Amon al-Sheikh 
Plus de 15.000 travailleurs palestiniens de la ville de 
Tulkarem et des villages voisins se rendent au poste de contrôle de 
Taybeh qui les sépare de la Palestine de 1948* pour leur travail dans 
différents secteurs. Les employeurs israéliens ne paient pas beaucoup 
mais les travailleurs palestiniens sont obligés de saisir les occasions 
parce qu’ils doivent bien gagner leur vie dans les conditions 
économiques difficiles qui règnent en Cisjordanie.
La police israélienne contrôle les cartes d’identité des Palestiniens dans une ruelle menant au quartier de la Mosquée al-Aqsa, le 16 mars 2014, dans la Vieille Ville de Jérusalem (AFP-Ahmed Gharabli)
Les Travailleurs tiennent l’Autorité Palestinienne (AP) pour 
responsable de leur misère. Ils ne demandent pas à l’AP de leur fournir 
des emplois, mais au moins de jouer son rôle dans l’organisation du 
passage des travailleurs par les postes de contrôle israéliens, et de 
profiter de sa coopération avec les occupants israéliens pour mettre un 
terme à leur humiliation. Tout ce qu’a fait l’AP, via le gouverneur de 
Tulkarem, c’est de suivre les difficultés rencontrées par les 
travailleurs palestiniens.
Tulkarem : 4 heures du matin. Des milliers de  travailleurs 
palestiniens se rassemblent au poste de contrôle de Taybeh devant une 
petite porte. Ils veulent passer dans la Palestine de 1948 pour 
travailler, parce que la Cisjordanie n’offre guère d’opportunités 
d’emploi. En fin de compte ils n’ont pas le choix : aller travailler en 
Israël ou mourir de faim.
Ils se fraient un chemin en jouant des coudes pour arriver au poste de contrôle avant l’heure réglementaire.
Chaque jour, ils sont soumis à des heures d’humiliation dans 
l’attente de pouvoir passer. AprèsTaybeh, il y a d’autres postes de 
contrôle à franchir. Arriver tôt à la première porte ne veut pas dire 
qu’on va passer en premier ou éviter la bousculade et la cohue de 
milliers de gens.
Au checkpoint d’Irtah, certains disent que le passage représente parfois la fatigue d’une journée de labeur ...
« Beaucoup ont subi des fractures ou ont risqué d’être piétinés. Vous
 pouvez mourir si vous faites une chute au milieu de la foule » dit Nasser Soubhi, un travailleur qui fait ce parcours presque tous les jours.
Soubhi est père de quatre enfants. Il a commencé à travailler en 
Palestine de 1948 il y a plus de 10 ans tout en ayant un diplôme de 
licence. Il dit : « Nous arrivons généralement vers 1 heure 30 du matin.
 Le dimanche, quand les foules sont les plus denses, certains 
travailleurs arrivent à 10h30. Nous essayons de nous tenir près de la 
première porte pour en finir le plus vite possible avec cet enfer ici et
 pour nous trouver de l’autre côté du poste quand nos employeurs 
arrivent ».
Il ajoute : « Là, les soldats israéliens ont installé un passage 
étroit qui ressemble plutôt à une cage à sens unique. Les travailleurs 
sont obligés d’y passer. Une fois qu’on est dedans, pas moyen de faire 
marche arrière ni de s’arrêter de marcher, parce qu’on est poussé en 
avant et  bousculé ».
Soubhi poursuit : « Il y a plusieurs guichets pour contrôler les 
permis, mais l’armée n’en ouvre que deux. Les soldats desservant les 
guichets s’arrêtent souvent pour papoter pendant que nous attendons 
notre tour. Les soldats adorent faire leur entraînement dans des 
endroits proches des postes de contrôle, pour nous faire peur. S’il n’y a
 pas d’entraînement, ils se mettent à hurler après nous et à nous lancer
 des ordres pour nous humilier ».
Il raconte qu’un jour des dizaines de ses collègues se sont mis à 
suffoquer après qu’on leur eut lancé des grenades lacrymogènes. « Il y a
 pas longtemps, un travailleur est mort en passant, à cause de la 
bousculade que les soldats eux-mêmes avaient provoquée. Quand vous 
enfermez autant de personnes dans un si petit espace, la mort est une 
issue qui n’a rien d’étonnant ».
Ainsi Adel Yaacoub, de la ville de Balaa près de 
Tulkarem, a subi cet ultime martyre en janvier dernier, après avoir été 
étouffé par du gaz lacrymogène au poste de contrôle de al-Taibi. Il 
laisse une femme et sept enfants.
Depuis le début de l’année, 8 travailleurs sont décédés en 
travaillant en Israël, résultat de conditions de santé et de sécurité 
condamnables, selon le Ministre du Travail palestinien Ahmed Majdalani. 
Dans une déclaration de mars dernier,  Majdalani dit : « L’augmentation 
des accidents et des décès liés au travail est due au fait que les 
Palestiniens effectuent les travaux dangereux et que les Israéliens 
refusent de les traiter dans les hôpitaux israéliens quand ils se 
blessent ». Il pose la question : « Pourquoi les transfère-t-on en 
Cisjordanie pour recevoir les premiers soins alors que leur état 
s’aggrave à chaque instant, et alors qu’une partie de leurs salaires 
sert  à compenser les soins de santé ? »
Entrer en douce au lieu d’obtenir des permis
Des milliers de jeunes gens palestiniens risquent leur vie en tentant
 de s’introduire en Israël pour travailler sans permis de travail. La 
police israélienne pourchasse ces hommes et soit les arrête soient leur 
tire dessus à balles réelles s’ils sont repérés près de la frontière.
Ahmed (un pseudonyme) a dû rester alité plus d’une 
semaine après s’être fracturé la jambe en tentant de fuir des soldats 
qui l’avaient repéré avec quelques autres, alors qu’ils tentaient 
d’entrer en douce près d’une zone-frontière. Ahmed raconte ce qui lui 
est arrivé : « J’ai couru entre les oliviers et j’ai trouvé un tracteur.
 J’ai essayé de grimper dans le véhicule que tirait ce tracteur pour m’y
 cacher, mais j’ai senti que la roue du tracteur écrasait ma jambe. Je 
ne peux pas travailler pour le moment, mais heureusement je n’ai pas 
reçu de balle ».
A la question sur son passage en douce, le jeune homme, la vingtaine,
 répond : « Les permis ne sont accordés qu’à des hommes mariés. Dans le 
passé il fallait aussi que la personne ait un enfant. Travailler en 
Israël est humiliant mais je n’ai pas d’autre choix. Parfois je me 
console du fait de me trouver en Palestine de 1948, dans une ville 
inaccessible à sa propre population d’origine ».
Même si ces jeunes gens réussissent à entrer et à travailler, le 
labeur de plusieurs jours peut ne pas être rétribué, parce que leurs 
employeurs israéliens refusent de les payer et qu’il n’y a aucune loi 
pour les protéger, ni personne pour les défendre.
Un Palestinien arrêté à un poste de contrôle. (palestinium)
Hamza (un pseudonyme)  possède un diplôme 
universitaire. Il a commencé à travailler en Israël il y a plus de 2 
ans. Il dit « Plus d’une fois, ils ont refusé de me payer. Je ne peux 
rien faire contre eux. J’essaie toujours d’entrer en douce avec un 
groupe de jeunes gens, parfois par des villes de Cisjordanie du nord ou 
même du sud. Nous essayons de profiter de la moindre occasion. Quand une
 route est exposée, nous en essayons une autre, mais chaque essai est 
plus dur que le précédent. Il ajoute : « Depuis plus de 2 ans j’ai fait 
des boulots très durs comme dans la construction ou l’agriculture ».
Il explique aussi comment lui est ses compagnons doivent quitter leur
 maison tard dans la nuit pour atteindre un point d’entrée. « Quand nous
 passons par un trou dans les barbelés, une voiture arrive, avec qui 
nous nous sommes arrangés, conduite en général par un Palestinien des 
territoires de 1948. En moins d’une minute, 15 à 20 hommes se tassent 
dans la petite voiture ».
Il poursuit : « Si les soldats trouvent la voiture, ils la prennent 
en chasse et nous devons sauter et nous cacher entre les arbres. 
Parfois, la police israélienne nous prend par surprise au travail et 
nous arrête ; ça m’est arrivé une fois ».
Ce sont des parcours mortels : soit les travailleurs s’introduisent 
en douce, soit ils passent par un poste de contrôle. Si la mort les 
épargne sur le chemin d’entrée, tout accident de travail en Israël est 
un risque fatal s’ils ne sont pas soignés rapidement. Néanmoins, les 
Palestiniens s’acharnent à essayer de gagner leur vie, même au cœur de 
leurs territoires occupés.
12 avril 2014 - al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://english.al-akhbar.com./conte...
Traduction :Info-Palestine.eu - AMM
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Traduction :Info-Palestine.eu - AMM