Pierre Barbancey, L’Humanité, vendredi 11 avril 2014
Jeudi à Paris, la campagne internationale « Libérez Marwan 
Barghouti et tous les prisonniers politiques palestiniens » 
a connu un nouvel élan.
« Le contexte politique est devenu extrêmement complexe », a rappelé 
Fadwa Barghouti avec, à ses côtés, de nombreuses personnalités, 
dont Patrick Le Hyaric, député européen et directeur de l’Humanité, 
Nicole Kiil-Nielsen, qui siège également à Bruxelles, Claude 
Léostice, présidente de la plate-forme des ONG françaises pour la Palestine, ou Taoufiq Tahani, président de l’Association France-Palestine solidarité (AFPS). Une situation qui replace la question de la libération des prisonniers politiques palestiniens – ils sont près de 5 000 – et singulièrement celle de Marwan Barghouti sous un nouveau jour.
«  Marwan  », comme on l’appelle dans les villes et les villages 
palestiniens, signe de sa popularité, est sans doute un homme hors du
 commun. Pour l’avoir rencontré à plusieurs reprises, nous savons 
qu’il n’aimerait pas cela, tant sa vie se confond avec la lutte de son 
peuple. Étudiant, à la tête d’un comité à l’université de Bir Zeit, 
dans les années 1980, il avait déjà été 
emprisonné. Le refus de l’injustice, au sens politique du terme, voilà
 ce qui le motive. Lorsqu’il a demandé la main de Fadwa, elle-même 
étudiante en droit, il a été clair  : «  Réfléchis pendant une semaine 
avant de dire oui, lui a-t-il dit. Parce que la route sera longue. 
Mais quand notre pays sera libéré, je te promets de me consacrer à notre
 famille.  » L’heure n’est pas arrivée, parce que l’occupation 
israélienne se poursuit. L’étudiant Marwan Barghouti se lance à corps 
perdu dans la politique. Dans les années 1980,
 il fait partie de cette génération de militants palestiniens non 
plus issue des combats de la décennie précédente mais, au contraire, 
qui accompagne les accords d’Oslo. Accords qui, pour Marwan, ne 
signifient pas rester l’arme au pied.
Alors que la colère bruisse dans les territoires palestiniens à l’orée des années 2000, il met en garde la direction de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP)
 et particulièrement du Fatah. La poursuite de la colonisation, 
le non-respect des accords, une vie palestinienne qui se 
détériore  : les ingrédients sont là pour une nouvelle Intifada. Avec
 un paramètre supplémentaire, le renforcement du mouvement 
islamiste, Hamas. Marwan Barghouti a non seulement compris le danger 
de cette mouvance – même s’il a toujours agi pour l’unité 
palestinienne – mais aussi de la sclérose de la direction 
palestinienne, dont certains membres étaient (sont) aux mains de 
différents pays arabes peu avares de financements. Depuis Ramallah, 
dès septembre 2000, responsable du Fatah
 en Cisjordanie, alors que la direction nationale est aphone, il 
appelle à la levée du peuple palestinien contre les colons et l’armée 
israélienne d’occupation, là où elle est positionnée dans les 
territoires palestiniens.
Marwan Barghouti est un député. Qui plus est, président du groupe 
d’amitié parlementaire Palestine-France. Arrêté illégalement en 2001,
 il purge actuellement une peine de trois fois la prison à vie. Les 
pressions israéliennes n’ont pas eu raison de sa détermination. Tant
 son combat politique est profond. Une aura, un charisme, qu’il a mis 
au service de son peuple. Il a rédigé un «  Document des 
prisonniers  », paraphé par l’ensemble des formations 
palestiniennes, qui est aujourd’hui une référence. Référence à la 
lutte pour l’État palestinien dans les frontières de 1967 aux côtés d’Israël, avec Jérusalem-Est comme capitale.
La question de la libération des prisonniers politiques 
palestiniens est maintenant au cœur du règlement du conflit. «  Cette
 campagne vise à contester la vision sécuritaire d’Israël  », 
souligne Majed Bamya, chargé du dossier auprès du ministère 
palestinien des Affaires étrangères. «  Le message est que la liberté 
des prisonniers et la fin de la colonisation ne sont pas une 
résultante d’un accord de paix mais le passage nécessaire vers un 
accord de paix.  » Une idée nouvelle et essentielle. La direction 
palestinienne (OLP et Autorité 
palestinienne) soutient maintenant totalement la libération des 
prisonniers et mentionne le nom de Marwan Barghouti comme un 
paramètre essentiel. «  Soutenir la libération de Marwan Barghouti, 
c’est soutenir l’idée d’un État de Palestine dans les frontières de 1967  », souligne Fadwa Barghouti.
Comité international, comité en France… reste maintenant à faire 
vivre au quotidien cet engagement des participants. Patrick Le 
Hyaric a rappelé que son groupe au Parlement européen a multiplié les 
démarches en ce sens et a obtenu qu’une résolution permette d’enquêter
 sur la situation des prisonniers politiques palestiniens, dont 
Marwan Barghouti. Dans le monde, personne ne s’y trompe. Ahmed 
Kathrada, qui a passé vingt ans dans les geôles de l’Afrique du Sud, 
a lancé la campagne internationale pour la libération de Marwan 
Barghouti et de tous les prisonniers politiques palestiniens, 
à Robben Island, là même où Nelson Mandela avait été emprisonné par le 
régime de l’apartheid. Tout un symbole.