Des familles fuient la montée des eaux - les équipes de secours sont sur la brèche – l’UNRWA déclare l’état d’urgence.
- Les eaux se sont répandues dans Gaza, aggravant encore les destructions infligées par l’agression israélienne de l’été dernier - Photo : MEE/Mohammed Asad
Ce n’est pas la première fois que Shadi Swerki est obligé de quitter sa maison touchée par l’inondation à al-Nafaq – une zone de basses-terres dans Gaza Ville qui est souvent la première à se trouver sous eau après de fortes chutes de pluies.
Il était minuit et Swerki n’a pas eu le choix : il a attrapé Amal, sa petite fille de 4 ans, et s’est mis à courir. Son épouse le suivait de près, portant leur fils Mohammed, 2 ans.
« Je n’ai pas le choix, nous ne pouvons lutter contre les eaux qui pénètrent dans nos maisons » » dit ce jeune père de 31 ans.
Aux premières heures de ce jeudi l’eau a déjà monté de 1,5 m et on attend encore de la pluie.
Les fortes averses ne permettent pas de rassembler beaucoup d’effets personnels : il faut partir en abandonnant vêtements et autres affaires dans la maison, tout en sachant que la plupart seront gâchés quand ils pourront rentrer. Tous les voisins sont eux aussi obligés d’évacuer rapidement en n’emportant qu’un strict minimum.
La scène n’est que trop familière. Ces départs en urgence, ils les ont vécus tant de fois cet été, pendant les 51 jours de l’agression israélienne. Une fois encore, on voit ces enfants qui pleurent, ces femmes et ces personnes âgées qui fuient dans les rues afin de trouver un abri – le spectacle est le même, que ce soit une fuite devant les eaux montantes ou les bombes israéliennes.
Les équipes de pompiers viennent assister à l’évacuation. Ils tentent d’aider les familles qui n’arrivent pas à quitter leur habitation assez vite. Mais tant de gens ont besoin d’aide et il y a peu d’équipements pour aider ceux qui sont en difficulté.
« Ma mère a dû fuir Shejayah pendant la guerre, mais maintenant c’est moi qui vais m’enfuir chez elle, pour avoir un abri » dit Swerki devant ses enfants qui tremblent de froid.
La section des pompiers a ordonné l’évacuation aux habitants d’al-Nafaq, mais beaucoup de gens n’ont nulle part où aller. Les écoles sont déjà pleines de familles à qui la guerre israélienne a fait perdre leur logement, tandis que les amis et les parents, qui ont déjà peu de place, abritent encore ceux qui ont été frappés le plus durement par la guerre.
Pour la plupart des familles déplacées du quartier d’al-Nafaq, la pluie vient de parachever ce que l’offensive n’avait pu accomplir : elle les déplace et les paralyse, les laissant sans rien sous le vent mordant de l’hiver.
C’est l’une des nuits les plus froides que Gaza a connues en cette fin d’année, mais hélas les météorologues prévoient le pire pour les prochains jours, en particulier pour les familles habitant les basses-terres.
En principe ceux qui habitent les étages inférieurs sont le plus touchés par les pluies, et c’est là que les pompiers de Gaza envoient la majorité de leurs effectifs pour évacuer ces familles en premier. Mais celles des étages supérieurs souffrent elles aussi.
Jusqu’à présent elles avaient été épargnées par les eaux mais là elles n’auront plus la possibilité de sortir pour aller s’approvisionner en eau potable et en alimentation avant le reflux des eaux.
Le service incendie a préparé ses embarcations pour circuler dans le quartier inondé, à la recherche de ceux qui auraient pu être piégés, mais leurs ressources sont limitées.
La municipalité n’est pas en mesure de mobiliser suffisamment de camions pour pomper les eaux dans la zone proche de la plage, ce qui veut dire que la situation va encore empirer avant que les choses aillent mieux.
Répercussions
La compagnie d’électricité a encore réduit le nombre d’heures – déjà rationné – de fourniture de courant. Les coupures visent à prévenir tous les problèmes publics liés à l’électrocution et à toutes autres répercussions possibles, mais elles entravent d’autant plus les efforts des secouristes et rendent encore plus difficile la vie de ceux qui sont piégés à l’intérieur.
Aux services des urgences de la Ville de Gaza, Sadeddin Al-Atbash a demandé à tous les commerçants d’évacuer leur magasin et leurs entreprises, craignant que des conteneurs à ordures et des eaux usées ne se répandent dans les rues et dans les quartiers avoisinants. Atbash a fait appel à tous les fonctionnaires palestiniens pour qu’ils interviennent et participent au nettoyage dans toute la bande e Gaza, mais les progrès ne seront pas rapides.
Les inondations sont un problème terrible à Gaza, car les autorités manquent d’équipement, d’expertise et de fonds pour s’attaquer correctement au problème. Le blocus israélien, qui dure depuis sept ans, n’a fait qu’exacerber une situation déjà affreuse car il a suspendu tous les biens vitaux pour un million huit cent mille personnes.
A ces énormes difficultés se sont ajoutées celles de la brutale agression estivale qui a causé des pertes évaluées à 5 milliards de dollars selon le Ministère du Logement et des Travaux Publics.
Mais les habitants de Gaza blâment également le gouvernement de consensus, responsable selon eux de la crise en général, et ils appellent le président Mahmoud Abbas et le Premier Ministre Rami Al-Hamdallah à agir rapidement. L’an dernier en décembre des milliers de familles gazaouies avaient été déplacées quand une vague de froid intense et des pluies torrentielles avaient inondé des quartiers entiers, y compris al-Nafaq, causant des dommages importants.
Le Gazaoui Mohammed El-Dalou, 62 ans, est un de ceux qui blâment le gouvernement, disant que ce dernier a ignoré les appels de la population l’an dernier. Selon Dalou, avant d’être au pouvoir le gouvernement d’union actuel aurait dû être au courant des besoins de Gaza et en faire une priorité. « Ceux dont les maisons ont été emportées, pas plus que ceux qui se sont noyés l’an dernier n’ont reçu aucune forme de compensation jusqu’à ce jour » dit-il. « On n’a même pas accordé de dommages pour tous les biens et toutes les marchandises perdus – et cette année les inondations vont être encore plus catastrophiques si nous n’obtenons pas une intervention immédiate. Nous sommes au seuil de l’hiver, et regardez ce qui se passe ! Imaginez quand il va pleuvoir plus fort les prochaines semaines ! » ajoute-t-il.
La crise n’est pas facile à résoudre. Ce sont des basses-terres et il est peu probable que des efforts autres qu’une planification urbaine massive puissent aider à mieux protéger la zone et à drainer l’excès d’eau. Et si al-Nafaq capte le plus d’attention, il y a d’autres parties de la bande de Gaza également inondées.
Actuellement des centaines de Palestiniens de Gaza Ville ont commencé à évacuer leur maison par crainte de nouvelles inondations. « Nous vivons d’une inondation à une guerre. La guerre et puis les inondations, alors on déménage, mais on est fatigués de se déplacer d’une inondation à une autre guerre » dit Swerki contemplant les destructions, quelques vêtements sur un bras et sa fille dans l’autre.
Avec des équipes de secours terriblement dépassées et des pluies ininterrompues, il n’y a plus vraiment le choix. Dans cette désolation un simple tuk-tuk, moto-scooter à trois roues, se fraie un passage pour apporter des matelas aux quelques endroits restés au sec où des familles se sont blotties, tentant dormir un peu. Le tuk-tuk persévère, alors que des véhicules plus gros crachotent en refusant de démarrer.
Quelques ânes trempés jusqu’aux os viennent aussi à la rescousse et font des sauveteurs de la dernière chance. Pour Swerki, la charrette tirée par un âne n’est pas vraiment l’idéal. Il y a des limites à ce qu’elle peut tracter et les roues s’enlisent dans la boue, ils paniquent aussi quand l’eau leur arrive aux oreilles. Mais ce n’est pas la première fois que Swerki doit tout faire pour sauver sa famille et quelques bricoles de l’emprise de la tempête, et il n’ignore pas que l’âne offre quelquefois la seule issue possible.
* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.
C’est l’une des nuits les plus froides que Gaza a connues en cette fin d’année, mais hélas les météorologues prévoient le pire pour les prochains jours, en particulier pour les familles habitant les basses-terres.
En principe ceux qui habitent les étages inférieurs sont le plus touchés par les pluies, et c’est là que les pompiers de Gaza envoient la majorité de leurs effectifs pour évacuer ces familles en premier. Mais celles des étages supérieurs souffrent elles aussi.
Jusqu’à présent elles avaient été épargnées par les eaux mais là elles n’auront plus la possibilité de sortir pour aller s’approvisionner en eau potable et en alimentation avant le reflux des eaux.
Le service incendie a préparé ses embarcations pour circuler dans le quartier inondé, à la recherche de ceux qui auraient pu être piégés, mais leurs ressources sont limitées.
La municipalité n’est pas en mesure de mobiliser suffisamment de camions pour pomper les eaux dans la zone proche de la plage, ce qui veut dire que la situation va encore empirer avant que les choses aillent mieux.
Répercussions
La compagnie d’électricité a encore réduit le nombre d’heures – déjà rationné – de fourniture de courant. Les coupures visent à prévenir tous les problèmes publics liés à l’électrocution et à toutes autres répercussions possibles, mais elles entravent d’autant plus les efforts des secouristes et rendent encore plus difficile la vie de ceux qui sont piégés à l’intérieur.
Aux services des urgences de la Ville de Gaza, Sadeddin Al-Atbash a demandé à tous les commerçants d’évacuer leur magasin et leurs entreprises, craignant que des conteneurs à ordures et des eaux usées ne se répandent dans les rues et dans les quartiers avoisinants. Atbash a fait appel à tous les fonctionnaires palestiniens pour qu’ils interviennent et participent au nettoyage dans toute la bande e Gaza, mais les progrès ne seront pas rapides.
- Beaucoup de Gazaouis étaient déjà sans abri après l’agression israélienne de l’été dernier - Photo : Mohammed Asad/MEE
Les inondations sont un problème terrible à Gaza, car les autorités manquent d’équipement, d’expertise et de fonds pour s’attaquer correctement au problème. Le blocus israélien, qui dure depuis sept ans, n’a fait qu’exacerber une situation déjà affreuse car il a suspendu tous les biens vitaux pour un million huit cent mille personnes.
A ces énormes difficultés se sont ajoutées celles de la brutale agression estivale qui a causé des pertes évaluées à 5 milliards de dollars selon le Ministère du Logement et des Travaux Publics.
Mais les habitants de Gaza blâment également le gouvernement de consensus, responsable selon eux de la crise en général, et ils appellent le président Mahmoud Abbas et le Premier Ministre Rami Al-Hamdallah à agir rapidement. L’an dernier en décembre des milliers de familles gazaouies avaient été déplacées quand une vague de froid intense et des pluies torrentielles avaient inondé des quartiers entiers, y compris al-Nafaq, causant des dommages importants.
Le Gazaoui Mohammed El-Dalou, 62 ans, est un de ceux qui blâment le gouvernement, disant que ce dernier a ignoré les appels de la population l’an dernier. Selon Dalou, avant d’être au pouvoir le gouvernement d’union actuel aurait dû être au courant des besoins de Gaza et en faire une priorité. « Ceux dont les maisons ont été emportées, pas plus que ceux qui se sont noyés l’an dernier n’ont reçu aucune forme de compensation jusqu’à ce jour » dit-il. « On n’a même pas accordé de dommages pour tous les biens et toutes les marchandises perdus – et cette année les inondations vont être encore plus catastrophiques si nous n’obtenons pas une intervention immédiate. Nous sommes au seuil de l’hiver, et regardez ce qui se passe ! Imaginez quand il va pleuvoir plus fort les prochaines semaines ! » ajoute-t-il.
La crise n’est pas facile à résoudre. Ce sont des basses-terres et il est peu probable que des efforts autres qu’une planification urbaine massive puissent aider à mieux protéger la zone et à drainer l’excès d’eau. Et si al-Nafaq capte le plus d’attention, il y a d’autres parties de la bande de Gaza également inondées.
Actuellement des centaines de Palestiniens de Gaza Ville ont commencé à évacuer leur maison par crainte de nouvelles inondations. « Nous vivons d’une inondation à une guerre. La guerre et puis les inondations, alors on déménage, mais on est fatigués de se déplacer d’une inondation à une autre guerre » dit Swerki contemplant les destructions, quelques vêtements sur un bras et sa fille dans l’autre.
Avec des équipes de secours terriblement dépassées et des pluies ininterrompues, il n’y a plus vraiment le choix. Dans cette désolation un simple tuk-tuk, moto-scooter à trois roues, se fraie un passage pour apporter des matelas aux quelques endroits restés au sec où des familles se sont blotties, tentant dormir un peu. Le tuk-tuk persévère, alors que des véhicules plus gros crachotent en refusant de démarrer.
Quelques ânes trempés jusqu’aux os viennent aussi à la rescousse et font des sauveteurs de la dernière chance. Pour Swerki, la charrette tirée par un âne n’est pas vraiment l’idéal. Il y a des limites à ce qu’elle peut tracter et les roues s’enlisent dans la boue, ils paniquent aussi quand l’eau leur arrive aux oreilles. Mais ce n’est pas la première fois que Swerki doit tout faire pour sauver sa famille et quelques bricoles de l’emprise de la tempête, et il n’ignore pas que l’âne offre quelquefois la seule issue possible.
* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.