Ibrahim Kiras
          Le 9 juin, les Turcs ont été les seuls avec les Brésiliens à  voter non à de nouvelles sanctions contre l’Iran. Les Occidentaux vont  devoir accepter le rôle géopolitique croissant d’Ankara, prévient le  commentateur d’un quotidien populaire turc.         
          Le représentant de la Turquie au  Conseil de sécurité de l’ONU a voté contre les sanctions, New-York, 9  juin 2010.
Les Turcs et les Brésiliens avaient réussi à forcer  l’Iran à accepter les conditions posées par les Etats-Unis dans le  dossier nucléaire. En effet, les clauses reprises dans l’accord de  Téhéran signé en mai entre l’Iran, la Turquie et le Brésil  correspondaient mot pour mot aux conditions réclamées par Barack Obama  dans la lettre qu’il avait écrite aux dirigeants turcs et brésiliens.  (Voir Iran : La lettre d’avril du Président Obama au  Président Lula  ). Malgré cela, dès que l’accord a été signé, les  Etats-Unis ont fait le choix de renier leur parole. Dans ces conditions,  le vote onusien en faveur de sanctions contre l’Iran apparaît de la  part de l’alliance occidentale, et en particulier des Etats-Unis, comme  un rejet des initiatives favorables à l’établissement d’une paix globale  et à l’instauration d’une justice universelle émanant de pays émergents  tels que la Turquie et le Brésil.
La politique étrangère américaine semble déterminée non  pas à résoudre les problèmes, mais à faire des démonstrations de force.  L’esprit belliqueux qui régnait sous l’administration Bush fils ne donne  pas l’impression d’avoir disparu. Obama a du mal à engranger des  réformes du fait d’équilibres fragiles sur le plan interne. Sa liberté  d’action est en effet entravée par le département d’Etat qu’il a dû  laisser à son ex-rivale Hillary Clinton, qui puise sa force auprès des  lobbies juifs. Pour l’Amérique, laisser à des puissances moyennes telles  que la Turquie et le Brésil la résolution de problèmes qu’elle estime  devoir résoudre par elle-même est donc inacceptable.
Le même complexe s’observe aussi chez les Européens. De  toute façon, il est peu probable que les sanctions débouchent sur des  changements sur le front iranien. Toutefois, pour la Turquie, un point  de non-retour vient d’être franchi. Dorénavant, nos amis occidentaux  vont être confrontés à une Turquie "capable de dire non". Dès lors que  la Turquie n’entend pas modifier ses choix diplomatiques, qui résultent  de nouvelles conditions liées à l’importance géopolitique, historique,  démographique et économique croissante de notre pays, et dès lors que  nous ne sommes plus en période de guerre froide, nos amis vont devoir  changer la vision qu’ils avaient jusque-là de notre rôle.
                10 juin 2010 - Courrier international