Jonathan Cook
The National
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          « Ils se sont servis de moi pour attaquer, de  la manière la plus éhontée, les principes de base de la démocratie ».          
Des activistes de droite manifestent  contre le FNI pour son rôle reproché
dans le rapport Goldstone sur les crimes de guerre.
dans le rapport Goldstone sur les crimes de guerre.
(Gali Tibbon/AFP)
Le gouvernement israélien et ses partisans de droite ont  lancé une campagne McCarthiste contre les  organisations des droits de l’homme, accusées, selon leurs détracteurs,  d’avoir provoqué un déluge de critiques internationales après  l’agression israélienne de la bande de Gaza, il y a un an.
Marquant sa réaction violente grandissante à l’égard de  la communauté des droits de l’homme, le cabinet a approuvé un projet de  loi la semaine dernière qui, s’il était voté, ferait emprisonner les  principaux responsables des organisations pacifistes du pays qui ne  répondraient pas à de nouvelles conditions, plus sévères,  d’enregistrement.
Cette mesure répond aux revendications des lobbyistes de  droite, lesquels soutiennent que les défenseurs des droits de l’homme  ont fourni la plupart des preuves désastreuses sur les crimes de guerre  cités par le juge Richard Goldstone dans son rapport demandé par les  Nations-Unies sur l’opération Plomb durci d’Israël.
Les organisations des droits de l’homme qui reçoivent  des fonds de l’étranger, notamment de l’Union européenne, seront tenues  de se faire enregistrer en tant qu’instances politiques et de répondre à  de nouvelles exigences de « transparence ».
Le soutien populaire à cette mesure de répression  apparut dans un sondage publié la semaine dernière et qui révèle que 57%  des juifs israéliens pensent que les questions « de sécurité  nationale » doivent l’emporter sur les droits humains.
Parallèlement, des organisations de droite lancèrent une  campagne de diffamation contre Naomi Chazan, directrice d’un organisme  donateur juif américain, le Fonds pour le nouvel Israël  (FNI), qui achemine des fonds vers des groupes israéliens militant pour  la justice sociale. Le FNI est accusé de financer les organisations  israéliennes que Mr Goldstone a consultées pour son rapport.
Des affiches, sur des panneaux tout autour de Tel-Aviv  et de Jérusalem, ainsi qu’une campagne de propagande dans la presse,  montrent une caricature de Mme Chazan la représentant avec une corne  poussant sur son front, sous le titre « Naomi-Goldstone-Chazan ».
« Nous assistons à la disparition des  dernières libertés d’expression et d’organisation en Israël, » dit  Amal Jamal, responsable du secteur politique de l’université de  Tel-Aviv, et directeur de l’Ilam, une organisation pour les droits de la  presse qui sera touchée par la nouvelle législation. Le système  politique israélien, ajoute-t-il, se transforme en une « démocratie  totalitaire ».
Menant la charge contre les groupes des droits de  l’homme - la plupart officiellement présentés comme des organisations  « non gouvernementales » -, on trouve un groupe autoproclamé  « Watchdog » (chien de garde), connu pour sa surveillance des ONG. Ses  activités acquirent le soutien du gouvernement après la réprobation  internationale soulevée contre Israël après son agression contre Gaza.
Le projet de loi, approuvé par une commission  ministérielle la semaine dernière, est le fruit d’une conférence  organisée au parlement en décembre par Gerald Steinberg, directeur de la  surveillance des ONG et d’une organisation de soutien aux colons,  connue sous le nom d’Institut des stratégies sionistes.
Enseignant à l’université Bar Ilan, le professeur  Steinberg y a présenté un rapport devant les députés et les ministres  qui comparait chaque groupe pacifiste à un « cheval de Troie » et  proposait d’imposer des contraintes sur les financements de ces  organisations par les gouvernements européens et le FNI.
Dans une déclaration d’alors, le professeur Steinberg  accusait : « Depuis plus d’une décennie, les  gouvernements européens manipulent la politique israélienne et  promeuvent sa diabolisation en finançant un groupe restreint  d’organisations non gouvernementales favorisées. »
Il réservait ses principales critiques aux groupes qui  défendent la minorité arabe du pays et aux groupes juifs opposés à  l’occupation, accusant les uns et les autres de promouvoir une image  d’Israël en tant qu’Etat d’« apartheid » et auteur de « crimes de  guerre » et de « nettoyage ethnique ».
Selon son exposé, 16 ONG pacifistes israéliennes ont  reçu 8 millions de dollars US (29 millions de dirhams - Emirats arabes  unis) de financements européens au cours des trois années précédentes.
Des pressions s’exercèrent au sein du gouvernement pour  agir. Ce mois-ci, Yuli Edelstein, ministre des Affaires de la diaspora  et membre du Likoud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a  déclaré aux journalistes que le cabinet s’était «   intéressé un moment à un certain nombre de groupes, agissant sous  couverture ONG, qui étaient financés par des agents étrangers. »
L’un des députés qui avaient participé à la conférence  de décembre, Zeev Elkin, également du Likoud, a déposé le projet de loi.
Même si ce projet doit passer par un vote au parlement,  le soutien du gouvernement augmente considérablement ses chances de  succès.
En vertu de ce texte, les organisations pour les droits  de l’homme vont devoir satisfaire à une longue liste de conditions  nouvelles. Notamment : être enregistrées comme des instances  politiques ; soumettre les numéros de carte d’identité et les adresses  de tous les adhérents ; fournir des comptes détaillés de toutes les  donations reçues de l’étranger et leurs destinations ; et déclarer quel  soutien des pays étrangers à chaque fois qu’un adhérent fait un discours  ou que l’organisation organise une initiative.
Les hauts responsables des ONG qui ne répondraient pas à  ces exigences seront exposés à une année de prison.
Pour Hagai Elad, directeur de l’Association  pour les droits civils en Israël, le plus grand centre juridique  pour les droits humains du pays, il existe un « climat  politique très hostile » et l’agression contre les libertés se fait  par « un pas à la fois ».
 « Ce sont les méthodes classiques de  McCarthy, qui dépeignent nos organisations comme des ennemis de l’Etat  et qui laissent entendre que nous aidons le Hamas et les groupes  terroristes. »
Et il ajoute que les ONG sont déjà sérieusement  réglementées par la loi israélienne. « Ce qui me laisse  avec une question troublante : étant donné que nous sommes déjà  transparents, quel est la vraie motivation qui se cache derrière cette  législation ? ».
Happée en pleine campagne contre les ONG : Madame  Chazan, ancienne députée, tendance pacifiste.
Naomi Chazan, mise à la porte du  Jerusalem Post
Le Maariv, journal populiste, publia  le mois dernier l’article d’un groupe de droite appelé Im  Tirtzu, qui accuse Mme Chazan et le FNI d’avoir financé des  organisations des droits de l’homme responsables de 90% des critiques  contre Israël dans le rapport Goldstone qui proviennent des sources non  officielles.
Un contre-article la semaine dernière suggéra qu’en  réalité, ce n’était que 4% des citations qui provenaient des groupes  financés par le FNI, et que beaucoup n’étaient pas liées à l’opération  de Gaza.
Mais l’attaque portée contre Mme Chazan avait rapidement  gagné des points, avec des commentateurs qui la dénonçèrent dans les  médias et les affiches désobligeantes sur les panneaux qui apparurent à  travers tout le pays.
La campagne contre le FNI eut l’appui ce mois-ci d’une  pétition signée par une longue liste d’anciens généraux, dont Giora  Eiland, le précédent chef du Conseil de Sécurité nationale, et Doron  Almog qui avait encore récemment le commandement Sud de l’armée.
Mme Chazan a aussi été mise à la porte du Jerusalem Post, journal de droite, où elle travaillait  depuis 14 ans, et où elle était l’une de ses rares chroniqueuses  libérales, pendant qu’un article l’accusant de « servir  l’agenda de l’Iran et du Hamas » était distribué aux journalistes  étrangers par le bureau de presse du gouvernement.
Mme Chazan : « Ils se sont servis de moi  pour attaquer, de la manière la plus éhontée, les principes de base de  la démocratie ».
Le FNI a souligné que les bailleurs de fonds du groupe Im Tirtzu comprenaient les Chrétiens  unis pour Israël, un groupe dirigé par le pasteur John Hagee, celui  qui fit les gros titres lors de la course à la Présidence américaine en  2008, quand, dans un discours pour soutenir le candidat John McCain, il  déclara que « Hitler accomplissait la volonté de Dieu ».