Robert Fisk - The Independent
          Si le Liban avait un indicateur dans le genre de ceux utilisés  par les Etats-Unis, avec des codes de couleur pour évaluer « la peur de  la guerre » et allant du blanc au pourpre, nous sommes en ce moment -  grâce au président israélien Shimon Peres, au porte-parole de la Maison  Blanche et à Sayyed Hassan Nasrallah, dirigeant du mouvement libanais du  Hizbollah - quelque part entre le rose et le rouge, écrit Robert Fisk.         
          Défilé de la résistance libanaise à  Beyrouth, en commémoration du dirigeant de son aile militaire, Imad  Mughniyah, assassiné par les Israéliens - Photo : AFP
La Syrie a-t-elle fourni au Hezbollah une série de  missiles sol-sol Scud à envoyer sur Israël ? Les avions israéliens  peuvent-ils les attaquer si le Hezbollah dispose également de missiles  anti-aériens ? Et l’armée libanaise peut-elle prendre ces armes au  Hizbollah avant que tout cela n’explose ?
Cette saga remonte à loin, bien sûr, et Israël était  impatient de marquer son propre retour contre le mouvement de guérilla  le plus discipliné au monde. Vous pouvez oublier al-Qaïda quand il  s’agit de l’efficacité du Hizbollah - après la performance lamentable de  l’armée israélienne en 2006, lorsqu’elle s’était engagée à détruire le  Hizbollah puis s’était arrêtée, après l’habituel massacre de plus de  1000 civils, pour demander un cessez-le feu. Au cours des derniers mois,  Sayyed Nasrallah a humilié les Israéliens en leur promettant  qu’une  attaque de missiles israéliens sur l’aéroport de Beyrouth serait suivie  d’une attaque du Hizbollah à la roquette sur l’aéroport Ben Gourion à  Tel-Aviv.
Mais la semaine dernière, une affirmation par Péres que  le Hizbollah avait reçu des missiles Scud en provenance de Damas - ou de  l’Iran via la Syrie - et le refus par le Hizbollah de même simplement  discuter de son propre désarmement au sein d’un « dialogue national »  libanais présidé par le président Michel Suleiman, a obscurci le ciel de  printemps sur le Liban et Israël. Le secrétaire de la Maison Blanche,  Robert Gibbs, a déclaré cette semaine que les États-Unis avaient exprimé  leur préoccupation à la fois aux gouvernements syrien et libanais sur  « l’armement sophistiqué ... prétendument transféré ».
Péres a déclenché tout cela un jour plus tôt en  déclarant que « la Syrie affirme vouloir la paix, mais en même temps  elle offre des Scuds au Hizbollah, dont le seul but est de menacer  l’Etat d’Israël. »
Tous ces cris sont toujours très hypocrites. Les Scuds -  même si le Hezbollah en possède - sont aussi dépassés que notoirement  imprécis. Lors de la guerre du Golfe en 1991, les Scuds de Saddam  Hussein ont causé moins d’une centaine de morts. Plus Péres lancera des  cris d’alarme sur le danger qu’ils représentent, plus les alliés du  Hizbollah en Iran - supposés construire une arme nucléaire - occuperont  une place de choix dans l’imaginaire du public face à la colonisation  israélienne illégale et ininterrompue des terres palestiniennes.
Quant à Sayyed Nasrallah, il avait promis il y a un an  que le désarmement du Hizbollah ne pouvait pas être discuté avec le  gouvernement libanais - mais uniquement dans le cadre d’un ainsi-nommé  « dialogue national ». Et à présent que le « dialogue national » a  commencé, l’organisation a clairement fait savoir qu’elle n’avait pas  l’intention de discuter de son désarmement avec les autres partis  politiques libanais.
Les problèmes sont légion. Le Hizbollah est lui-même  représenté au Parlement libanais et en vertu de l’accord de Doha qui a  suivi la prise de contrôle militaire par le Hizbollah, en une seule  journée, de Beyrouth-Ouest en mai 2008, il a également un droit de veto  sur les décisions prises par la majorité du Conseil des ministres  libanais.
Et même si les adversaires du Hizbollah chiite au sein  du Cabinet - ils sont largement musulmans sunnites avec un important  contingent chrétien - ordonnaient à l’armée libanaise de saisir les  armes du mouvement, celle-ci serait incapable de le faire pour une  raison simple. Au moins la moitié des membres de l’armée - peut-être les  deux tiers - sont eux-mêmes musulmans chiites, et s’opposeraient bien  évidemment à l’ordre d’attaquer les maisons de leurs frères, fils et  pères qui appartiennent au Hizbollah.
Un indice de la gravité avec laquelle à présent tout le  monde prend en compte la possibilité de la guerre, se révèle dans une  remarque faite par un porte-parole américain anonyme qui a averti que le  transfert de missiles Scud au Hizbollah constituerait un « risque  sérieux » pour le Liban. Non pour Israël, vous remarquerez - mais pour  le Liban. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une allusion aux menaces  faites fréquemment par les Israéliens eux-mêmes que dans une nouvelle  guerre contre le Hizbollah, le gouvernement libanais serait tenu pour  responsable, et qu’en conséquence les infrastructures du Liban seraient  rasées.
Cela ne résonne pas au Liban comme ailleurs. Lors de sa  dernière guerre du Liban - la cinquième depuis 1978 - les Israéliens ont  accusé le gouvernement libanais d’être responsable de l’existence du  Hizbollah et ils ont en conséquence détruit les routes du pays, les  ponts, les viaducs, le réseau électrique et l’industrie civile, tout en  massacrant plus de 1000 civils. Les victimes côté israélien se  chiffraient par centaines, des soldats pour la plupart. Que peut faire  de pire Israël désormais contre le Hizbollah, après les accusations de  crimes de guerre portées contre la canaille impitoyable de son armée ?
                16 avril 2010 - The Independent - Vous pouvez consulter cet  article à : 
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction : Nazem
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Traduction : Nazem