Par Sherine Soliman
Sherine Soliman est membre du PIR. Son analyse a été publiée sur le site des Indigènes de la République le 10 janvier 2014
Tout français issu de l’immigration postcoloniale a de quoi se sentir 
intimement et racialement infériorisé par le sionisme qui poursuit son 
entreprise coloniale, et donc infériorisé par la politique française et 
ses discours soutenant cette idéologie. Dans l’imaginaire de millions de
 descendants de colonisés, la persistance du sionisme, de sa 
colonisation et de son racisme opératoire a des conséquences 
désastreuses qu’il serait temps de prendre en compte sérieusement dans 
toute discussion traitant du racisme en France.
Banderole accrochée sur les murs d'Al-Khalil par les colons israéliens négationnistes, l'avant-garde du projet sioniste en Palestine : 
"La Palestine n'a jamais existé ! (et n'existera jamais)"
Dans son ouvrage La Question de Palestine [1], 
l’intellectuel Palestinien Edward W. Saïd, analyse précisément et 
historiquement les origines du sionisme, et interroge la légitimité, 
unanime en Occident, d’une idéologie coloniale ayant causé tant de 
ravages. Dans l’introduction, partant du « soubassement existentiel » 
dont dépend la situation du peuple palestinien, il demande :
« Nous étions sur le territoire appelé Palestine ; 
la spoliation et l’effacement dont nous avons été victimes et d’où ont 
résulté que presque un million des nôtres ont dû quitter la Palestine
 et que notre société est devenue non existante étaient-ils justifiés, 
fût-ce même pour sauver ce qu’il restait des Juifs d’Europe ayant 
survécu au nazisme? Quelle est la règle morale ou politique qui exige 
que nous abandonnions nos revendications pour notre existence nationale,
 notre terre, nos droits humains? Dans quel monde ne souffre-t-on aucune
 discussion quand on dit à un peuple entier qu’il est juridiquement 
absent, même si des armées sont levées contre lui, des campagnes menées 
contre son nom lui-même, l’histoire modifiée pour « prouver » sa 
non-existence ? »
Ces interrogations fondamentales et plus que légitimes posées par Edward
 Saïd il y a plus de trente ans ne semblent pas intéresser le moins du 
monde nos penseurs et politiques aujourd’hui, alors même que le calvaire
 des Palestiniens colonisés continue ; alors même que le compteur des 
colonisés (et des colonies) grimpe, et que le nombre de réfugiés 
explose. Pour la France, la Palestine – 
géographiquement et humainement – c’est loin ; et les Palestiniens sont 
donc bien loin des « hommes », en tout cas de ceux dont l’humanité 
mérite d’être défendue lorsqu’elle est bafouée, insultée et niée depuis 
tant d’années.
Mais cela s’explique, et de manière simple : c’est qu’il y a plus grave (apparemment).
En ce début d’année 2014, suivant un processus enclenché depuis bien 
longtemps, c’est une autre menace raciste – une terrible menace dit-on –
 qui canalise l’acharnement « humaniste » des associations antiracistes,
 des médias et des politiques ; car ici, en France, à mille lieues de 
cette marge infra-humaine dans laquelle on relègue les palestiniens, on 
sent se lever un diabolique fléau autrement plus néfaste pour l’humanité
 toute entière ; et un fléau que l’on sentait déjà, depuis un bon 
moment, pointer le bout de son nez sous la plume soumise de très 
nombreux journalistes : il s’agit de l’inévitable « antisémitisme 
postcolonial ». L’idée commence à s’imposer. Petit à petit, elle fait 
son nid médiatique. Ecoutez : « antisémitisme postcolonial ! » 
L’expression fait froid dans le dos de la France, elle réveille ses 
pires démons. Et on comprend tout de suite que les dangereux tenants de 
ce racisme sont facilement identifiables à ces termes (idéologiquement) 
bien choisis : s’agissant d’un antisémitisme « postcolonial », 
les coupables haineux seront à chercher du côté des « postcolonisés » ; 
du côté de celles et ceux issus des territoires (anciennement ?) 
colonisés et dont – osent-ils dire dans leurs délires victimaires – les 
souffrances exagérées n’auraient jamais été assez prises en 
compte (quelques siècles d’esclavage, les tragédies du colonialisme, les
 autres génocides, etc.). Chez ces gens là qui, décidément, ressassent 
trop le passé, la place prépondérante qu’occuperait le génocide des 
Juifs aurait ainsi fait naître une rancœur et un rejet bassement 
réactionnaires qui auraient muté en un cruel antisémitisme (ponctué 
d’antisémites clichés, d’antisémites théories du complot… et 
d’antisémites projets en tout genre).
L’antisémitisme postcolonial donc.
J’aimerais, dans cet article, peser le poids idéologique d’une telle 
expression, « antisémitisme postcolonial ». Autant vous dire tout de 
suite que je le trouve insupportable ; non pas qu’un tel racisme 
n’existerait pas ou serait dénué de tout sens – là n’est pas mon propos 
[2] – mais parce que sa fixation « postcoloniale » me paraît relever de 
la plus cynique ironie et de la plus consciente diversion (en plus de 
s’opposer subtilement au climat islamophobe grandissant).
Pour dire ma pensée, j’aimerais simplement mettre cette menace brandie 
d’un antisémitisme résurgent en regard d’un autre fléau qui ronge notre 
société et notre monde ; un fléau qui, paradoxalement, n’inquiète aucune
 de ces associations, aucun de ces médias ou de ces personnalités 
politiques; un fléau qui se veut pourtant, dans ses manifestations très 
concrètes hors de France, comptable d’un nombre de victimes – blessées, 
expulsées, réfugiées et parquées dans des camps, assassinées, torturées,
 bombardées, colonisées – beaucoup plus lourd et surtout beaucoup moins 
virtuel que celui que laisse présager cet épouvantail de 
l’« antisémitisme postcolonial ».
Ce fléau raciste, colonial et déshumanisant, c’est le sionisme.
Ce sionisme chéri de nos gouvernants pèse, depuis des 
décennies et des décennies, de tout son colonialisme absolument raciste 
sur un peuple qui n’est pas juif, mais arabe. Et il est clairement 
soutenu, sur ses plans idéologique et politique du moins (mais pas 
seulement), par d’innombrables Français et par de nombreux journalistes,
 penseurs et dirigeants.
Qu’est-ce qui rend ce racisme là – un racisme non pas postcolonial mais toujours véritablement colonial dans les faits – si acceptable aux yeux de nos dirigeants et penseurs ? [3]
D’aucun me diront que les victimes du sionisme sont en Palestine, et que ma comparaison n’est donc pas pertinente. Et moi je réponds que le champ de nuisance du sionisme ne se limite pas à la Palestine. Les
 Palestiniens sont évidemment, et de très loin, les plus directement 
touchés car quotidiennement colonisés, bombardés, torturés, asphyxiés. 
Les martyrs, là bas, sont innombrables et Dieu seul connaît l’ampleur 
des souffrances auxquelles cette population est confrontée chaque jour. 
C’est dans leur chair que les Palestiniens ressentent le sionisme. Mais cette idéologie, comme l’a montré Edward W. Saïd (voir extraits plus bas), procède de la plus raciste des visions du monde de l’Europe coloniale et
 s’inscrit très rationnellement dans cet imaginaire européen qui 
infériorisait les Arabes et les non-blancs. Et c’est en cela, 
précisément, que tout descendant de colonisés, qu’il soit noir, jaune ou
 arabe, a de quoi se sentir infériorisé par la persistance d’un tel 
racisme colonial s’opérant continuellement dans l’indifférence complice 
et bienveillante du monde.
Le sionisme déshumanise – de manière très concrète – 
des millions de Palestiniens en les privant de leurs droits humains les 
plus fondamentaux et inaliénables. Cela fait maintenant parti du 
paysage, cela fait partie « de la norme ». Mais qu’on se le dise bien : 
cette norme est raciste ; très concrètement coloniale et raciste.
Et j’en reviens donc à Edward W. Saïd, et à son ouvrage La Question de Palestine, plus précisément au chapitre intitulé « Le sionisme
 du point de vue de ses victimes ». Ce qui me semble crucial dans cet 
ouvrage et qui est brillamment mis en lumière dans ce chapitre détaillé 
et argumenté de dizaines de références et analyses capitales, c’est la 
double-dimension coloniale et raciste que le sionisme
 a directement hérité de son contexte européen d’émergence au 
19ème siècle ; période des grands empires coloniaux européens. Aussi, ce
 n’est pas un simple essai que nous propose Saïd, c’est une puissante et
 irréfutable démonstration de ce qu’est le sionisme, ses origines, sa 
généalogie intellectuelle et culturelle, son contexte raciste de 
production, ses ressorts coloniaux et racialisants (les diverses 
théories scientifiques européennes sur l’inégalité des races ayant servi
 la justification du colonialisme sont d’ailleurs convoquées dans son 
argumentaire recontextualisant la formation et l’essor du sionisme). 
Cette idéologie qui ne trouve presque aucun adversaire dans notre 
paysage intellectuel et politique dominant, l’ouvrage de Saïd 
nous montre ainsi comment elle se fonde indéniablement sur une vision du
 monde raciste hiérarchisant les races et les cultures. Et cela, je 
pense qu’il est essentiel de le rappeler. Essentiel de rappeler qu’à 
l’heure où l’on déplore un « antisémitisme postcolonial », les décideurs
 politiques approuvent officiellement un racisme ostensiblement colonial.
Je laisse la parole à Edward W. Saïd évoquant ce qui s’apparente donc manifestement, dans le cas du développement du sionisme et de sa légitimation, à un pur racisme colonial (qui s’apparente, en l’état, à une arabophobie coloniale) :
« Depuis les toutes premières périodes de son évolution moderne et jusqu’à ce qu’il aboutisse à la création d’Israël, le sionisme
 plaisait à un public européen pour qui la classification des 
autochtones des terres étrangères en plusieurs classes inégales était 
canonique et « naturelle ». C’est pourquoi, par exemple, tous les Etats 
ou mouvements des territoires anciennement colonisés d’Afrique et 
d’Asie, sans exception, s’identifient à la lutte palestinienne, la 
comprennent et la soutiennent totalement. A maints égards (…) il y a une
 incontestable ressemblance entre l’expérience des Palestiniens arabes 
aux prises avec le sionisme et l’expérience de ces 
peuples noirs, jaunes ou bruns qui furent dépeints comme des êtres 
inférieurs ou des sous-hommes par les impérialistes du dix-neuvième 
siècle. Parce que, bien qu’il ait coïncidé avec une ère où 
l’antisémitisme était le plus virulent en Occident, le sionisme
 a aussi coïncidé avec une période sans précédent d’acquisition de 
territoires par l’Europe en Afrique et en Asie, et c’était en tant que 
partie de ce mouvement général d’acquisition et d’occupation que le 
sionisme, initialement, avait été lancé par Theodor Herzl. Durant les dernières décennies de la plus grande période d’expansion coloniale européenne, le sionisme
 fit aussi ses premiers et déterminants préparatifs pour obtenir ce qui 
est maintenant devenu un large territoire d’Asie. Et il est important de
 rappeler qu’en se joignant à l’enthousiasme général de l’Occident pour 
l’acquisition de territoires au-delà des mers, le sionisme
 ne s’est jamais présenté sans ambiguïté comme un mouvement de 
libération juif, mais plutôt comme un mouvement juif d’implantation 
coloniale en Orient. (…) 
Ce ne sont pas là des commentaires historiques dépassés et oiseux car 
(…) ils expliquent et même déterminent beaucoup de ce qui se passe 
aujourd’hui au Moyen-Orient. Le fait qu’aucune partie notable de la 
population israélienne n’a jusqu’à présent été capable de faire face à 
la terrible injustice sociale et politique faite aux Palestiniens natifs
 indique combien sont ancrées les anormales (encore maintenant) 
perspectives impérialistes fondamentales du sionisme, sa conception du 
monde, sa conviction de l’infériorité de l’Autre. » [4] 
Quelques pages plus loin, évoquant le projet de dépossession massive des
 Palestiniens et de sa justification dans l’esprit du fondateur du 
sionisme, Theodor Herzl :
« (…) Il est clair que dans la pensée de Herzl cela ne pouvait avoir 
lieu qu’à la condition qu’il y eût, au départ, une tendance de l’Europe à
 considérer les autochtones comme négligeables. C’est-à-dire que ces 
autochtones entraient déjà dans une grille de classification plus ou 
moins acceptable, qui faisait d’eux, sui generis, des êtres inférieurs aux hommes blancs ou occidentaux – et c’est cette grille culturelle de leur époque que les sionistes comme Herzl se sont appropriées, l’adaptant aux seuls besoins de nationalisme juif en développement. (…) »
« Finalement, qu’a ressenti la victime quand elle a vu les sionistes débarquer en Palestine ? Que pense-t-elle de ce qu’on dit du sionisme
 aujourd’hui ? Où et comment, à ses yeux, les pratiques qu’elle subit 
s’inscrivent-elles dans l’histoire du sionisme ? Ce sont là des 
questions qui n’ont jamais été posées ». [5] 
Ces questions qui ont directement trait au racisme, peu de journalistes,
 de politiques ou d’intellectuels se les posent en France trente-cinq 
ans plus tard. Elles ne grattent pas non plus la conscience de la Garde 
des Sceaux Christiane Taubira qui ne se lasse pourtant pas de citer 
Fanon (la blague !) et Césaire à toute occasion.
Ce qu’on observe en revanche, c’est que le combat antiraciste pour 
lequel se mobilisent tant d’associations, de penseurs et de politiques a
 incontestablement ses chantiers prioritaires. Et comme en témoigne 
l’infériorisation des Arabes qu’opère activement le sionisme
 depuis plus d’un demi-siècle – ces priorités ne se calculent pas sur la
 base concrète des victimes d’un racisme. Dommage pour les Arabes. Et 
pas seulement pour ceux de Palestine dont la tragédie 
est activement tolérée par les gouvernants français de droite comme de 
gauche. Mais aussi – dans le même mouvement et de manière moins violente
 – pour les Arabes ou Noirs de France, pour ces Musulmans, pour tous ces
 descendants de populations colonisées qui n’en finissent pas d’êtres 
concrètement discriminées, et qui le sont doublement par le sort qui est
 réservé à leurs semblables non-blancs toujours colonisés. Car ces 
populations sont bien – et c’est aussi pour cela que l’ouvrage de Saïd 
est important – historiquement concernées par ce colonialisme juif en ce
 qu’il puise ses ressorts idéologiques dans la vision du monde de 
l’Europe impériale du 19ème siècle.
Cela signifie 1) qu’une forme de colonialisme occidental continue de 
manière ostensiblement raciste ; et 2) que colonialisme européen, 
racisme et sionisme sont absolument indissociables. La résistance à l’un va donc inévitablement avec la résistance aux autres.
*
Et j’en reviens là au point central de mon propos : que tout 
français issu de l’immigration postcoloniale a de quoi se sentir 
intimement et racialement infériorisé par le sionisme
 qui poursuit son entreprise coloniale, et donc infériorisé par la 
politique française et ses discours soutenant cette idéologie. Dans 
l’imaginaire de millions de descendants de colonisés, la persistance du 
sionisme, de sa colonisation et de son racisme opératoire a des 
conséquences désastreuses qu’il serait temps de prendre en compte 
sérieusement dans toute discussion traitant du racisme en France.
Un exemple parmi tant d’autres : quand on voit un militaire israélien comme Arno Klarsfeld revendiquer haut et fort son sionisme et le droit d’Israël
 à coloniser des Arabes pour se voir ensuite attribuer, en France, un 
poste aussi symbolique que celui de « Directeur de l’Office de 
l’Immigration et de l’Intégration » : on peut mesurer combien reste 
opérante cette hiérarchie coloniale des peuples dont parle Saïd [6]. 
Quel poste un arabe français ayant pris publiquement les armes contre Israël pourrait-il espérer ?
Pourquoi est-ce que j’insiste là dessus, et pourquoi ai-je parlé de ce 
concert des discours dominants allant dans le sens d’un « antisémitisme 
postcolonial » ? Parce que cette soi-disant menace sonne à mes oreilles 
de fils d’immigré comme une grave mystification de plus jouant en 
défaveur des victimes concrètes et véritables du racisme ; c’est-à-dire 
du racisme en tant que système d’oppression émanant de structures de 
pouvoir. Et à cet égard, le constat est sans appel : à l’heure où le 
colonialisme raciste du sionisme continue de gagner du 
terrain (les colonies poussent comme des champignons) avec l’assentiment
 général de nos gouvernants ; à l’heure où ce racisme colonial occidental n’en
 finit pas de faire des ravages CONCRETS chez des millions et millions 
d’Arabes colonisés – et dans l’esprit de millions d’indigènes de France 
qui ne supportent plus de voir le racisme occidental s’acharner sur les 
leurs – on nous matraque cette menace d’un antisémitisme postcolonial qui gangrènerait nos quartiers.
Est-ce que ce monde est sérieux ?
Dans ce pays de France, ce n’est un secret pour personne, bien des gens 
qui ne sont pas humoristes revendiquent leur attachement, si ce n’est 
leur « amour [7]», pour Israël et le sionisme.
 Il y a d’ailleurs des situations qui sont plus parlantes que des 
déclarations. Je pense notamment au Président de la République François 
Hollande qui, s’adressant auCRIF(une assemblée acquise à la cause de l’apartheid),
 s’est permis de faire plus ou moins directement allusion, sous couvert 
« d’humour », à la sauvagerie des Algériens. Apparemment, il est de bon 
ton pour le président d’une ancienne puissance coloniale de renvoyer les
 Arabes à ces clichés qui ont justifié les si humanistes missions civilisatrices, les méthodes de répression qui allaient avec – la torture entre autres- et l’extermination que l’on connaît. Les sionistes duCRIFont
 apprécié la boutade. Les médias en ont parlé discrètement quelques 
jours, et après une petite pirouette rhétorique de l’Elysée, l’affaire 
était close.
Le constat est affligeant mais s’impose de lui même : le racisme 
colonial passe décidément comme une lettre à la poste dans le pays des 
droits de l’Homme. Pourquoi ? Car le racisme, encore une fois, n’a de 
poids véritable que s’il est institutionnalisé. Et ce n’est pas 
l’antisémitisme postcolonial qui l’est, c’est le racisme colonial – et 
avec lui le sionisme colonial qui lui est consubstantiel – comme cet exemple le montre bien.
Nous voyons les nôtres continuer d’être les victimes du colonialisme ; 
nous voyons le gouvernement français se faire l’éternel complice de ce 
colonialisme et de son racisme inhérent à l’encontre des nôtres : et on 
nous renvoie en pleine face, comme en guise d’avertissement, la 
résurgence d’un antisémitisme réactionnaire qui menacerait « la santé 
mentale » de notre société. Cet éternel deux-poids deux-mesures en dit 
long sur le racisme de notre société. Et Saïd, en 1979, l’avait déjà 
parfaitement identifié :
« Toute personne bien intentionnée peut donc à la fois s’opposer au 
racisme sud-africain ou américain et soutenir la discrimination raciale 
pratiquée par le sionisme (…) ». [8]
Voilà où nous en sommes toujours. Et voilà pourquoi il nous faut plus que jamais refuser cette normalisation du sionisme
 qui poursuit sa très raciste entreprise coloniale à l’encontre des 
Arabes palestiniens. Le refuser aussi car son soutien institutionnel de 
plus en plus décomplexé en France continue d’inférioriser – par sa 
reprise du racisme colonial en jeu – les populations issues de 
l’immigration postcoloniale.
Refuser le sionisme. Et répéter à ceux qui l’oublient ce qu’il signifie pour ses victimes, ce qu’il est et d’où il vient :
« Il faut répéter que ce qui dans le sionisme visait
 les objectifs sans doute justifiés de la tradition juive – préserver le
 peuple de l’exclusion et de l’antisémitisme et rétablir son identité 
nationale – correspondait aussi à ces aspects de la culture dominante 
(où, organiquement, le sionisme avait sa place) qui 
rendaient possible pour les Européens le fait de juger inférieurs, 
négligeables et sans importance les non-Européens. Pour l’Arabe 
palestinien, c’est donc la collaboration qui a compté. (…) L’Arabe a fait les frais non d’un sionisme bienveillant – qui était réservé aux Juifs – mais d’une culture essentiellement puissante et discriminante dont le sionisme a été l’agent en Palestine. » [9]
L’Arabe continue, encore et encore, de faire les frais de ce racisme colonial.
 Pendant que les discours dominants en France continuent, encore et 
encore, de le tolérer et de le soutenir. Et de nous rabâcher cette 
menace d’un antisémitisme postcolonial.
Pour qui nous prend-on ?
[1] Edward W. Saïd, « La Question de Palestine » (The Question of Palestine,
 1979 Vintage Books éditions, New York). Réédité en 2010 chez Actes Sud 
pour la traduction française. Les extraits cités sont tirés de cette 
version.
[2] Il y aurait toutefois beaucoup à dire sur ce prétendu racisme 
postcolonial, de même que sur le racisme anti-blanc dont on parle 
beaucoup. A ce sujet, d’excellentes contributions sont apportées par 
Sadri Khiari. Par exemple : « Construire une organisation politique autonome anticolonialiste » : consultable ici : http://indigenes-republique.fr/construire-une-organisation-politique-autonome-anticolonialiste/.
Lire aussi, du même auteur son texte : « Réponse à Philippe Corcuff concernant le communiqué des Indigènes de la république » : http://indigenes-republique.fr/reponse-a-philippe-corcuff-concernant-le-communique-des-indigenes-de-la-republique-sur-le-meurtre-dhalimi/.
[3] « La plus importante réussite du sionisme fut 
d’obtenir la légitimation internationale pour ses propres réalisations, 
faisant ainsi apparaître comme négligeable le prix de ces réalisations 
pour les Palestiniens, » (même si, encore une fois, ce prix se 
compte en millions de victimes, colonisées, massacrées, torturées et 
déshumanisées, NDLR). Edward W. Saïd, La Question de Palestine, p140.
[4] Edward W. Saïd, opus cité : p 137 – 138.
[5] Edward W. Saïd, opus cité : p 140 – 142.
[6] Et la nomination d’Arno Klarsfeld au Conseil d’Etat ne viendra pas me contredire.
[7] Je pense bien sûr au « chant d’amour pour Israël et ses dirigeants » qu’a dit vouloir chanter Hollande, lors de son dîner avec Netanyahu le 17 novembre dernier, à Jérusalem. Cette déclaration a été filmée, et est très facilement accessible sur internet.
[8] Edward W. Saïd, opus cité, p.127.
[9] Edward W. Saïd, opus cité p.141.
Source : Indigènes de la République