Philippe Marlière
Barack Obama nous surprendra-t-il sur le  terrain miné du conflit israélo-palestinien ? Parmi les présidents  états-uniens, sera-t-il le premier « honest broker » (« arbitre  impartial ») entre les deux parties ?
Reconnaîtra-t-il l’infini  déséquilibre des forces en présence ? D’un côté, Israël, puissance  nucléaire et coloniale (le « flic des Etats-Unis au Proche-Orient »,  comme le souligne Noam Chomsky). De l’autre, l’« Autorité »  palestinienne de Mahmoud Abbas, entité sans pouvoir, dont la ligne de  compromis mou avec Israël n’a amené que revers et déboires à un peuple  déjà meurtri par les interventions militaires israéliennes et le blocus  de Gaza.
Pourtant, rien ne devrait inciter à l’optimisme. Depuis  la présidence Clinton, les Etats-Unis n’ont rien fait pour contrarier le  fait colonial des Israéliens, se contentant de le condamner de manière  purement formelle. George W. Bush donna même son appui à l’entreprise  coloniale peu avant son départ de la Maison Blanche sans que cela ne  suscite d’émotion particulière.
Obama n’a pas dissipé l’image très  pro-israélienne des Etats-Unis
Depuis le refus, par Yasser Arafat, du « deal en or »  concocté par Bill Clinton à Camp David en juillet 2000, les Etats-Unis  n’essayent même plus de maquiller leur parti-pris pro-israélien.
Ce « deal en or » prévoyait de reconnaître l’annexion  d’une partie des terres occupées par Israël depuis 1967. Il entérinait  la mainmise israélienne sur la partie arabe de Jérusalem ou encore  apportait une fin de non-recevoir au droit au retour des Palestiniens  expulsés en 1948 et en 1967.
Qu’Arafat ait dû porter seul la responsabilité de  l’échec de Camp David, qui « ruina » la présidence Clinton (avant que  Monica Lewinsky ne vienne définitivement l’achever), montre bien de quel  côté penche la machine médiatico-diplomatique aux Etats-Unis.
Lors de la première année de sa présidence, Obama n’a  rien fait pour dissiper l’image très partisane de son pays sur ce  dossier. Aux prises avec Benyamin Netanyahou, un homme de la droite  extrême et hostile à l’arrêt de la colonisation, Obama a peiné à se  démarquer de ses prédécesseurs.
De « profondes divergences de vue »  avec Netanyahou
Il a quand même bien compris que l’arrêt inconditionnel  de la colonisation est le préalable à toute reprise des négociations.  Pourtant, Barack Obama est allé d’échec en échec, humilié par la  politique jusqu’au-boutiste du Premier ministre israélien jusqu’à la  semaine passée.
A cette occasion, Netanyahou a essuyé un premier refus :  Obama a demandé l’arrêt de la construction de logements dans la partie  arabe de Jérusalem. Le Premier ministre israélien a estimé qu’il  s’agissait d’une exigence « irraisonnable » et « illogique ».  L’administration américaine a, fait inhabituel, rendu public son  désaccord.
Un porte-parole de la Maison Blanche n’a pas hésité à  parler de « profondes divergences de vue » entre les deux hommes. Quand  Netanyahou a déclaré que c’était à ses yeux la même chose de construire  des maisons à Tel Aviv et à Jérusalem, Obama lui a répondu qu’il n’était  pas d’accord.
La teneur de cet entretien privé a filtré en direction  des médias américains (caricaturalement favorables aux positions  israéliennes), ce qui marque un changement de stratégie au sein de  l’administration Obama.
Ce contrepied médiatique a plongé Israël dans l’embarras  et a paru suffisamment sérieux pour que le lobby pro-Israël mène une  contre-offensive de grande ampleur par l’entremise de l’American Israel  Public Affairs Committee (AIPAC).
Le redoutable et redouté lobby  pro-Israël au Congrès
Il s’agit, en la matière, d’une institution de masse  dont l’objectif est de faire adopter au Congrès les « politiques et  décisions les plus favorables à Israël ». Une majorité d’élus au Sénat  et à la Chambre des représentants est membre de cette organisation.
Les universitaires John Mearsheimer et Stephen Walt ont  souligné le rôle influent d’AIPAC dans l’élaboration de choix  politico-militaires des Etats-Unis, le présentant comme le « bras armé »  du gouvernement israélien au Congrès (« The Israel Lobby and US Foreign  Policy », 2007).
AIPAC a déclaré que les « trois quarts » des membres du  Congrès avait signé sa lettre ouverte exigeant la « fin des critiques » à  l’égard d’Israël, car ce type de querelles doit être réglé en  « tête-à-tête et non sur la place publique ». Et préconisé un  resserrement des liens entre l’administration étatsunienne et le  gouvernement israélien.
Les campagnes d’intimidation contre les critiques de la  politique israélienne sont redoutables et redoutées. La vigueur des  attaques fait très souvent rentrer dans le rang les rares éléments  récalcitrants. Ici, la contre-offensive n’a pas semblé perturber  l’administration Obama.
Robert Malley, l’ex-bras droit du président Clinton pour  les affaires israélo-arabes, a confié que cette confrontation était  « délibérée » du côté du gouvernement fédéral. Elle serait la preuve de  la « détermination » d’Obama sur la question. Les colons israéliens mettent en danger les GI’s d’Afghanistan
L’avenir nous dira si l’infime espoir suscité par  l’opposition obamesque était illusoire ou pas. Il apparaît pourtant  difficile pour Obama de rebrousser chemin car il perdrait la face et  toute crédibilité pour le plus grand malheur des Palestiniens.
Le président américain aurait d’autant plus tort de  relâcher son effort que le fait colonial israélien est en passe de  devenir impopulaire au Capitole. On y estime que l’extrémisme de  Netanyahou met en danger la vie des GI’s en Irak et en Afghanistan.
Si l’administration Obama parvient à convaincre  l’opinion publique que l’arrêt de la colonisation israélienne est dans  l’intérêt des Etats-Unis, alors peut-être sera-t-il possible d’envisager  à moyen terme le retour à une vraie solution négociée. Mais nous n’en  sommes pas encore là.
Philippe Marlière est Maître de  conférences à Londres
publié par Rue89