Erik Emptaz
on n’envoie pas des commandos surentraînés à la guerre  calmer un mouvement de protestation d’une ONG propalestinienne sur un  vieux rafiot turc escorté de barcasses dont les occupants se sont rendus  sans difficulté
L’Enquête « rapide et  impartiale » sur le raid israélien contre la « flottille de la paix »  propalestinienne qui s’est soldé par le bilan de 9 morts et 52 blessés  n’est encore qu’un souhait du Conseil de sécurité de l’ONU, mais aussi  d’une bonne partie de la presse israélienne. Si elle s’ouvre, cette  enquête dira peut-être s’il s’agit d’un acte de « piraterie », d’une  bavure inadmissible ou d’une sanglante erreur d’appréciation. Mais elle  aura plus de mal à trouver à Netanyahou et à ses faucons des  circonstances atténuantes. Et si tant est qu’il en existe, ce n’est  certainement pas dans les lamentables justifications du Premier ministre  israélien qu’ils les trouveront.
Plaider la « légitime défense » pour s’être livré à une  opération qui revient à écraser des moustiques au canon, c’est non  seulement se moquer du monde, mais aussi avouer, au-delà de la  disproportion meurtrière et absurde, une déplorable impéritie. Car aussi  vrai que l’on vient plus efficacement à bout d’un insecte à la main  plutôt qu’au fusil-mitrailleur ou à l’artillerie lourde, on n’envoie pas  des commandos surentraînés à la guerre calmer un mouvement de  protestation d’une ONG propalestinienne sur un vieux rafiot turc escorté  de barcasses dont les occupants se sont rendus sans difficulté. Et même  si certains parmi les « pacifistes » palestiniens qui étaient à bord du  « Mavi Marmara » ont riposté, armés de tournevis, de clés à mollette,  de couteaux de cuisine et de manches de pioche, et ont, comme l’affirme  le Premier ministre israélien, « délibérément attaqué les soldats »,  leur revendication relevait de la protestation, pas d’un acte de guerre.
De plus, l’abordage du bateau de cette hétéroclite  flottille humanitaire, même si des liens de certains de ses membres avec  le Hamas sont avérés, a eu lieu dans les eaux internationales et non  dans les eaux israéliennes ou celles de la bande de Gaza sous blocus de  l’Etat hébreu.
C’est dire que, avant d’invoquer la « légitime  défense », , les commandos envoyés par Netanyahou se sont, jusqu’à  preuve du contraire, livrés, au regard du droit international, à une  illégitime attaque.
C’est celle-ci, bien sûr, et la façon lamentable dont  elle a été menée, qui, exceptée la remarquée modération américaine, lui  valent l’indignation et la condamnation unanimes du reste de la  communauté internationale. Il est certes déjà arrivé, par le passé, que  des bateaux livrent des armes au Hamas, mais là, l’armée, avec le  spectaculaire déploiement de ses moyens maritimes et aériens, savait,  depuis le début de cette opération, que ce n’était pas le cas. Avec sa  flottille humanitaire et le soutien des Turcs, l’ONG incriminée ne  luttait que contre le blocus imposé depuis trois ans par le gouvernement  israélien à Gaza. Un blocus qui, dans cette bande de terre déjà vouée  par sa situation géographique au confinement, a condamné sa population à  une forme de détention qui ne dit pas son nom. Rien n’obligeait donc à  une telle démonstration de force pour arraisonner sans dommage ces  bateaux.
Quant à dire, comme l’ont encore fait Netanyahou et ses  défenseurs, que l’opération humanitaire était un piège qui consistait à  pousser Israël à la faute, l’hypothèse n’est pas à écarter, mais, dans  ce cas, on voit mal pourquoi, s’ils le avaient, ils se sont empressés  avec les militaires de tomber dans ce traquenard de la plus révoltante  et imbécile des manières.
2 juin
publié dans le Canard enchaîné, journal satirique qui  sort le mercredi