Par Ziad Nakhale
Dans une interview accordée au quotidien arabe al-Quds al-Arabi 
publié à Londres, le secrétaire général adjoint du Mouvement du Jihad 
islamique en Palestine dénonce la « coordination » sécuritaire entre 
l’Autorité palestinienne et l’occupant.
Ci-joint le texte publié le 19 avril dernier :
Al-Quds al-Arabi : M. Ziad Nakhale, certains ont jugé que l’ajout de votre nom sur la « liste du terrorisme » au moment où les mouvements islamistes affirment leur présence dans la région vise le projet de la résistance. Quelles sont les conséquences d’une telle catégorisation que certains régimes arabes adoptent, comme c’est le cas récemment en Egypte concernant le mouvement Hamas ?
Ci-joint le texte publié le 19 avril dernier :
Al-Quds al-Arabi : M. Ziad Nakhale, certains ont jugé que l’ajout de votre nom sur la « liste du terrorisme » au moment où les mouvements islamistes affirment leur présence dans la région vise le projet de la résistance. Quelles sont les conséquences d’une telle catégorisation que certains régimes arabes adoptent, comme c’est le cas récemment en Egypte concernant le mouvement Hamas ?
Invasion du camp de réfugiés palestiniens de Shuafat, près d'Al-Quds occupée, par les bandes armées sionistes, le 12 avril 2014
Ziad Nakhale : Il n’est pas étonnant que 
l’administration américaine prenne de temps à autre des mesures visant 
la résistance. Que ce soit sur le plan moral ou pratique. Mais qu’une 
grande puissance nomme un individu et le classe dans ce qui est appelé 
« la liste du terrorisme », cela a suscité étonnement et surprise parmi 
les hommes d’opinion et les observateurs. Ce qui nous intéresse, c’est 
de savoir si une telle décision aura un impact ou modifiera quelque 
chose ? Je ne suis pas le premier et ne serai pas le dernier dans ce 
qu’ils appelle les listes du terrorisme. Si nous allons plus loin, je 
peux dire : les Etats-Unis considèrent terroriste toute personne qui est
 en désaccord avec elle ou avec sa politique, et même des Etats et de 
nombreuses organisations ont été mises sur les listes des terroristes, 
et tout cela pour servir « Israël ».
Al-Quds al-Arabi : La recrudescence des assassinats commis par « Israël »,
 est-ce que vous y voyez un lien avec les tentatives américaines 
coordonnées avec des parties palestiniennes pour imposer une solution 
quelconque ?
Ziad Nakhale : L’intensification de l’agression contre 
notre peuple palestinien n’a jamais cessé, même pas un jour, mais elle 
prend des formes différences en Cisjordanie  et dans la bande de Gaza,
 comme les meurtres, le blocus, la destruction, les arrestations et 
autres. Elle vise à plonger le peuple palestinien dans le désespoir et à
 lui dire que l’occupation est son sort final, que la résistance est 
interdite et illégale, et que le seul espoir qu’il peut caresser est ce 
que Israël lui propose à la table des négociations, 
dans le cadre de l’équilibre de forces actuel. Ce qui veut dire être 
soumis à des directives israéliennes, avec une collaboration américaine 
et un parti-pris total envers Israël.
Les Etats-Unis oublient, ainsi que le monde, que les pressions 
militaires, politiques et économiques, ne peuvent briser la volonté du 
peuple palestinien et ne changeront rien à la réalité, et ne pourront 
obliger personne à accepter n’importe quelle solution. En réalité, il 
n’y a rien pouvant être nommé solution, car Israël ne veut pas de solution, il veut tout.
Al-Quds al-Arabi : Gaza a pris une 
bouffée d’air après l’arrivée du président Mohammad Morsi au pouvoir, et
 après son écartement, la question du blocus est devenue une matière de 
chantage envers les Palestiniens de Gaza. Que pensez-vous du rôle égyptien quant à la levée du blocus contre Gaza ?
Ziad Nakhale : La situation complexe en Egypte et les événements qui se bousculent jusqu’à présent ont mis la bande de Gaza en situation de victime à tous les niveaux, mais il faut savoir que la punition collective contre le peuple palestinien à Gaza
 est injuste et illégale, quelles qu’en soient les raisons. Les frères 
égyptiens doivent revoir les mesures prises qui occasionnent des 
préjudices au peuple palestinien, qui, de son côté, porte beaucoup 
d’amour et de reconnaissance au peuple d’Egypte.
Ne savent-ils pas qu’ils mènent un blocus contre le sang des martyrs égyptiens tombés pour défendre la Palestine, et leurs tombes à Gaza témoignent encore de l’histoire grandiose qui lie le peuple d’Egypte au peuple de Palestine ? Malgré cela, nous, les organisations nationales et islamiques à Gaza,
 nous sommes prêtes à nous asseoir avec les frères en Egypte et à ouvrir
 le dossier des relations, sans limite aucune, pour mettre fin à ce qui 
brouille la relation entre les deux peuples frères.
Al-Quds al-Arabi : Est-ce que la décision prise en 
Egypte considérant les frères musulmans comme une « organisation 
terroriste » sort l’Egypte de sa crise ?
Ziad Nakhale : L’Egypte est le plus vaste des Etats 
arabes et vit des problèmes complexes qui touchent tout le peuple 
égyptien, et le fait d’éloigner un groupe et notamment un groupe de 
l’importance des Frères musulmans, de la vie politique, accentue les 
problèmes et installe l’Egypte dans une situation instable. Cela 
accentue sa crise et son état mouvementé qui caractérise l’Egypte depuis
 quelques années, qui a par ailleurs entraîné la suppression d’une 
partie aussi importante que les Frères. Je ne pense pas que ce soit la 
voie la plus sûre pour sortir l’Egypte de sa crise et pour qu’elle 
puisse reprendre son rôle et sa place, que tout le monde attend.
Al-Quds al-Arabi : Comment voyez-vous l’affrontement 
des tentatives américaines, sur le plan palestinien, visant à faire 
admettre le projet de la « reconnaissance de la judéité » de l’Etat 
« israélien » ?
Ziad Nakhale : Les tentatives américaines pour imposer 
une solution pro-israélienne au peuple palestinien et à la région ne se 
sont jamais arrêtées. Ces tentatives ont toujours échoué, et elles 
reprennent à nouveau. A présent, les Etats-Unis essaient, dans le cadre 
de ce qui est appelé « le printemps arabe » de profiter de l’état de 
dispersion généralisée dans la région pour imposer une solution faisant 
d’Israël un Etat religieux dans tout le sens du terme. 
Mais cela n’est qu’une introduction à la dislocation de la région sur 
une base confessionnelle et religieuse, et instaurer le droit de chaque 
confession ou religion ou nationale de réclamer un Etat spécifique. 
C’est le projet de dislocation de ce qui fut appelé la patrie arabe. De 
plus, l’Etat juif en tant que tel sera la bombe qui mettra fin et pour 
toujours au projet ou l’idée d’instaurer un Etat palestinien. Sera 
expulsé de la terre historique de Palestine tout ce qui
 n’est pas juif, d’autant plus que nous remarquons la masse imposante de
 la colonisation qui se répand comme un cancer en Cisjordanie  et qui pille la terre au vu et au su de « la légalité internationale », y compris les Nations-Unies et le conseil de sécurité.
L’Etat juif signifie en fin de compte que la Palestine, toute la Palestine, est une patrie pour les juifs du monde, et qu’il n’y a pas de peuple palestinien sur la terre de Palestine. De là vient l’idée de la patrie alternative proposée par « Israël » à l’Est de la rive du Jourdain pour le peuple palestinien.
Al-Quds al-Arabi : La campagne de judaïsation d’al-Quds
 s’intensifie alors que l’Autorité palestinienne continue à parler 
d’occasions pour parvenir à un accord ou semi-accord. Ne faut-il pas 
plutôt réclamer l’unité palestinienne pour affronter un tel projet ?
Ziad Nakhale : Non seulement al-Quds est en train 
d’être judaïsé, mais tout est devenu sous la domination « israélienne »,
 le cancer de la colonisation se répand comme des champignons tout au 
long de la Cisjordanie  et il ne reste aux Palestiniens
 que les villes peuplées, qui sont toutes encerclées par les colonies et
 séparées les unes des autres. La politique du fait accompli se 
poursuit. Les négociations et leur prolongement ne sont que des moyens 
pour gagner du temps pour que l’on arrive à l’étape du fait accompli. 
Que ferons-nous des juifs qui se sont installés et qui ont colonisé, qui
 ont leurs villes, leurs écoles, leurs hôpitaux et leurs usines ? 
Pouvons-nous les expulser ?
Quiconque le réclamera sera taxé d’inhumain. Les accusations sont 
prêtes, celui qui refuse sera accusé de terrorisme et poursuivi, à 
commencer par l’Autorité palestinienne, et pour finir les Etats-Unis et 
entre les deux, les Arabes et les non-Arabes. Il est regrettable que 
l’Autorité palestinienne soit associée directement à ce qui se passe, 
elle brouille les cartes en acceptant sans cesse de poursuivre les 
négociations, qui n’amènent à rien, sinon un surplus de négociation et 
de division interne. A propos, je ne dis pas que la fin de la division 
interne mettra fin à la colonisation, mais je dis que l’unité 
palestinienne véritable sera un pas pour affronter à nouveau et avec 
sérieux les projets illusoires et pour rechercher les moyens et les 
possibilités qui permettent de dévoiler les illusions de règlement ou de
 paix avec cette entité, et pour commencer à bâtir un projet de 
résistance qui s’étend pour inclure tout le monde arabo-musulman et les 
êtres libres de ce monde, et remettre les droits à leurs possesseurs 
légaux.
Al-Quds al-Arabi : Les positions arabes semblent 
indifférentes envers la situation palestinienne. Quels sont les leviers 
pouvant être utilisés par les Arabes pour soutenir le peuple palestinien
 et renforcer sa résilience ?
Ziad Nakhale : Oui, il y a à présent une indifférence 
arabe manifeste, qui n’a pas besoin de preuves. Mais je pense que nous, 
les Palestiniens, pouvons changer cette réalité, en nous unissant et en 
agissant, et en empêchant quiconque de prendre pour prétexte la 
situation palestinienne pacifique ou attentiste pour justifier son 
attitude en disant « nous sommes avec ce que décide le peuple 
palestinien ». Décidons nous-mêmes et nous verrons si les peuples arabes
 et les peuples du monde seront à nos côtés et soutiendront nos droits.
Al-Quds al-Arabi : Comment jugez-vous les répercussions
 de la coordination sécuritaire sur l’action palestinienne, et notamment
 sur le Jihad islamique ?
Ziad Nakhale : Ce qui se passe en Cisjordanie
 , et la pratique de l’Autorité, les arrestations et la répression qui 
vise les activités estudiantines, et même les actions humanitaires en 
direction des familles des prisonniers et des martyrs, non seulement 
envers le Jihad islamique, bien qu’il soit le plus visé, tout cela est 
affligeant et dégradant lorsque ceci se déroule sous le chapitre de la 
coordination sécuritaire avec les forces de l’occupation et au profit 
total d’Israël, et sans aucune compensation, au contraire. « Israël »
 pratique ce qu’il veut, sans aucun frein, il confisque les terres, mène
 des incursions dans les villes, assassine et arrête toute personne 
qu’il juge menaçante pour sa sécurité. La question n’est pas seulement 
liée au Jihad islamique, mais c’est le rôle assigné à l’Autorité par les
 accords d’Oslo, où elle a accepté d’être le gendarme qui protège « Israël », en situation d’occupation.
Al-Quds al-Arabi : Où en est le dossier de la 
réconciliation palestinienne, et que rôle joue le mouvement du Jihad 
islamique pour rassembler la maison palestinienne ?
Ziad Nakhale : Malgré la blessure dont souffre le 
peuple palestinien du fait de la division interne, je refuse de comparer
 entre l’Autorité de Ramallah et ce qui se dit à propos de l’Autorité à Gaza,
 par principe. Nous avons de grandes divergences avec l ’Autorité de 
Ramallah, nous lui sommes opposés concernant les accords d’Oslo, qui a 
fait une concession historique au détriment du droit du peuple 
palestinien sur la Palestine, et nous sommes en 
désaccord avec elle sur la gestion de sa politique avec l’ennemi, à tous
 les niveaux, et notamment en ce qui concerne la coordination 
sécuritaire au détriment de la résistance et du peuple palestinien. 
Quant à l’Autorité de Gaza, si nous pouvons ainsi 
l’appeler, nous sommes d’accord avec elle sur le plan stratégique, mais 
en désaccord en ce qui concerne les relations inter-palestiniennes et sa
 gestion. Nous avons essayé et essayons toujours de réunifier la société
 palestinienne, de manière à préserver l’unanimité  et l’unité de la 
position politique, l’unité des forces de notre peuple pour affronter le
 projet sioniste, par tous les moyens possibles, de manière à poursuivre
 la résistance et ne pas reconnaître « Israël ».
Al-Quds al-Arabi : Concernant la dernière confrontation à Gaza que vous avez nommée « Briser le silence », quel est le message que vous avez voulu envoyer à l’occupation ?
Ziad Nakhale : Tout le long de l’année qui a suivi la guerre d’agression sur la bande de Gaza en 2012, « Israël » n’a pas cessé les agressions et les assassinats en Cisjordanie  et dans la bande de Gaza, malgré l’accord de cessez-le-feu qui a suivi cette guerre, qui a eu lieu sous l’égide de l’Egypte, et qui a obligé « Israël » à cesser les assassinats. Mais comme d’habitude, « Israël »
 n’a pas respecté l’accord. La résistance a dû envoyer un message fort à
 l’ennemi lui disant que nous n’acceptons pas ces agressions. Ce fut 
l’opération « Briser le silence », qui a été choquante à plus d’un 
titre. C’est ce qu’ont affirmé les responsables politiques et les médias
 en « Israël », ce ne fut pas seulement une opération qui a brisé le silence mais un choc et une surprise.
Al-Quds al-Arabi : Comment jugez-vous votre attitude envers la crise syrienne ?
Ziad Nakhale : La Syrie est la grande blessure, qui 
devient au fur et à mesure que les jours passent le souci quotidien de 
tout Palestinien et arabe. La Syrie, qui était un axe essentiel dans la 
confrontation au projet sioniste, et une base essentielle pour la 
résistance tout au long de son histoire, est devenue aujourd’hui une 
réelle menace pour tout ce qui est beau et prometteur pour la nation, à 
cause des dangers qui guettent. Personne ne peut affirmer aujourd’hui 
que la future Syrie ne représente pas, au moins, un danger pour l’unité 
de la nation. Nous sommes très inquiets et l’avenir de la Syrie nous 
préoccupe incessamment, tout comme nous préoccupe ceux qui la poussent 
vers l’inconnu. C’est pourquoi nous avons dit dès le début que l’avenir 
de la Syrie doit être déterminé par son peuple, dans toutes ses 
composantes, de manière à ce qu’elle reste unie et forte, et assure les 
intérêts du peuple syriens, sa liberté et sa dignité, et maintient sa 
situation exceptionnelle dans l’axe de la résistance. Ce sont les 
constantes de notre position concernant la crise syrienne, et nous 
pensons qu’elles sont assez équilibrées pour protéger notre peuple dans 
ce cher pays, et assurer que la Syrie demeure puissante pour affronter 
le projet sioniste qui vise son démantèlement et le démantèlement de toute la région.
Al-Quds al-Arabi : Certains jugent que votre alliance avec l’Iran n’est pas dans l’intérêt de la résistance. Comment jugez-vous cette alliance ?
Ziad Nakhale : Ma cause principale et centrale est la Palestine,
 ma patrie perdue et envahie. Quant à ceux qui considèrent l’Iran comme 
une menace concernant d’autres dossiers, la solution à notre avis n’est 
pas la guerre mais le dialogue et l’entente. Qui doit être prioritaire 
pour réaliser une réconciliation et la paix ? « Israël » ou l’Iran ?
La relation historique avec l’Iran se transforme parfois en accusation, et parfois en atout, et la question devient de plus en plus urgente du fait de nombreux éléments. Mais ce qui m’intéresse en cet instant est une autre question : est-ce que l’Iran représente une menace ou une chance pour la nation ? Cela réclame de nombreuses questions, telles que : la relation avec « Israël » qui occupe la partie la plus importante de notre région arabe constitue-t-elle une menace ou une chance ? la relation avec les alliés d’Israël est-elle une chance ou une menace ? C’est pourquoi j’affirme que notre relation avec l’Iran est une chance pour la nation, en vue de renforcer et consolider sa position pour affronter le projet sioniste qui occupe la Palestine. Ceux qui critiquent notre relation avec l’Iran doivent nous dire si leurs relations avec les Etats-Unis et « Israël » qui occupe notre terre et domine nos lieux saints sont au profit de la nation ou du peuple palestinien ? Ou bien ce n’est qu’une légalisation de l’occupation, afin que la Palestine demeure à tout jamais « Israël ».Ziad Nakhale, secrétaire général adjoint du Mouvement du Jihad islamique en Palestine
Source : Al Quds al Arabi
Traduction : Baladi