Libération avec AFP, vendredi 4 avril 2014
Les dirigeants israéliens et palestiniens s’accusaient
mutuellement jeudi d’avoir violé leurs engagements, enfonçant le
processus de paix dans la crise et menaçant d’effondrement l’édifice
patiemment échafaudé par le secrétaire d’Etat américain John Kerry.
Les pourparlers, entrés dans leur neuvième et dernier mois, ont
atteint « un moment critique », a reconnu le chef de la diplomatie
américaine à Alger, estimant qu’un échec sur les conditions de la
poursuite du dialogue constituerait « une tragédie pour les deux
parties » après plus de 20 ans de processus de paix.
« Il existe encore un fossé qui doit être comblé assez rapidement »,
a reconnu M. Kerry qui s’est de nouveau entretenu dans la journée avec
le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président
palestinien Mahmoud Abbas, réclamant « un compromis décisif pour
pouvoir avancer ».
Lors d’une rencontre qui a duré jusqu’à l’aube entre négociateurs
en présence des médiateurs américains, la chef de la délégation
israélienne Tzipi Livni a informé son homologue palestinien Saëb
Erakat que la libération d’un quatrième contingent de prisonniers,
prévue le 29 mars mais reportée, était désormais annulée.
Un dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Abed Rabbo, a indiqué à l’AFP ne « pas être surpris », affirmant qu’« Israël a l’habitude de se dérober aux accords et ententes qu’il a signés ».
« C’est la raison pour laquelle les conditions de toutes futures
négociations doivent changer radicalement », a-t-il estimé,
dénonçant une « politique constante de chantage et de pressions ».
La Maison Blanche a souligné que « la décision par les Israéliens
de retarder la libération d’un quatrième groupe de prisonniers
créait des difficultés », tout en indiquant qu’aucune des deux
parties n’avait « dit vouloir rompre les discussions ».
Une source proche des discussions a précisé que Mme Livni avait
justifié l’annulation des libérations par les demandes d’adhésion à 15
accords et traités internationaux signées mardi soir par le
président palestinien, alors que, selon elle, le gouvernement
israélien s’apprêtait à honorer son engagement.
Les dirigeants palestiniens avaient au contraire fait valoir que
l’exigence supplémentaire soulevée par Israël d’une prolongation
des pourparlers au-delà de l’échéance du 29
avril pour relâcher ces prisonniers les déliaient de leur obligation
de s’abstenir de démarches auprès de la communauté internationale.
’Lassitude américaine’-
Selon l’accord conclu en juillet sous l’égide de M. Kerry, Israël s’était engagé à libérer en quatre phases 104 prisonniers incarcérés avant les accords d’Oslo de 1993, dont les trois premiers groupes ont été relâchés.
En contrepartie, la direction palestinienne avait consenti
à suspendre toute démarche d’adhésion aux organisations
internationales, y compris les juridictions à compétence
mondiale susceptibles de poursuivre Israël.
Le chef de l’opposition israélienne, le travailliste Yitzhak
Herzog, a jugé le comportement des deux parties digne d’un « jardin
d’enfants », mettant en garde contre un désengagement de Washington.
« Il y a une lassitude profonde (des Américains) qui ont envie de
dire : les amis, faites ce que vous voulez, et appelez-nous quand
vous aurez terminé ! » a déclaré M. Herzog après une rencontre avec
l’ambassadeur américain en Israël Dan Shapiro.
Ce découragement américain est « dangereux, très dangereux » pour le processus de paix, a-t-il insisté.
Ces derniers jours, Washington a multiplié ses appels au sens des
responsabilités des dirigeants israéliens et palestiniens,
laissant entendre qu’il pourrait bientôt les abandonner à leurs
querelles.
« Vous pouvez faciliter, vous pouvez pousser, vous pouvez donner un
petit coup de coude, mais ce sont les parties elles-mêmes qui doivent
prendre des décisions cruciales en vue d’un compromis », a martelé
M. Kerry.
Dans la soirée, quatre roquettes tirées de la bande de Gaza contrôlée
par le mouvement islamiste Hamas sont tombées dans le sud d’Israël
sans faire ni victime ni dégât, a annoncé l’armée israélienne.
Des sources de sécurité israéliennes ont mis en garde contre un
échec des pourparlers, jugeant le risque encouru largement supérieur
à celui présenté par la libération de centaines de prisonniers
palestiniens supplémentaires, envisagée pour obtenir une
prolongation des négociations jusqu’en 2015.
« En coulisses, tous les responsables admettent qu’en cas d’échec
des négociations, les répercussions sur la sécurité d’Israël
seraient plus grandes encore que le prix qu’Israël doit payer pour les
poursuivre », a déclaré une source de sécurité citée par le quotidien
gratuit Israël Hayom, favorable à M. Netanyahu.