La       Turquie est bien l’alliée de l’Amérique mais pas au point de       l’obliger à condamner Israël pour son acte de piraterie. Un       sort qu’elle accepte pour des intérêts plus importants.
Les       Turcs sont déçus. C’est ce qu’a exprimé l’ambassadeur de       Turquie à Washington, Namik Tan, qui a fait part de sa       déception suite à l’absence de condamnation par les       Etats-Unis du raid israélien contre la flottille en route       vers Gaza. « Il n’y a pas un mot de condamnation, à aucun       niveau » de la part des Etats-Unis.      
      L’assaut       de l’armée israélienne, contre une flottille transportant       700 passagers et de l’aide à destination de Gaza, a fait       neuf morts civils, huit Turcs et un Américano-Turc. Le       premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, avait aussi       pour sa part spécifiquement demandé au président américain,       Barack Obama, de condamner Israël. « Notre déception vient       de ce que si (les Etats-Unis) avaient adopté une position       différente, en essayant de faire pression sur Israël et (de       demander) plus d’explications de la part d’Israël, je pense       que les choses se seraient calmées plus vite », a ensuite       ajouté M. Tan, tout en assurant que la Turquie et les       Etats-Unis n’en demeurent pas moins des amis et des alliés.
      Ceci est       vrai, plutôt silencieux depuis le début de l’affaire, les       Etats-Unis ont peut-être insisté sur la nécessité de       relancer la paix au Proche-Orient, mais surtout tout en       évitant de condamner directement Israël. Leur rôle semble       bien défini. Washington a choisi de continuer à jouer sur       les deux tableaux pour tenter de ne pas aller contre l’un de       ses deux amis proches. En effet, alliés historiques des deux       pays, les Etats-Unis ne devraient pas avoir à choisir entre       l’un ou l’autre pays.
      Ce n’est       peut-être pas une nouvelle politique de la part des       Etats-Unis. C’est ce qu’affirme le politologue Mohamad       Abdel-Salam qui explique que les Etats-Unis sont capables de       gérer des relations de ce type pour ne pas aller contre       leurs propres intérêts dans un camp ou dans l’autre. C’est       ainsi qu’ils tenteront de faire tourner les relations entre       les Israéliens et le monde arabe. « Les Etats-Unis tentent       généralement de diriger leur politique au cas par cas, ils       ne maintiennent pas un allié ou un ennemi sur toute la ligne.       La preuve en est que Washington a affronté dernièrement la       Turquie à plusieurs reprises au sujet de l’Iran ou pour des       problèmes turcs internes et maintenant pour Israël ». Et       d’ajouter : « Israël n’est donc pas le facteur régnant la       relation entre la Turquie et les Etats-Unis », explique le       politologue.
      Cela dit,       si les Etats-Unis arrivent à maintenir cet équilibre, il       n’est pas question de comparaison quand il s’agit d’Israël.       En effet, l’Etat hébreu a toujours été l’allié le plus       proche des Etats-Unis et le sera tout le temps. Il n’y a pas       de concurrent de ce rang. Cela dit, si les relations       américano-israéliennes semblent être fixes, les relations       entre les Etats-Unis et la Turquie, elles, ont toujours eu       des hauts et des bas.
      Béchir       Abdel-Fattah, chercheur au Centre des Etudes Politiques et       Stratégique (CEPS) d’Al-Ahram, explique que la Turquie a       depuis toujours été l’un des proches des Etats-Unis même si       elle n’est pas placée au même rang qu’Israël.
      Des       hauts et des bas
      Les       relations entre la Turquie et les Etats-Unis ont bien       entendu une très longue histoire avec des dimensions et des       domaines divers. Historiquement parlant, les relations       étroites entre Washington et la Turquie remontent à l’entrée       en vigueur, en 1947, de la Doctrine Truman, qui visait à       renforcer l’autonomie économique et militaire de ce pays à       majorité islamique — un objectif pour lequel les Etats-Unis       œuvrent depuis l’ère de la Guerre froide jusqu’à nos jours       par le biais d’une diplomatie bilatérale rapprochée et sous       forme de partenariat entre deux des plus grandes puissances       militaires.
      Puis en       2003, les relations entre Washington et Ankara se sont       tendues quand le Parlement turc a décidé d’interdire aux       forces de la coalition dirigée par les Etats-Unis       d’emprunter son territoire pour lancer la guerre contre       l’Iraq voisin.
      En guise       de calmer cette tension, La Turquie et les Etats-Unis se       sont tous deux résolus à œuvrer pour la paix au Proche-Orient.       En 2008, la Turquie a été l’hôte de pourparlers entre son       voisin du sud, la Syrie, et Israël, et elle a joué un       rôle-clé dans les négociations qui ont conduit à un       cessez-le-feu à Gaza, en début d’année.
            Cependant, le climat favorable s’est réellement instauré à       l’issue de la visite du président Obama en Turquie. Autant       qu’avec l’évocation de la notion « de partenariat modèle »       par Obama lors de son allocution devant la Grande assemblée       nationale de Turquie, il a été interprété que c’était le       commencement d’une nouvelle ère dans les relations entre les       Etats-Unis et la Turquie. 
            D’ailleurs, Obama a bien signalé l’importance que peut       représenter la Turquie pour les Etats-Unis en évoquant le       rôle-clé que celle-ci pourrait jouer dans les initiatives       américaines à l’égard de l’Iran, ce qui constitue un grand       défi pour Obama. De plus, la Turquie constitue aussi pour       les Etats-Unis un partenaire essentiel en faveur de la       stabilisation de l’Afghanistan, ce qui est une priorité       capitale de la politique étrangère pour la Maison Blanche.       Environ 800 soldats turcs sont actuellement déployés dans le       cadre de la mission de paix dirigée par l’Otan en       Afghanistan.
      Cela dit,       que ce soit la Turquie ou les Etats-Unis, tous les deux ont       besoin l’un de l’autre, puisque les intérêts de l’un       dépendent de la présence de l’autre. Il ne faut donc pas       imaginer que les choses iront plus loin. « Si le langage       devient sévère de la part des Turcs dernièrement, c’est       uniquement pour calmer l’opinion publique. La preuve c’est       qu’aucune action concrète n’a été prise jusqu’à présent.       D’ailleurs que ce soit les Américains ou les Israéliens, ils       le savent très bien et les laissent faire ». Et d’ajouter :       « La Turquie a vraiment besoin de la présence américaine       pour faire face à l’organisation d’Al-Qaëda. En échange, les       Etats-Unis ont besoin de la Turquie pour faire face à l’Iran       », explique Béchir Abdel-Fattah. 
      Que ce       soit Israël ou la Turquie, il est vrai que les deux sont des       alliés des Etats-Unis, mais à des degrés différents. Mais       même si Washington a pu trouver son intérêt chez Ankara, il       n’irait jamais contre Israël. « Il est vrai que la présence       turque est importante pour les Etats-Unis, mais si elle la       contrarie, ils peuvent tout facilement la remplacer par un       autre allié aussi important. La Turquie le sait très bien,       c’est pour cela qu’elle ne poussera pas trop fort dans cette       affaire », conclut Béchir Abdel-Fattah.
Chaïmaa  Abdel-Hamid