Le 6 octobre 2014, une soixantaine de membres de plusieurs comités BDS France des départements du Gard et de l’Hérault ainsi que des militants BDS de la Région et du Vaucluse ont mené, en soirée, une action de boycott culturel contre Israël, à Carpentras, à l’occasion du 4ème Festival du Film Israélien organisé par l’association « Laissez-passer », qui inaugurait au cinéma le Rivoli, ce soir là le Festival, avec le maire PS ( Michel Adolphe) son invité d’honneur : le consul général d’Israël (Barnea Hassid) et la réalisatrice de Dancing in Jaffa (Hilla Medalia).
UN FESTIVAL DE PROPAGANDE ISRAÉLLIENNE
Des organisateurs ouvertement pro-israéliens :
« Laissez-passer » qui est quasi exclusivement sponsorisée par les associations communautaires juives sous la houlette du CRIFet le Consulat Général d’Israël de Marseille, se présente comme un groupe « de passionnés par le cinéma israélien » où « tous les sujets sont abordés sans tabous » et admiratif de l’Etat israélien où « Aucune censure cinématographique n’est appliquée ». Leur objectif est clairement annoncé : « Dans leur liberté de paroles, les productions du cinéma israélien servent de passerelles pour engager des échanges et le dialogue avec les spectateurs ignorant le vécu quotidien des israéliens. » Sans doute pensent-ils que ce « vécu quotidien » saura démentir la « désinformation » mondiale qui présente Israël comme un pays colonial, d’apartheid coupable de nombreux crimes de guerre et de multiples violations du droit contre le peuple palestinien.
Le nom de l’association « Laissez-passer » témoigne avec cynisme de l’ignorance voire de la négation de l’existence du peuple palestinien pour qui les « laissez-passer », sont un des éléments clé du système d’apartheid et d’occupation militaire permanent aussi bien en Cisjordanie que dans la Bande de Gaza sous blocus total depuis 8 ans et sans aucun laissez-passer pour nulle part !
Le cinéma comme outil d’une propagande politique à combattre :
Eyal Sivan, un réalisateur israélien indépendant qui a toujours refusé un centime de shekel d’Israël, déclare : « Le cinéma israélien a été clairement désigné par les autorités israéliennes comme un produit d’exportation dans lequel il vaut la peine d’investir : Limor Livnat, ministre de la culture israélienne, ne cesse de le répéter : « Le cinéma israélien prouve à chaque fois que la culture est la meilleure ambassadrice de l’Etat » (…) Les détracteurs diront que la promotion par les autorités israéliennes d’un cinéma qui peut être considéré comme critique est un signe de santé démocratique[1]. (…) Il s’agit naturellement de maintenir l’illusion démocratique, alors que le régime d’apartheid dans les territoires occupés par Israël prive plus de trois millions de personnes d’accès à la culture et à l’éducation, et cela depuis plusieurs dizaines d’années. »
La présence du Consul Général d’Israël, qui court les festivals pour soutenir les productions israéliennes et vendre Israël, atteste de la volonté politique de diffuser une image mystificatrice d’Israël.
Là-bas et ici, une double opération de « normalisation » [2] à combattre :
Ce film reprend un thème maintes fois traité dont l’idéologie est porteuse des illusions trompeuses des accords d’Oslo. La culture est le terrain privilégié de ces expériences où on réunit palestiniens et israéliens, musulmans et juifs, adultes ou enfants, dans une activité commune en faisant abstraction du contexte réel. Les auteurs prétendent ainsi montrer qu’en « oubliant » ce qu’ils appellent le « conflit », Palestiniens et Israéliens sont capables (grande découverte !) de tisser des relations normales de sympathie, d’amitié etc. Le message est qu’il serait tellement plus simple et plus agréable pour les deux parties de laisser de côté les assassinats, la colonisation, l’apartheid, les emprisonnements, le blocus etc. tout comme les « roquettes du Hamas » et les attentats suicides (quand il y en avait) etc. et avoir des relations humaines « normales » comme si rien n’était. Evidemment ces idées géniales sont toujours le fait d’Israéliens [3] ou d’étrangers « bien intentionnés » convaincus de leur supériorité de jugement occidental …
Un des derniers films de ce type est « D’une seule voix » où un français organise une tournée de musiciens israéliens et palestiniens en France et filme les péripéties… On y voit malgré tout comment les Palestiniens sont contraints d’étouffer leur identité nationale palestinienne…
La réalisatrice de « Dancing Jaffa » est plus habile (perverse ?) puisque elle a demandé à un danseur de salon d’origine palestinienne par sa mère et né en 1944 en Palestine, à Jaffa et parti en 1948 (?), de tenir son propre rôle et de faire « danser ensemble » des enfants israéliens et palestiniens. C’est donc un Palestinien d’Israël qui est mis en position d’initier cette opération de « normalisation » et c’est lui qui a servi de bouclier pour la défense du film.
Quand nous sommes intervenus pour dénoncer la présence du consul, la réalisatrice, qui ne parle pas français mais qui a vu nos tee-shirts et compris le sens de l’intervention, a immédiatement pris le micro pour dire que le personnage central du film était un Palestinien, comme si cela suffisait faire taire toute critique à l’égard d’Israël.
Ce faisant elle a montré de façon éclatante comment la « normalisation » qui établit une (fausse) égalité, une (fausse) symétrie entre palestiniens et israéliens est une méthode pour protéger Israël des crimes et des violations du droit. La présence palestinienne y est utilisée pour protéger Israël et se retourne contre les palestiniens eux-mêmes. Comme par hasard il y avait un prétendu Palestinien dans la salle, venu de Rafah, qui avait perdu dix personnes et qui soutenait l’événement (voir en annexe le message de la réalisatrice sur la page FB du film).
Ce n’est pas un hasard si ce film a été choisi pour l’inauguration en présence du Consul. Il reflète parfaitement la propagande déversée parIsraël en Europe depuis les accords d’Oslo : « Nous voulons la paix, nous sommes pour le dialogue et ce film est un exemple de dialogue que nous encourageons et qui nous permettrait de mieux se connaître » Voilà en substance ce qu’à dit le consul d’Israël de sa voix sirupeuse, une caricature de diplomate. A quoi nous lui avons répondu qu’il aurait dû envoyer des enfants israéliens à Gaza pour danser avec les enfants palestiniens au lieu d’envoyer les bombes et massacrer 570 enfants palestiniens !
Voici ce que le PACBI [4], association palestinienne pour le boycott culturel et universitaire d’Israël, déclare au sujet de ce prétendu « dialogue » :
Dans tous ces contextes, le « dialogue » et l’engagement sont souvent présentés comme des alternatives au boycott. Le dialogue, s’il survient en dehors du cadre de résistance que nous avons souligné, devient un dialogue pour le dialogue, et c’est une forme de normalisation qui entrave la lutte pour mettre fin à l’injustice.
Le dialogue, les processus de « guérison » et de « réconciliation » qui ne visent pas à mettre fin à l’oppression, indépendamment des intentions qui les sous-tendent, servent à privilégier la coexistence oppressive au détriment de la co-résistance, car ils présument de la possibilité de coexistence avant l’obtention de la justice.
L’exemple de l’Afrique du Sud éclaire parfaitement ce point, où la réconciliation, le dialogue et le pardon sont venus après la fin de l’apartheid, et pas avant, indépendamment des questions légitimes soulevées par la persistance de ce que certains ont appelé « l’apartheid économique ».
José Luis Moraguès
Montpellier le 8 octobre 2014
[1] C’est exactement le message de propagande diffusé par « Laissez-passer ».
[2] « La normalisation d’Israël, – normaliser l’anormal – est un processus nuisible et subversif qui s’acharne à camoufler l’injustice et à coloniser la partie la plus intime de l’opprimé : son esprit. S’impliquer dans ou avec des organismes qui servent cet objectif est donc une des premières cibles du boycott, et une action que les partisans de BDS doivent combattre ensemble. » (PACBI Octobre 2011),
[3] Même si certains palestiniens tombent parfois naïvement dans le panneau.
[4] (PACBI) Association Palestinienne pour le boycott culturel et universitaire d’Israël. Le PACBI est une des associations à l’initiative de l’appel de 2005.
Annexe : Traduction du post FB de la réalisatrice ci-dessous :
Compte-rendu rendu de Hilla Medalia, réalisatrice de Dancing in Jaffa sur la projection de son film aujourd’hui au festival israélien de Carpentras : « Juste avant que le film commence 100 activistes pro-palestiniens portant des T-shirts noirs appelant au boycott
d’Israël, ont fait irruption dans le cinéma et répandu un gaz malodorant dans la salle. Un homme de Gaza essaye de m’aider et leur demande d’assister à la projection du film de façon à ce que nous puissions parler, avoir une discussion après le film… C’était fou. La police est arrivée. Les a fait sortir. Et le cinéma a déplacé la projection dans une autre salle.
Après le film, j’ai réaffirmé que la solution doit venir du dialogue non de la violence. Pendant le débat, un homme merveilleux de Gaza s’est levé et a dit "Ils ne me représentent pas ! J’ai perdu 10 personnes dans cette guerre" (il est de Rafah). Mais il veut que les choses changent. Et la violence n’aidera pas ! C’était si émouvant ! »
(Elle nous confirme si besoin était que « Dancing in Jaffa » est bien un film de propagande !)
Les échos dans la presse :
Les versions sionistes ! Un vrai délire !
Source : BDS-34