Nigel O’Connor - Al Jazeera
L’Egypte a démoli les tunnels de Gaza qui mènent 
vers son sol, coupant ainsi tous les approvisionnements nécessaires à la
 population civile.
Au mois de mars, les autorités Egyptiennes ont annoncé la destruction de 1.370 tunnels le long de la frontière Gazaouie.
Rafah, la Bande de Gaza – Dans un pavillon désert, deux hommes chargent des boîtes sur une petite remorque tirée par une moto.
Autrefois bourdonnante d’activité, l’administration des douanes du 
terminal de la Bande de Gaza enregistre à peine un flot réduit des 
importations depuis que l’armée Egyptienne a commencé à détruire le 
vaste réseau de tunnels de contrebande au lendemain de la destitution du
 Président Egyptien Mohamed Morsi.
Avoisinant le terminal vide et s’adossant sur une série d’immeubles 
vétustes et criblés de balles, un ensemble de structures à ossature 
métallique s’étendent au loin. Chaque recouvrement blanc abrite l’accès à
 un tunnel de contrebande privé et dont la fermeture n’a fait que 
paralyser davantage l’économie déjà assiégée de Gaza.
Au mois de mars, les autorités Egyptiennes ont annoncé la destruction de 1.370 tunnels le long de la frontière Gazaouie.
 « Ils travaillent actuellement d’arrache-pied pour détruire tous les
 tunnels, » déclare le garde-frontière du Hamas Mohamed Abu Hossam à 
partir de son poste de garde qui longe la frontière entre Gaza et 
l’Egypte. « Vous voyez les explosions de leur côté ? on dirait une 
guerre. Hier, elles étaient 20 explosions, aujourd’hui dix. »
Le blocus terrestre et maritime imposé par Israël sur la Bande de 
Gaza entre dans sa huitième année. Cette situation de fermeture a motivé
 la construction de tunnels pour importer les médicaments, la 
nourriture, les biens de consommation et les matériaux de construction. 
Et bien que certains spéculateurs aient pu faire fortune grâce à la 
construction des tunnels, le réseau a appuyé l’industrie de la 
construction en assurant de nombreux moyens d’existence à travers le 
travail, la distribution et la fourniture de matériaux.
 « Cela fait deux mois que les autorités Egyptiennes ont détruit le 
tunnel en le remplissant d’eau, » déplore Ahmed, travailleur dans les 
tunnels, en signalant l’entrée sombre de la tête. « Actuellement, il n’y
 a plus rien à faire et il n’y a plus aucune chance pour que les gens 
travaillent. Si les tunnels sont ouverts, il y a du travail à Gaza. Je 
suis marié et j’ai deux enfants que je dois nourrir et prendre en 
charge. Je suis chanceux de pouvoir encore travailler en surveillant 
l’entrée du tunnel. »
Avant leur destruction, les tunnels engageaient environ 20 personnes 
dont la tâche consistait à faire sortir la marchandise souterraine, la 
charger sur les camions pour ensuite la distribuer dans toute Gaza.
 « J’étais payé 80 shekels [$23] par jour, affirme Ahmed. Je portais 
le sable durant la construction du tunnel, et une fois opérationnel, je 
transportais la marchandise jusqu’aux camions qui l’attendaient. »
Ouvert et vulnerable
Sous la présidence de Morsi qui n’a duré qu’une année, le 
gouvernement Hamas, dont la formation fut inspirée du mouvement Egyptien
 des Frères Musulmans, a laissé ses relations se détériorer avec l’Iran,
 la Syrie et le Hezbollah, ses partisans de longue date. Ainsi, au 
lendemain du coup d’état militaire qu’a connu l’Egypte l’an dernier, le 
Hamas s’est retrouvé isolé et de toute évidence vulnérable.
La démolition du réseau de tunnels de la Bande de Gaza ainsi que la 
quasi-fermeture du passage frontalier de Rafah qui n’est ouvert que 
rarement et sporadiquement, traduisent l’opinion hostile que porte le 
Caire envers le gouvernement en place à Gaza. L’Egypte prétend que le 
Hamas entretient des relations avec les groupes armés basés au Sinaï et,
 en date du 4 mars, la Cour Suprême Egyptienne a interdit le Hamas de 
toute activité en Egypte. Le gouvernement a ensuite désigné le mouvement
 comme « organisation terroriste ».
Face à l’augmentation des contraintes monétaires, c’est l’aptitude du
 gouvernement à fonction qui est mise à l’épreuve. Le Ministère de 
l’Economie déclare qu’entre juillet et décembre, les pertes des recettes
 suite à l’arrêt des importations sont estimées à $460 millions et que 
50.000 fonctionnaires n’ont reçu qu’une partie de leurs salaires au 
courant des quatre derniers mois.
Interrogée par Al Jazeera, Isra al-Modallal, porte-parole du 
Hamas a déclaré : « Le gouvernement est confronté à de nombreux 
problèmes, mais les employés du gouvernement soutiennent notre mouvement
 et nous avons un plan d’urgence mais pas assez d’argent. » Elle ajoute 
que les blocus égyptien et israélien constituent une punition collective
 et contribuent à la création d’une crise humanitaire.
Et de poursuivre : « Tous les secteurs sont touchés. Les tunnels 
représentaient l’ouverture à la vie pour Gaza et leur fermeture affecte 
tous les secteurs de l’économie et engendre de nombreux problèmes au 
gouvernement. Mais la réalité est que par ces mesures, ce sont les 
civils qui paient pour ce qu’ils n’ont pas fait. Les gens ont besoin 
d’indépendance, de liberté et de justice, mais au lieu de cela, ils 
parlent d’électricité, de nourriture et d’eau. »
Au milieu de la crise croissante, la tension s’intensifie entre les 
factions armées de Gaza et Israël. En date du 12 mars, le Jihad 
Islamique a tiré plus de 70 missiles sur Israël en réponse à 
l’assassinat de trois de ses membres à Rafah. Malgré cet incident, le 
cessez-le-feu avec Israël, supervisé par le Hamas avec le consentement 
des différentes factions en place depuis 2012, semble s’être maintenu.
 « Nous pouvons contrôler la sécurité à Gaza, mais nous ne sommes pas
 en mesure de contrôler un soulèvement populaire, » a prévenu 
al-Modallal. « Nous ne pouvons pas maîtriser une troisième intifada. »
Pénuries chroniques
La pression s’accentue sur les civils à Gaza, dont environ 60% vivent
 dans l’insécurité alimentaire et où seulement 5% de l’eau locale est 
potable. Selon les estimations de l’ONU, le chômage a grimpé de 32.5% en
 septembre à 40%. Outre les employés des tunnels directement touchés, la
 pénurie des matériaux a conduit à l’arrêt de la majorité des projets de
 construction à Gaza et a fait beaucoup de sans emploi. La hausse des 
prix a également ajouté à la misère et à la pression sur les 1.7 million
 de Gazaouis.
A la suite des premières pénuries, Israël a augmenté l’importation de
 carburant de 20 fois afin de compenser le carburant moins cher qui 
provenait autrefois de l’Egypte, mais le prix a doublé. Le prix du gaz 
de cuisine a augmenté de 20% et les prix du pain et du riz ont 
respectivement augmenté de 11 et de 33%.
Et pour mesurer les changements, il suffit d’évaluer les achats de 
biens de consommation. Masrool Ramadan est propriétaire d’Abu Musa 
Electroniques à Rafah et avoue que personne n’achète plus rien sauf en 
cas d’extrême nécessité.
Faisant un signal de la tête vers les quelques frigos dans son 
magasin, il raconte : « Si quelqu’un doit acheter un article et qu’il 
peut se permettre, il l’achète, mais maintenant, il n’y a plus de marché
 et la situation est déplorable. Nous avions l’habitude de ramener 
d’Egypte des réfrigérateurs Japonais et Coréens flambant-neufs mais plus
 maintenant ; c’est à peine si nous ramenons des produits d’Israël de 
deuxième main. Il est très pénible d’acheter des produits d’Israël. 
Notre marchandise nous parvient via les points de passage, donc nous 
devons payer pour chaque jour que la marchandise passe au passage avant 
sa sortie, sachant que la durée de maintien peut atteindre jusqu’à un 
mois. »
Masrool reconnait que l’économie des tunnels n’était qu’une solution 
temporaire et vise à une amélioration permanente des relations entre 
Gaza et le monde extérieur.
 « Les tunnels ont été construits car c’était la seule solution pour 
la survie des gens. Tout le monde savait que leur exploitation n’était 
qu’une question de temps. Nous espérons que la frontière s’ouvre afin de
 permettre l’entrée de ce que nous voulons légalement, mais 
actuellement, il n’y a pas d’éclairage dans les rues et il n’y a pas 
d’espoir, » a-t-il conclu.
Mais pour ceux qui ont investi dans l’économie des tunnels, la 
perception de la situation dépend du degré de leurs pertes. C’est avec 
philosophie qu’Omar Ezam parvient à évaluer les choses, assis au-dessus 
de son tunnel détruit et contemplant l’amoncellement de gravats et 
d’acier tordu qui autrefois constituaient la maison qui abritait 
l’entrée égyptienne de son tunnel. En montrant de la main un groupe de 
chiens errants au loin, il explique : « Regardez ces routes. Il n’y a 
pas longtemps elles bondaient de camions, mais maintenant, elles sont 
devenues la propriété des chiens. »
Il s’est assis sur une pile de sacs de sable qui trainent à l’entrée 
du tunnel et qui servaient à dissimuler les activités des regards des 
soldats égyptiens placés sur la frontière.
« L’ère Morsi était faite de fleurs et de roses, c’était tout 
simplement la belle vie. A présent, l’espoir d’un dénouement ne se fera 
qu’avec le départ de Sisi, mais en attendant, il est très difficile que 
les choses changent, » souligne Omar avant de conclure : « Les Egyptiens
 ont le  droit de choisir leurs dirigeants, néanmoins, nous leur 
demandons de ne pas oublier leurs frères à Gaza. Nous avons, nous aussi,
 besoin de respirer. »
31 mars 2014 – Al Jazeera English – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.aljazeera.com/indepth/fe...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha
http://www.aljazeera.com/indepth/fe...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha