publié le              mercredi 24 février 2010            
Michel Warschawski
Michel Warschawski
L’isolement croissant d’Israël à  l’intérieur de la communauté internationale est une réalité, même si  souvent cette réalité est cachée.
L’Institut Reut est un groupe  de réflexion israélien semi-officiel qui traite tant de la sécurité que  des questions socio-économiques, et fournit des rapports au  gouvernement. Certains de ces rapports touchent à des questions bien  connues et presque évidentes dont tout lecteur de la presse est averti.  C’est le cas de son dernier rapport sur « L’érosion de la légitimité  d’Israël dans l’arène internationale ».
« Israël fait face actuellement à une offensive  spectaculaire contre la légitimité même de son existence en tant qu’Etat  juif et démocratique », indique le rapport. Les chercheurs de  l’institut ont même réussi à identifier l’élément déclencheur de cette  nouvelle vague de délégitimisation : « l’opération Plomb durci à Gaza ».   Quelle perspicacité !
« Le but (de la campagne) est d’isoler Israël sur le  plan international et, en fin de compte, d’en faire un Etat paria en  diabolisant le pays, en promouvant une campagne de boycott, de  désinvestissement et de sanctions (BDS), et en engageant un combat  juridique contre l’Etat et ses citoyens ».
BDS constitue la préoccupation centrale du rapport de  l’Institut Reut :
« Les tentatives de diabolisation d’Israël fournissent  la plate-forme idéologique et rhétorique pour amener la politique de BDS  sur le terrain de l’université, de l’économie, de la culture, du sport  et de la sécurité.
« Bien que le mouvement BDS ait pénétré plusieurs  universités, syndicats et groupes confessionnels, il n’a jusqu’à  maintenant connu que des succès concrets limités. Toutefois, des actions  ont parfaitement réussi à populariser et à mobiliser un activisme  anti-Israël qui regroupe efficacement des antisionistes et des  contestataires de la politique israélienne spécifique.
« Le risque qui pèse, c’est qu’une telle campagne  instaurera une équivalence entre Israël et l’Afrique du Sud de l’époque  de l’apartheid qui pénètrera le courant dominant de la conscience  collective publique et politique. Compte tenu de la dépendance d’Israël  pour un commerce énergique, ainsi que de ses engagements scientifiques,  universitaires et technologiques avec d’autres pays, ce mouvement  tendant à l’isolement du pays peut constituer une menace stratégique. »
Ce qui n’a pas échappé aux chercheurs de l’Institut  Reut, c’est qu’en effet l’Afrique du Sud est une sorte de modèle, et que  la campagne BDS s’est inspirée de façon irrévocable de la campagne de  boycott contre l’apartheid d’Afrique du Sud. Oui, « faire, en fin de  compte, (d’Israël) un Etat paria », jusqu’à ce qu’il agisse en  conformité avec le droit international et remplisse totalement ses  engagements envers les conventions internationales, telles les  Conventions de Genève. Ce n’est pas implicite mais une stratégie ouverte  et cohérente, touchant au domaine politique comme aux domaines  économique, culturel, éducatif, sportif et commercial.
S’agit-il d’une « menace stratégique » comme semble le  penser l’Institut Reut ? Pas encore : si la campagne BDS gagne  progressivement le soutien de la société civile mondiale, elle n’influe  pas sur la politique de la plupart des gouvernements, qui, à l’instar de  l’Union européenne, préfèrent convaincre et « exercer des pressions  tranquilles et amicales » plutôt que de pratiquer une stratégie de  sanctions. Même l’accord d’association entre Israël et l’Union  européenne n’a pas été suspendu, malgré le fait que l’Etat d’Israël  viole manifestement les termes mêmes de cet accord.
Le gouvernement israélien cependant ne devrait pas être  trop sûr de lui : plusieurs Etats européens ont, officieusement, fait  comprendre au mouvement de solidarité dans leurs pays respectifs que,  bien qu’ils ne puissent participer à la campagne, ils n’étaient pas pour  autant fâchés des initiatives de BDS. Même l’administration US n’est  pas satisfaite de la politique de refus de l’actuel gouvernement  israélien et de sa décision de passer outre la demande du Président  Obama en poursuivant ses activités de colonisation. L’isolement  croissant d’Israël à l’intérieur de la communauté internationale est une  réalité, même si souvent cette réalité est cachée. L’impertinence  agressive du ministre des Affaires étrangères,  Lieberman, et de son  adjoint, Danny Ayalon, envers la Turquie est symptomatique : depuis  plusieurs décennies, la Turquie est un allié stratégique d’Israël et  cette alliance est une pierre angulaire de la stratégie US au  Proche-Orient ; cette relation stratégique n’est pas seulement menacée  par cet aveuglement politique mais aussi, et cela suffirait, par la  création de beaucoup de soucis pour Washington et le fort désir US de se  débarrasser de l’actuel gouvernement.
La Maison-Blanche franchira-t-elle le pas entre une  relation « personnelle » inamicale et une pression politique réelle ?  Dans l’immédiat, sans doute que non. Mais à moyen terme, ce n’est pas  impossible. Il y a vingt ans, le Premier ministre israélien était  Yitzhak Shamir, qui s’était opposé aux exigences explicites des  Etats-Unis pour le gel de la colonisation. En moins d’un an, et par des  pressions financières, il s’était trouvé remplacé par Yitzhak Rabin qui a  accepté d’ouvrir des négociations avec l’OLP. Les intérêts stratégiques  US au Moyen-Orient (la guerre contre l’Iraq) sont plus forts que le  lobby israélien à Washington. Cela pourrait bien se renouveler, et dans  un avenir pas si lointain.
Publié par l’AIC le 19 février
traduction : JPP pour l’AFPS