Abdul-Halîm Qindîl 
Al-Quds  al-Arabiyy
          Les conquêtes du mouvement des hommes libres de par le monde  risquent d’être dévalisées dans les coulisses et les négociations de ce  qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale ».         
          Dans la bande de Gaza 80% des Palestiniens  dépendent de l’aide alimentaire
Le sang des martyrs risque d’avoir coulé en pure perte,  la tentation d’en cueillir les fruits à partir de leurs racines risque  de nous conduire à des lendemains amers pires que l’évident drame humain  que vivent les habitants de Gaza.
Vous avez remarqué la manière dont tous les symboles du  mal parlent aujourd’hui d’alléger le siège de Gaza, comme s’ils avaient  découvert tout soudain - après quatre années de silence - la réalité du  siège imposé à Gaza ? Ainsi, la Maison Blanche en parle, l’homme fait  robot Ban Ki Moon, secrétaire général de l’Onu aussi, ainsi que Tony  Blair, le représentant du Quartette et que Hosni Moubarak. Ce dernier a  rencontré Joe Biden, vice-président des Etats-Unis, à Sharm el-Sheykh.  Le secrétariat de Biden a publié un communiqué, à la suite de cette  rencontre, dans lequel il accuse le Hamas d’être une « organisation  terroriste » et il évoque diverses formules censées alléger le siège de  Gaza.
Ce sont les épigones du processus de paix : toujours  eux ! Ils suggèrent de rentrer la tête dans les épaules pour faire face  aux tempêtes et aux intifadas des flottilles. Ils s’agitent pour  cuisiner un nouveau règlement ayant pour titre : « Allègement du  blocus » et pour contenu : des labyrinthes, des compromis, des cartes et  des conditions à la mode d’Oslo et ses sœurs. Oslo, avec ses  déconvenues et ses défaites, avait pour fonction de tourner la page de  la première Intifada palestinienne. Et c’est ce que l’on veut atteindre  avec la nouvelle mouture, à savoir que cette histoire d’allègement du  blocus de Gaza serve à tourner la page de l’Intifada des Flottilles, et à  parachever a domination israélienne sur les points de passage de la  bande de Gaza, à moindres frais. En effet, Israël contrôle de fait six  points de passage, et ce que l’on veut, à travers cette nouvelle  mouture, c’est qu’Israël contrôle, secondée en cela par le régime  égyptien, son allié dans la région, le point de passage de Rafah, et  qu’il contrôle, avec l’aide de l’Union européenne - et peut-être aussi  de l’Amérique - un point de passage supplémentaire sur la côte et que  tout cela soit fait sous l’égide de l’inspection, des fouilles et du  contrôle, de la garantie de la sécurité d’Israël et de l’interdiction de  toute contrebande d’armes destinées au Hamas.
Un marchandage de cet acabit signifie ceci : les  conditions de vie s’améliorent quelque peu à Gaza, même si les  conditions politiques se dégradent concomitamment, la mobilisation en  cours dans la rue arabe et mondiale en solidarité avec le peuple  palestinien s’effiloche, la résistance ne peut plus rien faire, chaque  balle et chaque roquette palestinienne signifiant la réimposition du  blocus le plus strict, la pression des puissances régionales et  internationale qui complotent contre le rêve palestinien est accrue, ces  puissances participent à l’internationalisation de la situation à Gaza,  laquelle situation fait l’objet de toutes les conjectures, ces  manœuvres finissent par faire du gouvernement Hamas une administration  de compagnie (dans le sens d’animal de compagnie !), qui participe aux  consultations et aux accords à deux balles, soulageant les Israéliens du  fardeau de l’autodétermination des habitants.
Le gouvernement Hamas se retrouve avec un rôle  légèrement préférable ou très nettement préférable à celui de Abbas en  Cisjordanie, mais son essence reste constante, à savoir que le Hamas  doit compléter son évolution vers la reconnaissance d’Israël en échange  du déversement de nourriture, de médicaments, de vêtements et de  matériaux de construction sur Gaza. Si cela se produit, et le risque en  est grand, nous aurons peut-être affaire à un drame pire que la  situation actuelle à Gaza, même si d’aucuns considèrent qu’il s’agit  d’une victoire, et vont jusqu’à jouer du tambourin parce que Gaza serait  soulagée, parce que sa douleur humaine aurait été apaisée ce qui est  une falsification visible de la réalité motivée par l’intention de  séparer la Résistance du drame humain vécu par les Gazaouis. En effet,  ça n’est absolument pas par hasard qu’un blocus a été imposé à Gaza ;  bien au contraire, le blocus a coïncidé et il a monté en puissance  concomitamment à la transformation de la bande de Gaza en forteresse  imprenable de la Résistance. C’est en cela que Gaza est apparu comme un  autre danger existentiel pesant sur l’entité usurpatrice israélienne, un  danger pesant sur le Sud d’Israël, un danger ressemblant à celui du  Hezbollah, dans le nord de l’entité.
De même qu’Israël a voulu sa guerre, contre son voisin  du Nord, durant l’été 2006, Israël a déclenché une guerre contre le Sud  durant l’hiver 2009. Le résultat en a été qu’Israël a été incapable de  remporter une quelconque victoire dans ces deux guerres, il a donc  resserré ses blocus de façon à pressurer les nerfs de la population, de  faire de la vie des civils un véritable enfer et de les exciter contre  la Résistance, à lui faire croire que celle-ci serait responsable des  drames humains qu’ils connaissent, leur objectif immédiat étant de faire  en sorte que les drames humains soient allégés, en échange du  renforcement du blocus frappant la Résistance et en éreintant le Hamas  de la même manière dont cela a été fait en ce qui concerne le Fatah par  le passé, et en lui faisant miroiter un rôle se limitant strictement à  l’intérieur des murailles entourant Gaza, en contrepartie de sa  reconnaissance d’Israël et de son engagement à en protéger les  frontières.
Quoi qu’il en soit, le complot est ouvertement déclaré,  on en connaît les conditions, on les retrouve d’ailleurs dans les  discours du Quartette, ainsi que dans la lettre et l’esprit du document  égyptien de réconciliation et dans le discours du gouvernement américain  qui fait miroiter un document de dialogue conditionnel avec le Hamas,  tandis qu’Israël fait preuve d’un jusqu’au-boutisme bien compréhensible  dans les négociations, et insiste sur la mise à l’écart du Hamas de tout  dialogue public comme moyen de pression corroboré par la menace de  lancer une guerre et tandis qu’il se renforce grâce à l’aide concrète  que lui apporte le régime égyptien, allié de fait d’Israël, en  construisant le mur d’acier servant à couper les tunnels permettant  d’acheminer les produits vitaux et les armes à travers la frontière et  pour empêcher le passage des convois d’aide humanitaire arabe et  internationale par voie de terre et ouvrir la frontière au point de  passage de Rafah à des conditions telles que son ouverture ressemble à  une fermeture permanente et totale, limitant le passage aux personnes et  bloquant toutes les marchandises et conditionnant l’ouverture à la  condition de « ne pas générer de violations affectant l’autre partie »,  selon le texte du communiqué d’un responsable de la sécurité égyptienne  publié juste après que Joe Biden eut donné ses ordres à Moubarak lors de  leur rencontre à Sharm el-Sheïkh.
 Nous ne voulons pas apparaître comme des Cassandre, ni  comme ceux qui mettent en garde contre un danger afin de dégager leur  responsabilité par avance, mais le combat n’est pas terminé, et il est  encore temps de rectifier la manœuvre, il existe une possibilité de  lever les deux sièges à la fois : le siège politique et le siège humain,  et non pas d’alléger le blocus humain en contre partie du renforcement  du blocus politique. Le point de départ, c’est notre capacité de faire  le distinguo entre deux choses totalement contradictoires entre elles,  même si les recouvrement sémantiques sont trompeurs, nous devons faire  le distinguo entre le mouvement des hommes libres du monde et celui de  ce qu’il est convenu d’appeler la communauté internationale, et nous  devons nous concentrer sur la nécessité de conquérir la sympathie et la  force du premier et nous prémunir contre les ruses du second et nous  souvenir du fait que le mouvement des hommes libres du monde est né de  la guerre de Gaza, exactement de la même manière que la sympathie  croissante de la Turquie envers la cause palestinienne découle de cette  même guerre.
C’est la mare de sang des martyrs qui a ressuscité la  cause palestinienne, qui l’a créée à nouveau, d’une manière différente,  et qui a généré la déferlante des manifestations qui emplissent les rues  du monde entier, de l’Asie de l’Est à l’Amérique latine, de la Turquie à  l’Europe et aux capitales du monde arabe, c’est elle qui a donné  l’inspiration à l’Intifada des Flottilles qui cerne Israël et le  dénonce, le montrant sous son vrai jour horrible, et révèle la  complicité de la communauté internationale et des régimes arabes. Or,  cette Intifada des Flottilles ne fait que commencer, et c’est un grave  danger que d’adhérer à des « solutions » prématurées qui ne feront  qu’éteindre leur feu vital, ne permettant pas d’atteindre l’objectif de  la fin totale et inconditionnelle du blocus. Ce qu’il faut faire, c’est  soutenir l’Intifada des Flottilles, apporter des dédommagements généreux  à tous ceux qui perdent leurs bateaux qui sont confisqués et consignés  au port (sioniste) d’Ashdod, c’est organiser des flottilles de la  liberté cinglant vers la côte de Gaza quelles que soient les réactions  d’Israël, et peut-être devrons nous continuer à préparer et à compter  jusqu’à la dixième Flottille, car l’action comporte - dans son essence -  la libération de l’espace maritime gazaoui, et peut-être convient-il  aussi que nous envisagions des escadrilles d’aide humanitaire aérienne  volant jusqu’à Gaza quelles que soient les réactions.
Et s’il est plus réalisable - pour l’instant -  d’associer l’Intifada de la Mer avec l’Intifada de la Terre et  d’organiser des caravanes terrestres qui viennent frapper à la porte du  point de passage de Rafah et qui intensifient les raisons de faire  pression et de faire honte au régime égyptien, qui visent à obtenir  l’ouverture du point de passage de Rafah avec une supervision purement  égypto-palestinienne, de manière permanente, vingt-quatre heures sur  vingt-quatre, et de manière totale, pour toutes les personnes et pour  toutes les marchandises, sans discrimination, et sans conditions.
Oui, le combat est en cours, et la défaite du  marchandage « reconnaissance (de l’entité sioniste) contre nourriture »  est possible dès maintenant, sans attendre que la situation se dégrade à  nouveau demain. J’espère avoir été clair.
* Abdul-Halîm Qindîl est  écrivain égyptien. Il peut être joint à : Kandel2002@hotmail.com