucléaire israélienne. « La taille d’Israël, son histoire et son environnement font de lui un Etat particulier, a affirmé en substance le président américain. Nous n’entreprendrons rien qui puisse mettre en danger sa sécurité. » Autrement dit : les généraux israéliens peuvent dormir tranquilles.