Jeff Halper
The Palestine Telegraph
The Palestine Telegraph
          Israël s’est fixé une stratégie pour modifier le droit  international, de sorte que les acteurs autres que les Etats et les  populations civiles qui les soutiennent ne puissent plus, notamment,  prétendre à la protection des armées d’invasion, et pour saper deux  principes fondamentaux du droit international : le principe de  distinction et le principe de proportionnalité.         
          Se donner les moyens de poursuivre  « la guerre asymétrique » contre les peuples qui résistent, se livrer au  pillage de leurs ressources, sans être encombré par le droit.
Depuis qu’Ariel Sharon a été inculpé par un tribunal  belge en 2001 pour son implication dans les massacres de Sabra et de  Chatila, et qu’Israël est confronté à des accusations de crimes de  guerre après son invasion des villes de Cisjordanie en 2002 - qui fit un  nombre élevé de victimes civiles (quelque 500 personnes tuées, 1 500  blessées, et plus de 4 000 arrêtées), des centaines de maisons démolies  et détruisit totalement l’infrastructure urbaine -, Israël s’est fixé  une stratégie audacieuse et agressive pour modifier le droit  international, de sorte que les acteurs autres que les Etats, pris dans  un conflit avec des Etats et considérés par les Etats comme des acteurs  « non légitimes » (des « terroristes », des « insurgés » et des  « acteurs non étatiques », comme les populations civiles qui les  soutiennent) ne puissent plus prétendre à la protection des armées  d’invasion. L’urgence de cette campagne s’est trouvée accrue par une  série de revers notables qu’Israël a subis par la suite aux  Nations-Unies.
En 2004, à la requête de l’Assemblée générale, la Cour  internationale de Justice de La Haye a jugé que la construction du mur  par Israël à l’intérieur du territoire palestinien était « contraire au droit international » et qu’il fallait le  démanteler - un avis adopté à la quasi unanimité par l’Assemblée  générale ; seuls, Israël, les Etats-Unis, l’Australie et quelques atolls  du Pacifique l’ont contesté. En 2006, la commission d’enquête de l’ONU a  conclu à « une tendance significative des Forces de  défense israéliennes (FDI) à se servir de façon indiscriminée et  disproportionnée de la force contre les civils libanais et leurs biens  civils, sans faire de distinction entre civils et combattants, et entre  biens civils et cibles militaires. » Les critiques sévères du  rapport Goldstone des Nations-Unies sur Gaza accusant le gouvernement et  les militaires israéliens d’avoir, une fois encore, ciblé des civils  palestiniens et provoqué des destructions disproportionnées, ont rendu  cette campagne encore plus urgente.
Israël veut se dégager du droit  international actuel
Heureusement, cela sera difficile. Par son impact, la  théorie d’une guerre juste, à laquelle aspire le droit international  humanitaire (DIH), vise à limiter la guerre et, en particulier, à en  réglementer la conduite et la portée. Les guerres entre Etats ne doivent  jamais être des guerres totales entre nations ou populations. Quoi  qu’il arrive aux deux armées en cause, quels que soient la victorieuse  ou la vaincue, la nature des combats ou le nombre de victimes, les deux  nations ou les deux populations doivent à la fin de la guerre être des  communautés toujours en fonctionnement. La guerre ne peut être une  guerre d’extermination ou de nettoyage ethnique. Et ce qui est vrai pour  les Etats l’est autant pour les organismes politiques assimilables à  des Etats comme le Hamas et le Hezbollah, qu’ils pratiquent le  terrorisme ou non. Les populations qu’ils représentent, ou dont ils  revendiquent la représentation, sont des peuples comme les autres  (Margalit et Walzer, 2009).
Protéger les vies, les biens et les droits humains des  civils pris dans une guerre, contre la puissance et l’impunité des  Etats, est particulièrement à l’ordre du jour à notre époque où, comme  nous le dit le général britannique Rupert Smith (2005), la guerre  moderne glisse très vite de sa forme conventionnelle entre Etats vers ce  qu’il appelle un « nouveau paradigme » - « une guerre parmi la population » - où « nous  combattons au milieu de la population et non sur un champ de bataille ».  L’expression plus en vogue utilisée par les militaires de « guerre  asymétrique » est sans doute plus juste et plus révélatrice, car elle  souligne la différence immense existant entre la puissance des Etats et  de leurs armées, et la faiblesse relative des forces non étatiques  auxquelles ils se confrontent.
Aujourd’hui, la question d’adapter les lois et les  approches éthiques, nées de la guerre traditionnelle entre Etats, aux  nouvelles formes de « guerre asymétrique » se pose comme une entreprise  légitime et vitale. Comme l’indique le juge Richard Goldstone dans le  rapport de la Commission d’enquête des Nations-Unies sur le conflit de  Gaza (2009:5), « La Commission a interprété (son) mandat  comme une demande pour qu’elle mette la population civile de la région  au coeur de ses préoccupations en ce qui concerne les violations du  droit international.  » Deux questions préoccupantes de première  importance se posent ici : la protection de tous les non-combattants qui  se trouvent pris dans un conflit armé, que les belligérants soient des  Etats ou non, et le niveau auquel les acteurs autres que les Etats  doivent être tenus responsables au regard du DIH, quelle que soit la  justesse de leur cause. Le rapport Goldstone, reconnaissant les limites  dans lesquelles les acteurs non-Etats opèrent, évoque donc aussi  l’obligation pour les groupes armés palestiniens « de  faire preuve d’attention et de prendre toutes les précautions possibles  pour protéger la population civile à Gaza des risques inhérents aux  opérations militaires ».
Le sens commun et la justice s’opposent à toute symétrie  dans les responsabilités entre des armées puissamment équipées et  coordonnées, soutenues par un Etat et capables de mettre en mouvement  des forces énormes pour exercer un contrôle actif sur un territoire et  son peuple (en l’espèce, Israël sur les Territoires palestiniens  occupés) et la faiblesse militaire, les contraintes financières et les  difficultés fondamentales des acteurs non-Etats qui résistent à  l’oppression, s’agissant des responsabilités concernant la protection de  leur peuple et la formation d’un « champ de bataille » neutre, séparé  des populations civiles (comme dans le cas des Palestiniens).
Néanmoins, même la symétrie simplement insinuée  introduite par la Commission Goldstone, où les acteurs non-Etats  détiennent une légitimité en tant que « partie », est inacceptable pour  les dirigeants politiques et militaires israéliens. Et ceci, alors qu’en  1960 la déclaration de l’Assemblée générale de l’ONU relative à  l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples colonisés a approuvé  le droit de ces peuples à l’autodétermination et, par extension, leur  droit à résister à « l’assujettissement, la domination  et l’exploitation étrangers » - une fois encore, avec les  obligations énoncées par le rapport Goldstone. Pas plus que l’idée que  les Etats et leurs armées doivent être astreints de façon significative,  dans leurs actions militaires, au respect du DIH n’est acceptable pour  les décideurs israéliens, politiques et militaires. Ils cherchent donc à  modifier le droit international dans un sens qui leur permette - et par  extension, également aux autres Etats impliqués dans les « guerres  contre le terrorisme » - de poursuivre efficacement leur guerre au  milieu de la population, tout en supprimant la légitimité et les  protections dont jouissent leurs ennemis non-Etats.
Pour mener la campagne contre le  droit : un professeur d’éthique
Cette campagne est conduite par deux personnalités  israéliennes : Asa Kasher, professeur de philosophie et d’ « éthique  pratique » à l’université de Tel Aviv, auteur du Code de conduite de  l’armée israélienne, et le général Amos Yadlin, ancien directeur du  Collège de la Défense nationale des FDI - sous les auspices duquel  Kasher et son « équipe » élaborèrent ce Code de conduite - et  aujourd’hui chef des Renseignements militaires. Et, Kasher l’affirme  avec force, il est tout à fait opportun et compréhensible que les  Israéliens suivent ce code.
« La question décisive, dit-il, est la  façon dont les pays évolués se conduisent. Nous, en Israël, nous avons  une position clé pour faire évoluer le droit dans ce domaine parce que  nous sommes en premières lignes dans le combat contre le terrorisme.  Cela est reconnu petit à petit, tant dans le système juridique israélien  qu’à l’étranger. Après le débat devant la Haute Cour de justice sur la  question des exécutions ciblées, il n’y eut nul besoin de revoir le  document (sur l’étique du combat contre le terrorisme) que Yadlin et  moi-même avions élaboré, pas même une virgule. Ce à quoi nous oeuvrons  actuellement, c’est à une ébauche du droit. Il y a des idées qui ne sont  seulement juridiques mais qui comportent aussi de forts éléments  d’éthique...
« Les Conventions de Genève se fondent  sur des centaines d’années de traditions en matières de règles justes de  combat. Ces règles sont adaptées aux guerres classiques, où une armée  combat une autre armée. Mais à notre époque, tout ce qui a trait aux  règles pour un combat juste se trouve mis de côté. Des efforts sont en  cours au niveau international pour revoir les règles afin de les adapter  à la guerre contre le terrorisme. Avec ces nouvelles dispositions, on  fait toujours la distinction entre ceux qui peuvent et ceux qui ne  peuvent pas être atteints, mais pas dans l’approche directe qui existait  dans le passé. Le concept de proportionnalité a également été changé »  (cité dans Ha’aretz du 6 février 2009)...
« Le droit international coutumier s’est  construit à travers tout un processus historique. Si ce sont des Etats  qui sont impliqués dans un certain type d’activités militaires contre  d’autres Etats, milices, et autres, et si tous agissent d’une façon  relativement similaire les uns envers les autres, alors il y a une  chance pour que cela devienne du droit international coutumier... Je ne  suis pas optimiste au point de croire que le monde va bientôt choisir la  voie ouverte par Israël pour l’évolution du droit international  coutumier. Mon espoir est que notre doctrine, à quelque modification  près, soit intégrée dans le droit international coutumier afin de  réglementer la guerre et d’en limiter les victimes » (Kashe’r,  2009 : 7)...
Principe de distinction et principe  de proportionnalité
Dans leur offensive contre les protections accordées par  le DIH aux acteurs non étatiques et aux populations qui les  soutiennent, Kasher et Yadlin s’attaquent à deux grands principes  fondamentaux du DIH : le principe de distinction et le principe de  proportionnalité.
Le principe de distinction, inclus dans la Quatrième Convention de Genève de 1949 et ses deux  Protocoles additionnels de 1977, fixe des règles absolues : les civils  ne peuvent être pris pour cibles par des armées et, au contraire, ils  doivent être protégés. L’article 3 de la Quatrième Convention de Genève  stipule que : « Les personnes qui ne participent pas  directement aux hostilités... seront, en toutes circonstances, traitées  avec humanité... A cet effet, sont et demeurent prohibées, en tout temps  et en tout lieu, à l’égard des personnes mentionnées ci-dessus : les  atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle... les atteintes à  la dignité des personnes. »
Le principe de proportionnalité, inclus dans les  protocoles de 1977 de la Quatrième Convention de Genève (dont ni les  Etats-Unis ni Israël sont signataires mais qui, néanmoins et vu le droit  coutumier, les engage), considère comme un crime de guerre le fait  d’attaquer intentionnellement un objectif militaire tout en sachant que  les victimes civiles collatérales seront manifestement excessives par  rapport à l’avantage militaire attendu. « La présence au  sein de la population civile de personnes isolées ne répondant pas à la  définition de personne civile, » stipule le Protocole 1 en son  article 50-3, « ne prive pas cette population de sa  qualité. »
Ebranler ces principes est par conséquent une clé pour  ce que Kasher et Yadllin (2005) poussent en avant comme une « nouvelle doctrine de l’éthique militaire ». Celle-ci se  fonde sur un privilège des Etats en conflit avec des acteurs autres que  des Etats et leur donne autorité pour juger qui est un adversaire  « terroriste », terme dépourvu de toute définition consensuelle dans le  DIH et qui ôte évidemment toute légitimité aux acteurs non étatiques  ainsi qualifiés.  Effectivement, la « juste doctrine de  guerre contre le terrorisme » de Kasher et Yadlin repose sur une  définition tendancieuse du « terrorisme », taillée sur mesure pour  légitimer la politique et les actions d’un Etat. Nous définissons « l’acte de terrorisme » écrivent-ils (2005:2) « comme un acte perpétré par des individus ou des  organisations, mais pas au nom d’un Etat, dans le but de tuer ou blesser  d’autres personnes, dans la mesure où celles-ci sont membres d’une  population particulière, pour insuffler la peur parmi les membres de  cette population - de la terroriser - afin de l’amener à modifier la  nature de son régime, ou de son gouvernement, ou de la politique suivie  par ses institutions, pour des motifs politiques ou idéologiques - et  notamment religieux ».
En définissant le terrorisme comme « un acte » exécuté  par un individu ou une organisation, Kasher et Yadlin sortent les luttes  prolongées des acteurs non-Etats de leur contexte et les dépolitise,  notamment celles de tous les peuples opprimés par des régimes d’Etat (et  d’entreprise). Même s’ils admettent une certaine légitimité à une  « guerre de guérilla », en ramenant le combat populaire à une série  d’actes distincts, ils donnent la possibilité de qualifier un mouvement  de résistance dans son ensemble de « terroriste » uniquement sur la base  d’un acte en particulier, ou plus, sans égard à la situation ou à la  justesse de la cause de ce mouvement. Une fois acquis, il est facile de  criminaliser la résistance d’un non-Etat, puisque le terrorisme, selon  les termes de Kasher, est « complètement immoral ».  Quand, par exemple, les Palestiniens ou le Hezbollah attaquent des  soldats israéliens en service actif, Kasher considère ces actes comme un  « enlèvement » et non comme une « capture ».
Ce langage et cette approche ont également pour effet de  privilégier les acteurs Etats, car ils laissent entendre que les  actions d’un Etat sont par définition légitimes et pas « totalement  immorales ». Même quand un pays est accusé de crimes de guerre, il est  souvent en mesure de justifier ses actes par une « nécessité  militaire ». Il est extrêmement difficile de vraiment sanctionner ou  punir un pays pour crimes de guerre même quand ceux-ci sont considérés  avoir été commis, et même quand ils ont vraiment été commis, la  signification de « crime de guerre » étant différente de celle appliquée  au type de criminalisation pour les acteurs non-Etats. Les Etats  peuvent être sanctionnés mais leur légitimité existentielle ne leur est  pas retirée. L’Allemagne a été jugée coupable de crimes de guerre  épouvantables pendant la période nazie, et elle en a subi certaines  conséquences, mais cela ne l’a pas empêchée de rejoindre la communauté  internationale aussitôt après la guerre. Ainsi Kasher et Yadlin  qualifient un acte, d’acte de terrorisme, à partir de son « objectif »  de terroriser une population précise, sans le moins du monde penser à  appliquer ce même principe à la politique d’Israël lui-même et à ses  actions au cours de son occupation de 42 ans, et ce, malgré une  documentation complète sur cette mise en place du terrorisme.
Désigner les « terroristes »
Combien est évidente cette utilisation tendancieuse et  intéressée de l’idée de « terrorisme » quand Israël déclare que les  Gardes de la révolution iranienne est une « organisation terroriste »,  alors que, en tant qu’agents de l’Etat, ils n’entrent pas dans la  dichotomie Etat/non-Etat de Kasher et Yadlin.
Comment alors empêcher la communauté internationale de  qualifier les Forces de défenses israéliennes et les diverses agences  clandestines, comme le Mossad ou le Shin Beit (Services généraux de  sécurité), d’ « organisations terroristes » ? Le rapport Goldstone  lui-même conclut que l’offensive d’Israël contre la bande de Gaza durant  l’opération Plomb durci est une « attaque  sciemment disproportionnée conçue pour punir, humilier et terroriser  une population civile. » Conscients de cette contradiction, Kasher  et Yadlin prennent soin d’ajouter cette mise en garde : ils définissent  un acte de terrorisme comme un acte qui « n’est pas  commis au nom d’un Etat ».
Après avoir délégitimé les « actes de  terrorisme non commis par des Etats », Kasher et Yadlin poursuivent  alors par la légitimation des actions des Etats, telles que celles  engagées par Israël contre le Hezbollah, le Hamas, c’est-à-dire en  réalité contre toute la résistance palestinienne, en invoquant encore  une fois la « légitime défense », revendication que, selon la théorie de  la Juste Guerre et l’article 51 de la Charte des Nations-Unies, seul un  Etat peut opposer.
Cela faisant, ils commencent le récit des faits qui ont  conduit à l’attaque contre Gaza par les actes de l’organisation  « terroriste », et d’elle seule : lancer des roquettes sur la ville de  Sderot et ses environs. Rien sur le fait que la vaste majorité des  Gazaouis sont des réfugiés de 1948, privés de leur droit au retour et  spoliés de leurs biens et actifs. Rien sur l’occupation depuis 1967 et  sur le sous-développement recherché de l’économie de Gaza ; rien sur  l’exclusion depuis 1989 des travailleurs gazaouis du marché du travail  en Israël jusqu’à ce qu’ils soient devenus dépendants et ainsi conduits à  l’appauvrissement ; rien sur les années de colonisation où 7 000  Israéliens toisaient un million et demi de Palestiniens qui le payèrent  cher en vies humaines et en moyens de subsistance ; rien sur le siège  illégalement imposé depuis 2006 ni sur la façon dont la bande de Gaza  est devenue la plus grande prison à ciel ouvert du monde ; rien sur le  fait que, jusqu’à aujourd’hui, la plus grande partie du territoire de  Gaza - et de sa mer - est interdite aux agriculteurs et aux pêcheurs  palestiniens ; rien sur cette réalité que les Gazouis vivent au milieu  de la boue et des eaux usées parce qu’Israël a détruit massivement leur  infrastructure ; rien sur la vie gâchée des jeunes ; rien sur le respect  par le Hamas, pendant 18 mois, du cessez-le-feu qu’il était même prêt à  prolonger, jusqu’à ce qu’Israël le rompe le 4 novembre 2008, provoquant  les attaques de roquettes. Rien, en somme, sur ce qui pourrait amener à  se poser cette question : l’agression contre Gaza était-elle  véritablement un acte de légitime défense ?
De fait, le processus de dé-contextualisation est un  préalable à l’éthique que propose Kasher au niveau international comme  base de moralité, du droit, de la pratique politique et de la guerre.  Plutôt que de prendre en compte les quatre décennies et plus  d’occupation de Gaza et de la Cisjordanie, où l’on pourrait considérer  que la puissance occupante a au moins un minimum de responsabilité dans  ce qui s’y passe, Kasher préfère baser toute sa justification morale sur  ce qu’Israël a fait au fil des années selon un principe désincarné de  « double effet » selon lequel, « lorsque nous visons un  objectif en lui-même moralement justifié, il est tout autant moralement  justifié de l’atteindre, même si cela peut conduire à des conséquences  non souhaitées - à la condition que ces conséquences soient inévitables  et involontaires et qu’un effort ait été fait pour minimiser leurs  effets négatifs. » Comme si maintenir une occupation belligérante  pendant près d’un demi-siècle était inévitable et involontaire, et  qu’Israël ait pris effectivement des mesures pour en minimiser ses  effets négatifs !
De nouvelles règles pour le  contre-terrorisme
Ceci, en fait, instaure une hiérarchie dans les  priorités - les « obligations » pour les Etats - qui inverse  complètement le droit international humanitaire. Le principe de  distinction ne peut être respecté, soutiennent Kasher et Yadlin, parce  que « les terroristes ne respectent pas les règles ».  Il faut au minimum une « mise à jour fondamentale du  concept de guerre ». « Alors que nous en étions à  rechercher comment formuler la façon de combattre le terrorisme, »  écrit Yadlin (2004), « nous avons compris que nous nous  trouvions devant un genre différent de guerre, où les lois et l’éthique  de la guerre conventionnelle ne s’appliquaient pas. Cela n’entraîne pas  seulement une asymétrie avec les chars... la principale asymétrie se  trouve dans les valeurs des deux sociétés impliquées dans le conflit,  dans les règles auxquelles elles obéissent...
« Un nouveau modèle de guerre - le  contre-terrorisme - requiert un nouvel ensemble de règles sur la façon  de se battre. L’autre côté se bat en dehors des règles et il nous faut  donc instaurer de nouvelles règles dans le droit international pour les  conflits armés. Le devoir de l’Etat est de défendre ses citoyens. A  chaque instant, un terroriste s’échappe parce qu’on se préoccupe des  dommages collatéraux, nous pourrions en arriver à faillir à notre devoir  de protéger nos citoyens. Nous cherchons des alternatives pour ne pas  provoquer de dommages collatéraux, ou le moins possible, mais notre  obligation première est de défendre nos citoyens... »
Ainsi, selon Kasher, dans une zone telle que la bande de  Gaza sur laquelle les FDI n’ont aucun contrôle effectif, l’obligation  de faire la distinction entre terroristes et non-combattants ne  reposerait pas sur les épaules (d’Israël) puisqu’il n’y est pas le  véritable décideur. Donc, les chefs militaires doivent donner la  première importance à la réalisation de leurs objectifs militaires,  puisque c’est de ceux-ci que dépend leur « légitime défense ».
Puis, vient en priorité la protection de la vie des  soldats - en effet, Kasher et Yadlin définissent les soldats comme « des civils en uniforme », passant sous silence le  principe que le devoir d’un Etat est de protéger ses citoyens en  déployant des combattants entraînés et armés, ayant juré de poursuivre  les objectifs militaires de l’Etat. Ce n’est qu’alors que l’armée doit  se soucier d’éviter de blesser des non-combattants civils. « Envoyer un soldat (à Gaza) se battre contre le terrorisme  est justifié, » écrit Kasher, « mais pourquoi  devrais-je l’obliger à prendre de risques supplémentaires pour épargner  celui qui se trouve à côté du terroriste ? » demande Kasher. « Du point de vue de l’Etat d’Israël, cette personne est  beaucoup moins importante.  J’ai plus de devoir à l’égard du soldat.  S’il faut choisir entre le soldat et celui qui est près du terroriste,  la priorité va au soldat. N’importe quel pays en ferait autant. »
A suivre
                Jérusalem, le 22 février 2010 - The Palestine Telegraph - Sous-titrage et  traduction : JPP