Carole Vann - Le Temps/InfoSud
          Depuis 2005, l’Autorité palestinienne mise sur une diplomatie  plus pragmatique et basée sur la recherche du consensus. Si elle fait le  bonheur des pays occidentaux, celle-ci inquiète les milieux  palestiniens.         
 Le détail passerait inaperçu s’il n’essuyait une pluie de critiques dans  les milieux palestiniens. Tout est parti de l’assaut sanglant des  commandos israéliens le 31 mai contre la flottille turque visant à  forcer le blocus de la bande de Gaza. Une résolution réclamant une  enquête internationale a été votée début juin lors de la 14e session du  Conseil des droits de l’homme à Genève. Rien de surprenant à cela si ce  n’est qu’un projet de cette résolution incluant les amendements  européens indique que l’Autorité palestinienne (AP) aurait été prête à  s’allier aux propositions très consensuelles de l’Union européenne. En  effet, les pays occidentaux s’alignent sur le Conseil de sécurité à New  York, entretenant notamment le flou sur la nature de l’enquête demandée.  Alors que les pays arabo-musulmans, emmenés par la Turquie, réclament  une enquête internationale et indépendante. (Voir : L’Autorité palestinienne a voulu saper les efforts de  la Turquie pour une enquête des Nations-Unies sur la Flottille)
Mais voilà, l’information suscite le mécontentement. Des  articles virulents de sites spécialisés sur le Moyen-Orient accusent le  leadership palestinien de jouer double jeu et de « saper les efforts de  la Turquie pour une enquête de l’ONU ». Imad Zuheiri, numéro deux de la  mission de Palestine auprès de l’ONU à Genève, se défend : « Nous avons rejeté en bloc cette mention de manière  officielle. Nous ne faisons jamais cavalier seul. Nous travaillons avec  les groupes - arabe et islamique - auxquels nous appartenons »,  insiste-t-il. Il reconnaît toutefois que l’actuelle ligne d’action de  son pays consiste à « s’engager positivement avec toutes  les parties concernées pour rassembler le plus de pays possible autour  de la question de la Palestine ».
Imad Zuheiri, jeune et brillant diplomate, jonglant  aisément entre le français, l’arabe et l’anglais, est un digne  représentant de la nouvelle vague de la diplomatie palestinienne lancée  entre 2005 et 2006, sous l’impulsion du ministre des Affaires étrangères  de l’époque, Naser al-Qudwa. Arrivé tout droit de New York, celui-ci  professionnalise alors les diplomates palestiniens, en élaborant  notamment un code de conduite. Parallèlement, de talentueux éléments  sortant d’universités américaines ou européennes sont placés à des  postes clefs. C’est dans cette lancée que Leila Shahid est nommée  ambassadrice à Bruxelles. La tentative de modernisation est toutefois  passablement minée par les affrontements internes entre le Hamas et le  Fatah.
« Cette association entre des anciens  porteurs de la mémoire et des nouveaux plus aguerris aux outils modernes  du marketing nous permet de nous positionner différemment sur la scène  internationale, tout en gardant la même priorité : mettre fin à  l’occupation israélienne », affirme Imad Zuheiri.
Toutefois cette recherche de dialogue et de consensus,  très appréciée par les diplomates occidentaux, inquiète les milieux  palestiniens. « Aujourd’hui, la diplomatie palestinienne  est un instrument de la politique américaine et européenne. Elle  devient tellement malléable qu’elle en arrive à négliger sa mission  première auprès de l’ONU qui est de défendre la légitimité  internationale du peuple palestinien », reproche Rashid Khalidi,  historien à Columbia University à New York.
Difficile donc pour cette nouvelle vague de s’imposer  sur la scène internationale comme entité autonome. Ces tentatives de  positionnement ne sont d’ailleurs pas nouvelles. L’Autorité  palestinienne avait déjà créé la surprise en rejetant dans un premier  temps le rapport Goldstone sur l’opération « Plomb durci » et celui du  rapporteur spécial de l’ONU pour les territoires palestiniens, Richard  Falk.
Yves Besson, ancien diplomate suisse spécialiste du  Moyen-Orient, rappelle le contexte : « Washington tient  le couteau par le manche, les Européens paient ; il ne faut donc fâcher  ni l’un ni les autres, ni d’ailleurs les pays arabes. Il faut ajouter  les tiraillements internes avec le Hamas et les nouveaux rapports de  force entre la Turquie et l’Egypte. L’AP doit naviguer au milieu de tout  cela. » Pour le diplomate suisse, si les tactiques varient, la  stratégie palestinienne n’a toutefois pas bougé depuis la résolution  votée par le Conseil national à Tunis en 1988 : faire respecter les  résolutions 242 et 338 des Nations unies et récupérer Jérusalem-Est.