Shir Hever
L’acceptation d’Israël dans l’OCDE serait  une grave erreur. Elle récompenserait les violations du droit  international, alimenterait l’extrême droite qui monte dans les pays  développés, et ferait de tous les pays de l’OCDE des complices de  l’occupation illégale israélienne.
L’adhésion à l’organisation  de coopération et de développement économiques (OCDE), qui comprend 30  des pays les plus développés du monde, n’apporte ni argent ni avantages  économiques particuliers. Néanmoins, il n’est pas difficile de voir  pourquoi le gouvernement israélien accorde tant d’importance à ce  qu’Israël en devienne membre. Pour Israël, l’adhésion à l’OCDE  signifierait une victoire en légitimité, et un revers magistral pour le  mouvement mondial qui appelle à tenir Israël responsable de ses crimes  contre le peuple palestinien. Seuls, des pays démocratiques sont  autorisés à rejoindre l’OCDE. Avec 35% de la population sous le contrôle  ou la souveraineté d’Israël qui sont privés des droits électoraux, qui  se voient refuser les droits humains et civils fondamentaux et qui ont  été à plusieurs reprises agressés par l’armée israélienne, il devient de  plus en plus difficile pour Israël de se présenter comme une  démocratie.
Ce qui est moins évident, c’est pourquoi les pays  membres voudraient intégrer Israël dans l’OCDE. L’adhésion d’Israël  serait une approbation de la politique israélienne, et ainsi entamerait  le prestige de l’organisation tout en sapant les efforts de ces mêmes  pays pour réaliser la paix au Moyen-Orient. L’OCDE inviterait le monde à  regarder comment il préfère ignorer les crimes d’Israël sauf pour les  récompenser. Cela ne servirait pas moins qu’à alimenter l’argumentation  des extrémistes qui prétendent que ce n’est que par la violence que les  droits des Palestiniens sous occupation peuvent être protégés.
Bizarrement cependant, l’OCDE semble déployer plus  d’efforts qu’Israël lui-même pour faciliter son acceptation, laquelle  devrait avoir lieu en mai. Israël a refusé de se plier à l’exigence de  l’OCDE de lui fournir les données statistiques pour les seules parties  du territoire d’Israël qui sont internationalement reconnues, ce qui  exclut les implantations coloniales illégales sur le plateau du Golan  syrien et dans les Territoires palestiniens occupés (TPO). Et pourtant,  malgré le refus d’Israël, le comité des statistiques de l’OCDE agit pour  trouver le moyen d’accepter quand même Israël.
Selon le rapport divulgué, Adhésion d’Israël à  l’organisation : projet d’avis formels du Comité des statistiques (pdf),  le comité propose d’accepter Israël sur la base des statistiques  actuellement remises qui incluent les citoyens israéliens dans les TPO.  Cependant, il requiert d’Israël de fournir des données statistiques plus  détaillées pour permettre à l’OCDE de procéder à ses propres calculs  afin de séparer les données des TPO de celles d’Israël. Sauf qu’Israël  s’engage à fournir ces données qu’après être devenu membre de  l’organisation. Et qu’aussitôt qu’Israël en sera membre, il aura droit  de veto sur cette même décision, ce qui rend son engagement totalement  vide de sens.
Il faut noter qu’en agissant ainsi, l’OCDE fait sienne  la démarche israélienne - une démarche qui élimine les Palestiniens et  entérine la souveraineté d’Israël sur les TPO, et se concentre seulement  sur les citoyens israéliens. Cette approche revient à reconnaître  l’occupation illégale israélienne, elle heurte de front le droit  international et la politique étrangère de pratiquement tous les pays de  l’OCDE.
Il faut indiquer aussi que les décisions de l’OCDE sont  prises par consensus. Il suffit donc qu’un pays de l’OCDE s’oppose à  l’entrée d’Israël dans l’organisation pour bloquer le processus.  Jusqu’ici, pas un seul pays de l’OCDE n’a exprimé son intention de voter  contre l’intégration d’Israël dans l’organisation.
La raison en est double. D’abord, il existe la crainte  habituelle pour tout pays (spécialement un pays européen) qui  exprimerait son refus de l’adhésion d’Israël à l’OCDE de se voir accusé  d’antisémitisme. Israël bénéficie du soutien inébranlable des  Etats-Unis, et peu de personnalités politiques européennes ont le  courage de prendre une position conforme à la morale contre Washington  ou Israël.
Ensuite, les partis de droite dans le monde voient  Israël comme La Mecque de la politique anti-immigration, de  l’islamophobie et de la « guerre contre le terrorisme ». A chaque fois  qu’Israël fait un pas de plus dans ses violations des droits humains et  nationaux des Palestiniens, les partis de droite s’enhardissent pour  approfondir leur propre politique de haine envers les immigrés. Si  Israël organise des assassinats extrajudiciaires, pourquoi les autres  pays ne seraient-ils pas autorisés à faire de même ? Si Israël installe  des dispositifs de surveillance qui attentent à la vie privée de ses  citoyens, qu’est-ce qui empêcherait les autres pays d’en faire autant ?  Légitimer Israël en souhaitant et en facilitant son accession à l’OCDE  est par conséquent un moyen pour légitimer les dispositions extrêmes  défendues par les partis de droite en Europe, lesquels sont impatients  d’en finir avec les mécanismes démocratiques et les droits humains des  minorités, au nom du nationalisme et de la « sécurité ».
Le droit européen interdit clairement aux pays européens  de reconnaître l’occupation israélienne des territoires palestiniens,  comme cela fut affirmé par le Tribunal Russel (8 mars). Pourtant, en  autorisant Israël à adhérer à l’OCDE, c’est exactement ce qu’ils feront.  Les membres de l’OCDE accepteront sciemment Israël en se basant sur des  statistiques trompeuses fournies par lui - des statistiques qui  dissimulent l’occupation - tout en traitant simultanément l’occupation  comme un fait permanent.
L’acceptation d’Israël dans l’OCDE serait une grave  erreur. Elle récompenserait les violations du droit international,  alimenterait l’extrême droite qui monte dans les pays développés, et  ferait de tous les pays de l’OCDE des complices de l’occupation illégale  israélienne.
L’auteur est un économiste du  Centre d’information alternative (AIC)
publié le 25 mars 2010 par AIC etThe Electronic Intifada et en  français par Info Palestine le mardi 30 mars 2010
traduction : JPP