Jean-Baptiste Allemand
Dans un pays envahi pendant des siècles par  les voisins anglais, il y a une solidarité naturelle envers les  populations dont on estime qu’elles subissent le même sort.
Il n’y a pas que dans les  grandes métropoles européennes qu’on se mobilise pour Gaza. En Irlande  du Nord, des manifestations pro-palestiniennes ont réuni des centaines  de personnes à Derry/Londonderry ou à Belfast. Une réunion d’urgence sur  la situation à Gaza a même eu lieu au Parlement nord-irlandais, pour  discuter d’un éventuel appel à la levée du blocus sur Gaza.
Le fait que le Rachel Corrie (navire arraisonné samedi  matin sans violence) battait pavillon irlandais est tout sauf  surprenant. Dans un pays envahi pendant des siècles par les voisins  anglais, il y a une solidarité naturelle envers les populations dont on  estime qu’elles subissent le même sort.
« On comprend les Palestiniens »
En Irlande du Nord, où une partie de la population pense  qu’elle est toujours sous colonisation britannique, le sentiment est  décuplé. Les peintures murales à la gloire des causes basque ou catalane  ne sont pas rares dans les quartiers républicains.
Mais les plus fréquentes et populaires, ce sont celles  qui soutiennent le peuple palestinien. « Les oppressions, les  spoliations de terres, on comprend ça, explique le muraliste républicain  Danny Dennevy. La même chose est arrivée ici sous la domination  britannique ».
Celui qui est à l’origine de nombreuses fresques murales  à Belfast avait déjà dénoncé l’intervention israélienne à Gaza de  l’hiver 2008, avec une peinture on ne peut plus explicite.  Visiblement, il est très remonté contre l’opération navale meurtrière de  cette semaine :
« Je vais peindre une nouvelle fresque dès lundi pour  montrer cette horreur. »
« Soutien à Israël » chez les  loyalistes
Par contre, du côté unioniste, on est loin de partager  cette position. Jonathan Bell, député DUP (principal parti unioniste), a  défendu à l’Assemblée « le droit d’Israël à se défendre », en mettant  l’accent sur « les roquettes qui ont tué des écoliers israéliens »
Il n’est pas rare de voir des drapeaux loyalistes  affichant une étoile de David englobant la main rouge de l’Ulster,  symbole national ici. Un jour, un habitant de Belfast-Est ne s’était pas  démonté après ma question sur l’emblème surplombant sa maison : « C’est  pour montrer notre soutien à Israël ». Au plus fort de la seconde  Intifada, certains quartiers loyalistes étaient même parsemés de  drapeaux israéliens.
Certains y comparent les « terroristes » du Hamas et  ceux de l’IRA, les attaques à la roquette contre les civils israéliens  et les explosions de bombes contre les policiers nord-irlandais.  D’autres font même le parallèle entre les souffrances, les siècles  passés, des Juifs et celles des protestants.
Mais chez les républicains, on affirme que ce soutien  est artificiel, qu’il n’existe qu’en réaction à leurs positions  pro-palestiniennes. Un petit côté « les ennemis des amis de mes ennemis  sont mes amis » (Vous suivez ? ).
Sinn Féin et Hamas gardent contact
A moins que la raison première de tout cet antagonisme  ne soit beaucoup plus obscure… La solidarité entre les peuples n’est  jamais aussi accomplie que quand elle permet de faire la guerre pour sa  propre cause.
Dans les années 80, l’IRA a eu des liens étroits avec  l’OLP de Yasser Arafat, au point d’être soupçonnée de lui avoir fourni  entraînement et explosifs. Aujourd’hui, le Sinn Féin, ancienne aile  politique de l’IRA ayant renoncé à la violence, garde encore des  contacts politiques avec le Hamas, qualifié de mouvement terroriste par  l’UE et les USA.
De leur côté, les paramilitaires loyalistes (notamment  l’UDA) pourraient avoir été armés avec la bénédiction… du Mossad. A  chaque soubresaut du conflit israélo-palestinien, le risque est le même  ici : revoir surgir les fantômes du passé.
publié le 6 juin par Rue89