Anait Brutian
          Quelque deux semaines après l’attaque israélienne contre les  bateaux d’aide humanitaire se rendant à Gaza, il reste beaucoup de  questions sans réponse, cela en partie parce que l’assaut mortel s’est  déroulé en haute mer et que les journalistes et les observateurs à bord  ont été empêchés d’envoyer des témoignages directs sur le massacre  brutal qui a fait neuf morts et beaucoup de blessés.         
          Mavi Marmara
Lors d’une conférence de presse tenue avec Mahmoud  Abbas, le président Obama a appuyé l’idée d’une enquête « répondant aux   normes internationales ». « Nous avons vu la tragédie des flottilles,  tragédie qui a attiré l’attention du monde entier sur les problèmes  actuels à Gaza. En tant que membre du Conseil de sécurité des Nations  unies, nous condamnons formellement les actes qui ont mené à cette crise  et nous avons demandé une enquête approfondie. Il est important que  nous divulguions tous les faits. Comme nous le savons tous, la situation  à Gaza est intenable.
Israël a carrément refusé une enquête internationale. Le  mouvement Free Gaza - créé pour apporter de l’aide à  Gaza assiégée et pour « faire savoir au monde que la fermeture de la  bande a fait de Gaza une prison » - a été décrit comme « l’armada de la  haine et de la violence soutenant l’organisation terroriste du Hamas » ;  cette déclaration émane du vice-ministre des affaires étrangères,  Daniel Ayalon, qui a ajouté que l’initiative du mouvement avait été  « une provocation préméditée et scandaleuse » et qui accuse les  organisateurs d’avoir des « liens avec le Djihad global, avec Al Qaïda et le  Hamas ». Ces accusations scandaleuses passent totalement sous silence le  fait que selon les statistiques des Nations unies, près de 70 % des  Gazaouis vivent avec moins de un dollar US par jour, que 75 % dépendent  de l’aide alimentaire et que 60 % n’ont pas quotidiennement accès à  l’eau.
Les commentaires méprisables de M. Ayalon cherchent à  cacher le véritable objectif du blocus israélien de Gaza - punir  collectivement les Gazaouis pour avoir élu le Hamas lors  d’élections démocratiques et affaiblir l’appui populaire dont le Hamas  jouit en créant des conditions de vie insupportables. Les accusations  visant des parlementaires, des observateurs internationaux, des  humanitaires et des journalistes ne font pas oublier au monde que  l’objectif d’Israël est de renverser le Hamas et montre qu’il est  nécessaire de revoir le préjugé occidental à l’encontre d’un  gouvernement dans la bande de Gaza, légitimement élu, qu’Israël appelle  une organisation terroriste. Étant donné le dernier massacre israélien  de civils non armés à bord du Mavi Marmara, l’Occident doit non  seulement repenser son attitude envers le Hamas, mais également remettre  en question la crédibilité de toutes les affirmations israéliennes -  récentes et passées.
Alors qu’il commettait des actes de violence méprisables  sur la personne des passagers de la flottille humanitaire, Israël « a  étroitement contrôlé les images de son raid naval contre la flottille ;  il a saisi presque tous le matériel photographique et vidéo des  passagers, et a également bloqué toutes les communications lors de  l’assaut ». Quelques passagers ont réussi à sortir en fraude des vidéos  et des photos qui montrent l’activité à bord du bateau avant l’assaut  israélien et la réaction des passagers pendant l’assaut ainsi que des  séquences montrant les blessés et les morts. La vidéo brute d’une heure  filmée par la cinéaste et militante new-yorkaise, Iara Lee, et les  photos de la photographe australienne, Kate Geraghty, donnent un aperçu  de ce qui s’est véritablement passé à bord des bateaux.
Pendant son interview avec Amy Goodman sur Democracy Now, Iara Lee a dit que les militants à bord  « se préparaient à un affrontement », mais qu’ils ne pensaient pas qu’il  allait être aussi violent. « Lorsque nous avons vu les commandos  descendre de l’hélicoptère et ces Zodiacs pleins de soldats qui nous  encerclaient, nous sommes restés sans voix » ... Les Zodiac sont arrivés  et nous ont encerclés et les hélicoptères ont fait descendre leurs  commandos. Ce fut le chaos, un chaos total. On a dit aux femmes de  descendre et de rester tranquilles et calmes. Comme je me faisais  beaucoup de souci pour mon caméraman et mes amis, je suis montée. Et à  ce moment-là j’ai vu beaucoup de blessés et des morts. C’était  terrifiant.... À la fin de l’opération, on nous a confisqué notre  équipement ». Selon Ms Lee, les gens avaient leur caméra et leur  matériel vidéo pendant le raid et « tout le monde filmait ». Toutefois  ils n’ont pas pu sortir leurs films ou leurs photos car tout a été  confisqué.
Dès après l’attaque, les mégaphones ont annoncé dans  tout le  bateau « restez tranquilles et calmes. Ils utilisent des balles  réelles. Nous n’avons pas les moyens de résister. Ils s’emparent du  bateau. Restez calmes et ne résistez pas ». Effectivement, en plus des  balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes, les Israéliens ont tiré à  balles réelles sur le Mavi Marmara. Ceci est corroboré par des témoins  directs, des journalistes australiens à bord de Challenger One- Paul  McGeough, auteur de Kill Khalid : The Failed Mossad  Assassination of Khalid Mishalet the Rise of Hamas,  correspondant en chef du Sydney Morning Herald, et   Kate Geraghty, photographe au même journal. Dans une interview avec Amy  Goodman de Democracy Now, Paul McGeough a dit :  « nous étions à environ... 150 mètres du bâbord quand les Israéliens ont  commencé à lancer des grenades sonores, des grenades lacrymogènes vers  l’arrière du bateau où se tenait une foule importante. Vous pouviez les  voir dans leurs gilets de sauvetage. Vous pouviez voir les éclairs des  moyens incendiaires. Vous pouviez entendre le bruit des explosions et la  panique et la colère qui ont suivi ».
Au moment de la prise de Challenger One, Kate Geraghty,  était en train de prendre des photos ; « elle a reçu une secousse de  taser et a été jetée sur le pont ». « J’étais en train de prendre des  photos à côté de Paul. Et je regardais par-dessus bord lors de l’arrivée  des commandos - un commando israélien est venu vers nous... Il m’a  frappée sur l’avant-bras me repoussant d’un mètre, un mètre et demi. Et  là j’ai immédiatement vomi ». Au moment où elle commencé à vomir, le  commando s’est dirigé vers elle et lui a arraché sa caméra. Pas question  de discuter avec ces hommes armés dont les prouesses se mesurent non  dans les combats, mais en haute mer dans des actes de piraterie contre  des photographes et d’autres civils non armés attaqués au taser. Pas  glorieux dans un CV militaire ! Piètre utilisation d’une puissance  militaire ! Victoire sans gloire !
Envoyer des unités militaires spécialement formées à des  raids dangereux contre des civils sans armes n’a pas « résulté d’un  différend entre les agences de renseignement » a affirmé un groupe de  hauts officiers de la marine de réserve israélienne dénonçant le raid.  Israël a la capacité d’intercepter toutes les communications radio et  savait à l’avance que les bateaux humanitaires ne transportaient ni  militants ni armes. En outre, six militants initialement à bord du Mavi  Marmara n’ont toujours pas été retrouvés »... Ils ne sont pas blessés,  ils n’ont pas été tués. Ils ont disparu... Certains pensent que nous  avions des espions à bord, alors peut-être que ceux  qui manquent à  l’appel étaient... des agents du Mossad. L’hypothèse est tout à fait  plausible et nous permet de comprendre pourquoi Israël a utilisé des  commandos masqués en camouflage pour envahir un bateau humanitaire.
Tout comme les Palestiniens de Gaza subissent la force  mortelle de l’armée israélienne pour avoir mal voté, il en va de même  pour ceux qui soutiennent la Palestine. L’attaque a été montée pour  intimider et punir tous ceux qui éprouvent de la compassion pour Gaza  assiégée - une sorte de punition collective, imposée à des  parlementaires, des humanitaires, des militants, des observateurs  internationaux et des journalistes.
Ironiquement, les commandos israéliens ont eux-mêmes  étayé cette affirmation puisqu’ils ont appelé le Mavi Marmara un  « bateau de la haine » en dépit du fait que certains de leurs soldats  blessés ont reçu des soins de la part des passagers du prétendu bateau  de la haine. « Ils [les passagers] ont réussi à s’emparer de quelques  soldats israéliens, mais ils étaient évidemment tellement imprégnés de  non-violence, que nous n’en avons tué aucun. »
Si on compare leurs actions avec leurs paroles, on se  demande si : « les Israéliens font aucune distinction entre le bien et  le mal ?  Au milieu des eaux internationales, les Israéliens sont venus à  bord d’un bateau humanitaire et ont « utilisé des balles réelles ». Ils  ne sont pas venus pour jouer... Ils sont venus pour tuer ». Neuf civils  sont morts et 48 autres ont été blessées par  balles. Et pourtant, ils  osent parler de « bateau de la haine ». Les résultats d’autopsie des  neuf victimes confirment que dans chaque cas 30 balles ont été tirées.  Cinq des victimes avaient des blessures à la tête. Furkan Dogan, 19 ans,  citoyen étasunien « a reçu cinq balles à moins de 45 cm[...] du visage,  l’arrière de la tête, deux balles dans la jambe et une dans le dos. »  Et pourtant le ministre des affaires étrangères adjoint, Daniel Ayalon,  ose appeler Free Gaza « l’armada de la haine et de la violence ». Tirer  sur un être humain « à bout portant » n’est pas de la haine et de la  violence alors qu’il apporte de l’aide à Gaza ? C’est à se demander non  seulement si Israël comprend le droit international, mais aussi de quel  sens moral il fait preuve dans les actes brutaux de violence.
En construisant une toute nouvelle prison pour  accueillir les quelque 600 militants kidnappés de la Flottille de la  liberté au port d’Ashdod, les architectes de l’attaque préméditée ont  élaboré un plan ingénieux pour aveugler, réduire au silence, obscurcir  toute source d’information. La caméra de Kate Geraghty lui a été  arrachée pendant qu’elle vomissait- elle a eu des contusions, elle a  subi des brûlures mineures et a souffert de nausées. Le premier matelot  de Challenger One , Shane Dillon, a assisté à l’attaque contre Kate  Geraghty et à « l’arrachage » de l’équipement de Paul McGeough : « elle  ne faisait que son travail de journaliste... Elle leur a dit qu’elle  était photographe professionnelle ».
Pourtant, Peter Fray, rédacteur en chef du Sydney Morning Herald -avait envoyé une lettre aux  autorités israéliennes, le 24 mai 2010,  dans laquelle il disait« dans  l’éventualité où Israël saisirait le bateau sur lequel ils voyagent, je  vous demande instamment de permettre à McGeough et à Geraghty de  poursuivre leur travail de journalistes... » ; l’ambassadeur, Yuval  Rotem, avait reçu cette lettre avant le départ de la flottille, et  malgré cela les deux journalistes n’ont pas pu faire leur  travail ».... A bord, nous avons pu faire notre travail conformément à  notre contrat. Nous avons envoyé des rapports réguliers. Nous avions les  satellites. Nous avions des téléphones satellitaires. Nous avions des  ordinateurs qui étaient branchés sur ces téléphones satellitaires. Du matériel coûtant entre 60 000 et 80 000 dollars  nous a été confisqué. Nous ne l’avons pas revu. Ils ne nous ont même pas  donné de reçu ».
Iara Lee, de Cultures of Resistance,  dont les DD et les caméras ont été saisies par les commandos a exprimé  le même sentiment. Bien qu’elle ait dit « ... Nous exigeons ce que nous  avons filmé... Nous pourrions reconstituer les événements si nous avions  nos films ... Sans faire de manipulation. Les Israéliens utilisent nos  films pour leur narration et les publient sur YouTube... C’est une  violation complète du respect des médias »- il est extrêmement probable  qu’elle ne récupérera pas son matériel. Ce serait contraire à la censure  israélienne.
Pleinement conscients du caractère illégal de l’attaque,  les Israéliens ont monté une offensive disproportionnée contre des gens  qui les ont repoussés avec des chaises, des balais, des pièces du  bateau et des déchets. Les autorités israéliennes prétendent que « les  commandos ont été attaqués par les militants » qu’il y avait, selon les  FID des « armes hostiles à bord ». Les témoins réfutent les affirmations  israéliennes et précisent que les commandos ont utilisé « des grenades  étourdissantes, des tasers, des fusils paintball très rapides, des  balles en caoutchouc, des gaz lacrymogènes et des balles réelles contre  des civils sans armes.
Les mensonges Israéliens auraient probablement été  acceptés en masse s’il n’y avait eu aucun enregistrement de l’attaque.  Après avoir confisqué « tous les appareils d’enregistrement et de  communication qu’il a pu trouver » le gouvernement israélien a  "sélectionné, monté et  diffusé les séquences qu’il voulait montrer au  public ». Paul McGeough évalue la tentative de censure israélienne sur  l’attaque : « .....  la première priorité des soldats israéliens dès  leur débarquement dans le bateau a été d’étouffer l’histoire, de  confisquer toutes les caméras, de fermer les satellites, de détruire les  caméras CCTV à bord du Mavi Marmara pour s’assurer que rien ne  transpire. Ils voulaient absolument contrôler la narration. Si vous  revenez au désastre de Dubaï, une histoire qui a tourné très mal pour  les Israéliens en janvier avec l’assassinat du responsable du Hamas,  ceux-ci connaissaient si bien l’importance du contrôle de la narration à  tout moment de la crise que leur priorité absolue était, comme je l’ai  dit, d’étouffer tout autre témoignage.
Pendant qu’Israël « contrôlait sa version des faits »  des civils saignaient à mort mais il n’a pas réussi à contrôler  l’information. Iara Lee raconte « je crois que les Israéliens ont fait  un mauvais calcul en brouillant notre système satellitaire, s’imaginant  que le monde n’aurait pas accès à l’information. Et il ne savait pas que  nous avions un système de sauvegarde qui pouvait transmettre en direct  certains des événements. Et de toute évidence, il faisait noir au milieu  de l’océan et ils ont donc pensé qu’ils avaient réussi. Aucune  information ne serait diffusée. Ils allaient être les seuls à la  détenir, puisqu’ils filmaient ouvertement. Comme nous étions des  centaines, certains d’entre nous ont réussi à faire sortir des photos et  des séquences vidéo. Aujourd’hui, nous montrons ce que nous avons  filmé, sans montage, sans censure et le monde comprendra. Ce matériel  sera disponible aux fins d’enquête.
Enquête ou non, le monde a vu les films de la brutalité  israélienne et il s’est fait une opinion. Les commandos israéliens qui  ont été « capturés et brièvement détenus au début de l’attaque » ont été  rendus aux soldats. Iara Lee signale :[ceci] prouve amplement que nous  n’étions pas là pour lyncher qui que ce soit car nous avons eu  l’occasion de tuer ou de vraiment... maltraiter ces soldats et nous ne  l’avons pas fait... Nous sommes des humanitaires. En dépit du chaos,  nous savions que nous devions rester non-violents ». Et ils sont restés  non-violents ! On pourrait demander où s’insère dans la narration non  censurée les allégations du ministre des affaires étrangères adjoint,  Daniel Ayalon, au sujet de « l’armada de la haine et de la violence » ou  des accusations des commandos caractérisant le Mavi Marmara de « bateau  de la haine ». La violence et la haine qu’il y a eues- comme en  témoigne l’attaque contre la flottille de la liberté - étaient dirigées  contre une humanité qui n’a pas perdu sa capacité d’être concernée par  les opprimés, en dépit des distorsions , de la censure et des mensonges,  israéliens.
* Anait Brutian (Bachelor  en musique avec distinction en Théorie, McGill University ; master en  théorie musicale, McGill University) est étudiante à la faculté des  sciences religieuses de McGill. Elle a publié à compte d’auteur :  Reconciling Geometry, Rhetoric and Harmony : A Fresh Look at C. P. E.  Bach. 
Elle travaille actuellement à un autre livre traitant des paradigmes mathématiques en littérature (ancien et nouveau testaments ), art, architecture, et musique. Vous pouvez lui écrire à : anaitbrutian@videotron.ca
Elle travaille actuellement à un autre livre traitant des paradigmes mathématiques en littérature (ancien et nouveau testaments ), art, architecture, et musique. Vous pouvez lui écrire à : anaitbrutian@videotron.ca
 22 juin 2010 - Cet article peut être consulté ici : 
http://sabbah.biz/mt/archives/2010/...
http://sabbah.biz/mt/archives/2010/...
Traduction : amg