Richard Falk
          Richard Falk argumente qu’une victoire palestinienne dans la  guerre de la légitimité avec Israël ne produirait pas nécessairement les  résultats politiques désirés et qu’il est vital que les Palestiniens  exercent « la patience, la résolution, le leadership et la vision, ainsi  qu’une pression suffisante » s’ils veulent acquérir leurs justes  droits.         
          Richard Falk
Depuis que la déclaration Balfour de 1917 à donné  l’approbation formelle du gouvernement britannique pour l’établissement  d’un « foyer national juif », de profondes questions de légitimité ont  été présentes dans le conflit connu aujourd’hui sous le nom de conflit  israélo-palestinien.
Cette approbation colonialiste originelle du projet  sioniste a produit une érosion constante de la place du peuple  palestinien dans la Palestine historique, érosion qui a empiré  dramatiquement au cours des 43 années d’occupation de la Cisjordanie, de  Jérusalem Est et de la bande de Gaza. Elle a empiré à cause d’une  occupation militaire oppressive par Israël qui met en jeu des négations  fondamentales des droits palestiniens et des violations omniprésentes de  la loi humanitaire internationale, et parce qu’Israël a été autorisé à  établir des « faits sur le terrain », à juste titre considérés comme des  violations des droits palestiniens, spécialement l’établissement d’un  réseau de colonies et du mur de séparation, construit sur les  territoires palestiniens occupés en violation de la quatrième Convention  de Genève. Ces développements ont été ouvertement illégaux, et ont  rendu illégitime l’ensemble du traitement du peuple palestinien, et ils  ont occasionné une souffrance énorme et généralisée.
Pendant des décennies, les forces politiques  palestiniennes ont exercé leur droit à la résistance de diverses  manières, y compris l’extraordinaire Intifada non-violente de 1987, mais  elles se sont engagées aussi dans la résistance armée pour la défense  de leur territoire. Les Palestiniens ont un droit absolu à la  résistance, quoique soumis aux limitations de la loi humanitaire  internationale, qui exclut de viser délibérément les civils et les  cibles non militaires. De telles tactiques de résistance s’en prennent à  Israël dans son domaine d’avantages comparatifs maximal, dû à la fois à  sa domination militaire totale, réalisée en partie par de larges  subsides des États-Unis, et à son impitoyable mépris de l’innocence des  civils.
Ces dernières années, particulièrement depuis  l’expérience brutale de la guerre du Liban de 2006 est encore plus  spectaculairement au lendemain de l’invasion israélienne de Gaza en  2008-09 (27 décembre 2008 — 18 janvier 2009), un changement d’accent  notable de la stratégie palestinienne a eu lieu. La nouvelle stratégie a  été de commencer ce qu’on pourrait appeler une seconde guerre, une  « guerre de la légitimité » qui s’appuie essentiellement sur diverses  tactiques de résistance non-violente. La résistance armée n’a pas été  abandonnée par les Palestiniens, mais elle a été mise à l’écart par  cette insistance sur les tactiques non-violentes.
L’essence de cette guerre de la légitimité est de jeter  un doute sur plusieurs facettes de la légitimité israélienne : son  statut d’acteur moral et respectueux de la loi, de puissance occupante  vis à vis du peuple palestinien, et le sujet de sa disposition à  respecter les Nations unies et à se conformer à la loi internationale.  Ceux qui mènent une telle guerre de la légitimité cherchent à s’emparer  du terrain de la moralité supérieure sur le conflit, et depuis cette  base, à gagner le soutien pour une gamme de mesures coercitives mais  non-violentes conçues pour faire pression sur Israël, sur les  gouvernements du monde entier et sur les Nations unies pour refuser à  Israël des droits de participations normaux à la société internationale.
Ces tactiques visent aussi à mobiliser la société civile  mondiale pour qu’elle montre sa solidarité avec la lutte palestinienne  pour la réalisation de ses droits légitimes, avec pour forme principale  la campagne Boycott  Désinvestissements et Sanctions (BDS) qui opère dans le monde entier  et qui sert de champ de bataille symbolique.
Mais il y a aussi d’autres formes d’action, telles que  le mouvement Free  Gaza et Viva  Palestina qui visent spécifiquement à rompre symboliquement le  blocus de la nourriture, des médicaments et du carburant imposé mi-2007,  une forme de punition collective qui a causé de grandes souffrances à  toute la population de 1,5 millions de la bande de Gaza, endommageant la  santé physique et mentale de tous ceux qui vivent sous l’occupation.
Quoique l’ONU ait été jusqu’à présent défaillant  (au-delà de son rôle essentiel d’aide humanitaire à Gaza) à protéger les  Palestiniens sous les occupations et même à propos de la réalisation  des droits palestiniens selon la loi internationale, c’est un lieu vital  de la lutte dans la guerre de la légitimité. Toute la tempête  déclenchée par le rapport Goldstone concerne le défi mis sur l’ONU  d’imposer la mise en cause de la direction politique et militaire  israélienne pour leurs crimes de guerre supposés et crimes contre  l’humanité liés aux attaques de Gaza à la fin de 2008. Même si les  États-Unis protègent les Israéliens de leur mise en cause selon les  procédures de l’ONU, y compris de la Cour Criminelle Internationale, la  confirmation par le rapport Goldstone des allégations de criminalité est  une victoire majeure pour les Palestiniens dans la guerre de la  légitimité, et elle donne de la crédibilité aux appels pour des  initiatives non-violentes dans le monde entier.
Le rapport Goldstone soutient aussi la « juridiction  universelle » comme moyen de rendre responsable, et encourage les cours  criminelles nationales de tous les pays à faire usage de leurs autorité  légale pour rendre les leaders politiques et militaires Israéliens  criminellement responsables de crimes de guerre et de crimes contre  l’humanité.
Tzipi Livni, l’actuelle leader de l’opposition Kadima en  Israël, ministre des affaires étrangères pendant les attaques de Gaza, a  annulé une visite en Grande-Bretagne après qu’elle ait appris qu’un  mandat d’arrestation à son arrivée avait été délivré. Même si l’impunité  israélienne n’est pas abolie, la valeur reconnue du rapport Goldstone  donne du poids aux appels autour du monde pour rompre les relations  normales avec Israël en boycottant ses activités culturelles et  universitaires, en disloquant les relations commerciales par des actions  de désinvestissement ou en refusant de charger et de décharger les  bateaux et les avions transportant du fret vers et depuis Israël, et en  faisant pression sur les gouvernements pour imposer des sanctions  économiques.
L’inspiration historique de cette guerre de légitimité  est la campagne anti-apartheid menée avec tant de succès contre le  régime raciste d’Afrique du Sud. Il ne fait aucun doute que la  motivation politique des Palestiniens pour concentrer leurs énergies  dans une guerre de la légitimité provient de plusieurs causes :  désillusion sur les efforts de l’ONU et des États-Unis pour trouver une  solution juste du conflit ; réalisation que la résistance armée ne peut  pas produire une victoire palestinienne et donne des atouts à la  tactique de diversion israélienne qui fait du « terrorisme » la question  centrale ; perception de la colère mondiale contre Israël et de la  sympathie pour les Palestiniens après les événements du Liban et de  Gaza, qui affaiblit graduellement la déférence européenne et  nord-américaine à Israël due à la victimisation juive lors du Génocide ;  et impression montante que les communautés palestiniennes de la  diaspora et leurs alliés pourraient entrer dans la lutte si sa nature  essentielle était celle d’une guerre de la légitimité.
Des groupes israéliens, officiels ou non, ont admis  récemment la menace posée à leur grande stratégie d’expansionnisme  colonial par ce recours des Palestiniens à une guerre de la légitimité.  Les think-tanks israéliens ont décrit « le mouvement de justice  mondiale » associé à ces tactiques comme une menace plus grande pour  Israël que la violence palestinienne, et ont même traité l’appui sur la  loi internationale de forme dangereuse de « guerre de la loi ». Le  gouvernement israélien et les organisations sionistes dans le monde se  sont lancées dans la bataille par un investissement massif dans des  activités de relations publiques qui incluent des efforts de propagande  pour discréditer ce qu’ils appellent parfois « l’approche de Durban ».  Comme pour les autres tactiques israéliennes, dans leur approche  défensive de cette guerre de légitimité, il n’y a pas d’autocritique  basée sur une évaluation des demandes palestiniennes essentielles selon  la loi internationale. Pour Israël, une guerre de légitimité n’est  qu’une affaire de relations publiques, pour proclamer sa vertu et son  innocence nationale et discréditer l’adversaire. Malgré l’énorme  avantage en moyens consacrés à cette campagne, Israël perd manifestement  la guerre de la légitimité.
Même si les Palestiniens gagnent la guerre de la  légitimité, c’est sans garantie que cette victoire produira les effets  politiques désirés. Il faut aux Palestiniens de la patience, de la  résolution, un leadership et une vision, ainsi qu’une pression  suffisante pour forcer à un changement de fond en Israël, et  probablement aussi à Washington. Dans le cas présent, ceci semble  requérir une disposition israélienne à abandonner le projet sioniste  central d’établissement d’un État juif, et ceci ne semble pas  vraisemblable dans la perspective actuelle. Mais les buts d’une guerre  de légitimité semblent toujours inaccessibles jusqu’à ce qu’ils se  réalisent mystérieusement par la capitulation brutale et totalement  inattendue du côté perdant.
Jusqu’à son effondrement, le côté perdant prétend être  immuable et invincible, une affirmation renforcée habituellement par sa  domination policière et militaire. C’est ce qui s’est passé en Union  soviétique et en Afrique du Sud, auparavant avec la domination militaire  française en Indochine et en Algérie, et des États-Unis au Vietnam.
C’est à nous tous, engagés pour la paix et la justice,  de faire tout ce que nous pouvons pour aider les Palestiniens à  l’emporter dans la guerre de la légitimité et à mettre fin à leurs  longues épreuves.
* Richard Falk est  professeur émérite de droit international à l’université Princeton et  auteur de « Crimes of War : Iraq and The Costs of War : International  Law, the UN and World Order after Iraq ». Il est aussi actuellement  rapporteur pour la Palestine de l’ONU.
                5 avril 2010 - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://www.redress.cc/palestine/rfa...
Traduction de l’anglais : Jean-Pierre Bouché
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8492
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