Mardi, en pleine agitation diplomatique autour de la tentative
américaine pour prolonger les pourparlers de paix israélo-palestiniens
au-delà du mois d’avril, une dépêche de l’agence de presse palestinienne
Maan est passée à la trappe.
Selon Maan, l’Autorité palestinienne a établi
un « haut comité national », chargé d’entrer en contact avec le Hamas
pour que des élections législatives et présidentielles se tiennent
immédiatement.
Le comité est composé de cinq Palestiniens : le responsable du Fatah Azzam Al-Ahmad ; l’homme d’affaires indépendant Munib
Al-Masri ; et les dirigeants de trois minuscules factions politiques Mustafa Barghouti, Bassam Salihi et Jamil Shahada.
Al-Masri ; et les dirigeants de trois minuscules factions politiques Mustafa Barghouti, Bassam Salihi et Jamil Shahada.
Si un tel accord est atteint avec le Hamas, peut-on lire dans l’article,
« l’AP se tournera vers les organisations onusiennes et fera immédiatement cesser les négociations. »
« l’AP se tournera vers les organisations onusiennes et fera immédiatement cesser les négociations. »
Les rumeurs de rapprochement entre le Fatah et le Hamas ont été confirmées mercredi par le journal du Hamas, Al-Resalah,
qui révèle que les cinq membres du comité visiteront Gaza samedi pour
discuter de l’accord. Les deux partis n’ont pas mené de dialogue de
réconciliation depuis plusieurs mois.
Mardi, le porte-parole du Hamas Sami Abu Zuhri
cachait mal sa satisfaction après la décision prise par Abbas de
rejoindre 15 conventions et organisations internationales.
« La tentative de l’AP de rejoindre les
organisations internationales est une décision tardive. Le Hamas appelle
à l’adoption d’une stratégie nationale pour faire cesser les
négociations ainsi que toute tentative d’amélioration des négociations
», a écrit Abu Zuhri sur sa page Facebook.
La décision effrontée et unilatérale d’Abbas
semble avoir mieux soudé les rangs palestiniens que ne l’ont fait huit
mois de négociations fastidieuses.
Abbas avait précédemment présenté deux
demandes opérationnelles pour étendre les négociations avec Israël : une
libération massive de détenus palestiniens des prisons israéliennes
(notamment trois dirigeants politiques) et un gel complet des
implantations.
De son côté, Netanyahu avait seulement émis
une demande, purement déclarative : la reconnaissance par les
Palestiniens d’Israël comme l’État du peuple juif.
De nombreux spécialistes considèrent la
précondition de Netanyahu comme une décision savamment calculée, visant à
désigner des coupables en cas d’échec des pourparlers. « Regardez »,
affirme déjà Netanyahu à ses concitoyens et à la communauté
internationale, « les Palestiniens rejettent l’existence même d’Israël
telle que nous la connaissons. »
Mais la manœuvre du Premier ministre est
tombée à plat avec de nombreux alliés d’Israël. L’ambassadeur de l’Union
européenne en Israël Lars Faaborg-Andersen a déclaré en janvier à des
journalistes que l’Europe ne pouvait saisir la demande israélienne.
« Je ne pense pas que nous ayons une position
claire sur ce sujet, car nous ne sommes pas sûrs à 100 % de comprendre
ce que signifie le concept d’État juif », a affirmé Faaborg-Andersen. Si les négociations échouent,
a-t-il poursuivi, « la responsabilité en incombera clairement à Israël »
pour sa politique de constructions dans les implantations.
Même le secrétaire d’État américain John Kerry
a récemment fait marche arrière alors que Washington soutenait jusqu’à
présent l’idée d’un « Israël juif. » Le 14 mars, il a déclaré devant le
Congrès que la demande israélienne était une « erreur » et qu’elle ne devrait pas servir à ralentir la poursuite des négociations.
Sur le front intérieur, la demande d’ « État
juif » n’est pas moins controversée. Le président Shimon Peres l’a
qualifiée de « superflue » et la présidente du parti Meretz Zahava
Gal-On a parlé d’ « absurdité. »
Même l’un des principaux alliés de Netanyahu
au sein de la coalition gouvernementale, le ministre des Finances Yair
Lapid, a affirmé en octobre dernier sur Bloomberg qu’Israël « n’avait
pas besoin » d’une telle reconnaissance.
Si Netanyahu croit que le refus palestinien de
reconnaître Israël comme État juif lui fera gagner le débat de
l’opinion publique, il risque d’avoir une mauvaise surprise.
Le Premier ministre israélien aurait pourtant pu jouer un tout autre jeu.
Depuis six ans, le Fatah et le Hamas ont
vainement essayé (ou, selon certains analystes, fait semblant d’essayer)
de parvenir à une réconciliation politique après le coup de force du
Hamas à Gaza en 2007.
Officiellement, Israël rejette le Hamas, qu’il
considère comme une organisation terroriste. Mais les dirigeants
palestiniens admettent qu’il est presque impossible d’envisager le
moindre accord de paix avec Israël sans y inclure le groupe islamiste.
Si Netanyahu voulait gêner Abbas, il aurait
simplement pu lui demander de prouver l’implication nationale des
Palestiniens dans les pourparlers, en organisant des élections ou un
référendum, alors que tous les voyants montrent qu’il existe un
consensus palestinien pour l’échec des négociations.
Interrogé sur la politique de refus du Hamas, lors d’une rencontre avec des étudiants israéliens en février,
Abbas s’est montré évasif. « J’ai reçu plus d’une preuve du Hamas qu’il
serait derrière mois en cas d’accord de paix », a-t-il affirmé aux
étudiants.
Mais cet argument est douteux.
Mais cet argument est douteux.
Le Hamas condamne généralement la moindre
rencontre d’Abbas avec les Israéliens et s’en prend explicitement à sa
volonté de se lancer dans des négociations de paix.
Yaakov Amidror, un ancien conseiller à la sécurité de Netanyahu, a confié au Times of Israel
que le Premier ministre n’avait pas fait de la réconciliation
palestinienne une précondition, car il savait qu’elle n’aurait jamais
lieu.
« Nous aurions toujours pu trouver de bonnes
excuses pour ne pas entrer dans les négociations, car il est clair que
[la réconciliation] n’aura pas lieu dans notre génération », estime
Amidror.
« Israël a décidé de négocier sur la Judée et la Samarie, en sachant qu’il y avait un problème avec Gaza. »
Amidror réfute l’idée selon laquelle la
demande virulente de Netanyahu de faire reconnaître Israël comme un État
juif soit un stratagème cynique pour plomber les pourparlers.
« Le but de ce Premier ministre n’est pas de
tricher. Si nous voulions tricher, nous dirions ‘Les gars, faites venir
le Hamas à la table des négociations et nous discuterons.’ Mais ce n’est
pas l’intention de ce Premier ministre. Il veut des négociations
sérieuses. C’est pourquoi les conditions qu’il émet sont censées rendre
possibles les négociations et non les empêcher », ajoute Amidror.
Il reste pourtant difficile d’imaginer comment
Netanyahu pourrait vendre au public israélien un accord de paix avec un
partenaire dont le mandat présidentiel a expiré il y a quatre ans et
qui n’exerce aucun contrôle effectif sur plus d’un tiers de sa
population.
Un ancien négociateur israélien juge lui que
si la reconnaissance palestinienne de l’État juif et la maîtrise du
Hamas sont des éléments cruciaux pour un accord de paix, aucun des deux
ne devrait apparaître comme des préconditions aux pourparlers.
« La reconnaissance d’Israël comme État juif
est une question critique et centrale, comme ce fut le cas dans les
précédentes négociations », juge l’avocat Gilead Sher, qui a participé
aux pourparlers de paix avec Yasser Arafat à Camp David en 2000, alors
qu’Ehud Barak était Premier ministre.
« Mais dans les précédentes négociations, ce
n’était jamais une précondition. L’hypothèse était que lorsque les
négociations arriveraient à maturité, une reconnaissance réciproque
aurait lieu : Israël reconnaîtrait l’État palestinien comme le seul État
du peuple palestinien, et les Palestiniens reconnaîtraient Israël comme
l’État du peuple juif », confie Sher au Times of Israel.
Sher, qui dirige aujourd’hui le centre pour le
Center for Applied Negotiations au sein de l’institut des études en
sécurité nationale (INSS), affirme que les négociateurs palestiniens ont
sans cesse manifesté leur volonté d’accepter Israël comme l’État juif à
la fin du processus.
« La réciprocité est très importante »,
dit-il. « Elle aura lieu avant la signature d’un accord sur le statut
final, dont on est encore loin. »
Contrairement à Amidror, Sher pense qu’ignorer
Gaza est une erreur. Mais si Israël posait aujourd’hui comme condition
aux pourparlers l’unité palestinienne, les chances de succès seraient
très minces, croit-il savoir.
« Au cours de sa jeune histoire, Israël n’a
enregistré que très peu de succès lorsqu’il a tenté d’influencer la
politique de ses voisins », rappelle Sher. « Généralement, cela s’est
terminé en échec total. »
Les Américains sont les plus à même d’inclure
le Hamas et le Jihad islamique au processus politique. Pendant ce temps,
estime Sher, Israël devrait « petit à petit créer les conditions pour
l’existence de deux États pour deux peuples » via les négociations et
même des « décisions unilatérales d’une portée restreinte. »
L’OLP est « le représentant formel et exclusif
» du peuple palestinien, ajoute-t-il. Abbas a dit à Israël qu’il avait «
signé un pacte formel » avec le Hamas pour faire accepter tout accord.
« Gaza n’est pas une entité différente et nous
ne devrions pas la considérer comme telle », affirme Sher. « Quand nous
parlons à une partie du peuple palestinien, il nous est intolérable de
devoir essuyer des attaques contre des zones résidentielles du Néguev,
lancées par l’autre partie. Les Américains devront gérer cette question
dans les prochains mois. »