Jonathan Cook
Le blocus " sécuritaire " d’Israël est,  dans ses versions ancienne et nouvelle, en tous points un blocus " civil  ". Conçu pour être une “ punition collective ”des gens de Gaza pour  avoir élu les mauvais dirigeants...c’est un crime contre l’humanité.
Alors qu’Israël annonçait  cette semaine l’ "allègement " du blocus de Gaza qui dure depuis 4 ans,  un responsable en expliquait le nouveau principe directeur : "des biens  civils pour des civils".
Les  restrictions sévères et apparemment arbitraires sur  les aliments qui entrent dans l’ enclave – la coriandre, non, la  cannelle, oui– vont enfin se terminer, nous dit-on. Les  1.5 million  habitants de Gaza vont avoir toute la coriandre qu’ils veulent.
Cet "ajustement," comme le nomme le premier ministre  Benjamin Netanyahou,  a pour seul objectif de limiter les dégâts.
Israël est responsable de la mort de 9 civils à bord  d’une flottille d’aide pour Gaza il y a trois semaines, aussi le monde  a-t-il  finalement commencé à s’interroger sur les objectifs du blocus.  Ces neufs personnes devaient- elles mourir afin que la coriandre, le  chocolat et les jouets ne puissent pas arriver à Gaza ? Et puis, comme  il va y avoir d’autres flottilles, Israël devra-t-il exécuter d’autres  personnes pour appliquer cette politique ?
Confronté à cet examen dont il ne veut pas, Israël -  tout comme les Etats-Unis et les membres de l’UE qui sont complices du  blocus- a mis tous ses efforts à détourner l’attention des exigences de  levée totale du  blocus. Il a mis en avant, à la place, qu’un blocus  plus souple de Gaza fera la différence entre les mesures de "sécurité "  nécessaires et un blocus injuste des "civils". Israël se pose en  chirurgien qui, face à des jumeaux siamois, maîtrise la technique  miraculeuse qui permettra de les séparer.
Le résultat, a dit Netanyahu à son cabinet, serait de  “renforcer le blocus sécuritaire parce que nous avons enlevé au Hamas la  capacité de nous accuser de porter atteinte à la population civile.”  Ecoutez les responsables israéliens et vous croirez que des milliers de  produits "civils" vont se déverser dans  Gaza. Pas de  Qassam pour le  Hamas mais bientôt, si on les en croit, les magasins de Gaza seront  aussi bien achalandés que n’importe lequel de nos supermarchés.
Vous pouvez être sûr que ça ne va pas arriver.
Même si de nombreux produits ne sont plus interdits, il  faudra encore qu’ils arrivent à entrer dans l’ enclave. Israël contrôle  les points de passage et  détermine combien de camions peuvent entrer  chaque jour.
Après une semaine d’ allègement du blocus, seulement un  quart de ceux qui avaient autrefois le droit d’entrer sont autorisés à  décharger leur cargaison, et cela ne devrait pas changer de façon  significative. De plus, blocus "sécuritaire " oblige, on s’attend à ce  que  demeure l’interdiction du ciment et de l ’acier qui sont  indispensables pour reconstruire et réparer les milliers de maisons  dévastées par l’attaque israélienne d’il y a 18 mois.
En tout cas, tant que Gaza n’est pas maîtresse de son  espace aérien, portuaire et de ses frontières, tant que ses usines ne  sont pas reconstruites et les exportations à nouveau possibles, son  économie chancelante n’a aucune chance de se rétablir. Pour l’immense  majorité  des Palestiniens de Gaza, englués dans la pauvreté, la  nouvelle liste de produits autorisés -dont la coriandre- restera  un  simple espoir.
Mais plus important pour Israël, en focalisant  l’attention  du monde sur la fin supposée du blocus  "civil", le pays  espère que nous oublierons de poser une question plus pertinente : quel  est l’objectif de ce blocus "sécuritaire " relooké ?
Au fil du temps, les Israéliens ont dit au choix que le  blocus était imposé pour isoler les dirigeants "terroristes" de Gaza, le  Hamas ; ou pour servir de levier afin d’arrêter les tirs de roquettes  sur les communautés israéliennes voisines ; ou pour empêcher la  contrebande d’armes vers Gaza ; ou encore d’imposer le retour de leur   soldat capturé, Gilad Shalit.
Aucune de ces raisons ne résiste à un examen même  superficiel. Le Hamas est plus fort que jamais, les attaques de  roquettes ont cessé il y a bien longtemps, les contrebandiers utilisent  les tunnels sous la frontière avec l’Egypte, pas les points de passage  d’Erez ou  Kerem Shalom ; et le sergent Shalit serait déjà chez lui si  Israël avait vraiment voulu l’échanger contre la fin du blocus.
Le but réel du blocus a été établi de façon brutale dès  sa conception au début 2006, peu après que le Hamas eut gagné les  élections palestiniennes.
Dov Weisglass, alors principal conseiller du  gouvernement, déclarait qu’il mettrait les Palestiniens de Gaza “ au  régime mais sans les faire mourir de faim.” Des associations  humanitaires peuvent témoigner de la malnutrition  rampante qui a suivi.  Le but ultime, admettait  Weisglass, était de punir les Gazaouis  ordinaires dans l’espoir qu’ils renverseraient le   Hamas.
Weisglass est-il une relique de la période  pré-Netanyahu, son blocus-régime depuis longtemps dépassé ? Pas du tout.  Le mois dernier, lors de l’audition d’une plainte contre le blocus, le  gouvernement de   Netanyahu justifait sa politique non pas comme mesure  de sécurité mais en tant que “guerre économique” contre Gaza. Un  document spécifiait même le  minimum de calories – ou “lignes rouges”,  comme on les appelle aussi – qu’il fallait aux  Gazaouis selon l’âge et  le sexe.
En vérité, le blocus "sécuritaire" d’Israël est, dans  ses versions ancienne et nouvelle, en tous points un blocus "civil".  Conçu pour être une “ punition collective ”des gens de Gaza pour avoir  élu les mauvais dirigeants, il continue à l’être. Heureusement, le droit  international définit le statut de la politique israélienne : c’est un  crime contre l’humanité.
Alléger le siège afin que Gaza meure à petit feu est  peut-être mieux que rien.Mais le véritable devoir de la communauté  internationale est de libérer  1.5 million de  Palestiniens de la   prison qu’Israël a construite pour eux.
Jonathan Cook écrivain et  journaliste basé à Nazareth. Une version originale de cet article a été  d’abord publié par The National, à Abu Dhabi, et publié ensuite par  Ma’an news
traduction : C. Léostic, Afps