Le Parisien
          Diana Safieh avait 7 ans lorsque par une nuit du printemps  1948, sa famille quitta sa maison de l’ouest de Jérusalem, craignant les  combats entre forces juives et arabes. Aujourd’hui, à presque 70 ans,  la Palestinienne veut revoir la maison familiale.         
          Diana Safieh avait 7 ans lorsque par une  nuit du printemps 1948, sa famille a été forcée de quitter sa maison de  Jérusalem - Photo : Marina Passos
"Mon père disait : ’Jamais nous ne quitterons  Jérusalem’", raconte à l’AFP cette élégante dame pleine de vie, issue de  la grande bourgeoisie chrétienne de Jérusalem.
Samedi, les Palestiniens sont en deuil. Ils marquent le  62e anniversaire de la "Nakba" ("catastrophe" en arabe) : l’exode de  centaines de milliers d’entre eux qui accompagna l’expiration du mandat  britannique en Palestine et la proclamation de l’état d’Israël.
Mme Safieh se souvient que le matin du 13 mai 1948, elle  cueillait encore des fleurs pour les offrir aux soeurs de Saint-Joseph.
"Si nous avions su que nous ne reviendrions plus, nous  aurions fait autre chose", sourit-elle. La maison, les meubles, tout a  été perdu, affirme-t-elle, tout comme l’argent et les bijoux déposés à  la banque.
Les mois précédents, la panique s’était emparée des  voisins. Un à un, ils avaient abandonné leurs maisons, effrayés par les  violences. "Le 13, c’était devenu insupportable", témoigne Mme Safieh.
Au milieu de la nuit, la petite Diana et son frère Jean  sont réveillés par leur père. Toute la famille s’engouffre dans la  voiture, direction le couvent de Saint-Joseph, où une tante de  Mme Safieh est religieuse.
Le 14, l’Etat d’Israël est proclamé. Le lendemain débute  la première guerre israélo-arabe.
Pendant trois mois, la famille Safieh reste chez les  soeurs, avant de se décider, comme beaucoup, à aller à Beyrouth. Mais  après neuf mois dans la capitale libanaise, Emile, le père, décide qu’il  est temps de regagner Jérusalem. La famille s’installe dans l’est de la  Ville sainte.
Plus de 760.000 Palestiniens —estimés aujourd’hui à près  de 5 millions avec leurs descendants— ont été poussés à l’exil lors de  la création d’Israël, fuyant les combats, l’avancée des forces juives ou  chassés de leurs maisons. "Nous avons eu beaucoup de chance", reconnaît Mme Safieh, dont les deux  frères vivent à l’étranger. "Nous n’avons pas fini dans un camp de  réfugiés, et nous avions les moyens de voyager, de nous éduquer".
Aujourd’hui, elle habite à Beit Hanina, dans le secteur  oriental à majorité arabe de Jérusalem. Elle n’a revu sa maison qu’une  seule fois, avec ses parents en 1967, un épisode douloureux. Depuis,  Emile et Odette sont décédés. Aujourd’hui, elle veut retrouver la  demeure familiale située dans le quartier juif cossu de Baqaa, à  Jérusalem-Ouest.
"Je ne sais pas si je la reconnaîtrai. En 1967, il y  avait un palmier, la maison voisine avait un toit de tuiles",  confie-t-elle, un peu anxieuse.
Les noms des rues ont changé, des étages ont parfois été  ajoutés aux maisons de pierre, des drapeaux israéliens flottent aux  fenêtres.
Après plusieurs passages en voiture, et quelques espoirs  déçus, Mme Safieh s’approche d’une maison à deux étages. "Mon coeur me  dit que c’est ici", murmure-t-elle. C’est une photographie en noir et blanc, la représentant avec ses  parents et son petit frère dans leur jardin, qui lui permet de s’en  assurer : le fer forgé de la fenêtre est resté le même.
Mme Safieh est submergée par l’émotion. "Mon Dieu...",  soupire-t-elle, les larmes aux yeux. Elle est heureuse d’avoir retrouvé  sa maison mais pense à la "blessure" de ses parents, elle "imagine leur  souffrance".
"Je souhaite à ceux qui habitent (la maison) le bonheur  parce que ce n’est pas de leur faute. Qu’ils prient pour ceux qui sont  partis", dit-elle avec fatalisme.
Cette visite impromptue n’est pas du goût de la famille  israélienne habitant la maison. "Allons nous-en. Ce n’est pas la peine  de discuter", Mme Safieh s’éloigne. "Les gens importants dans ma vie  sont partis. Le reste vit à l’étranger. Il faut aller de l’avant".
                15 mai 2010 - Le Parisien - Vous pouvez consulter cet  article à : 
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