Jonathan Cook
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a rarement
 été aussi assiégé politiquement. Les difficultés qu’il rencontre 
reflètent l’incapacité de la droite israélienne à répondre à l’évolution
 du paysage politique, que ce soit dans la région ou dans le monde.
Les ennuis dont il est question ont pour contexte l’engagement qu’il a
 pris en 2009, sous la pression considérable du président américain 
nouvellement élu, Barack Obama, pour soutenir la création d’un État 
palestinien. Netanyahou n’avait jamais souhaité faire cette concession 
et le regrette depuis.
Le secrétaire d’État américain John Kerry a exploité cette promesse 
en imposant les pourparlers de paix actuellement en cours. Netanyahou 
est aujourd’hui confronté à un « accord-cadre » imminent qui pourrait 
l’obliger à prendre de nouveaux engagements et à favoriser ainsi un 
résultat qu’il refuse catégoriquement.
Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, n’apporte 
aucune aide de son côté. Plutôt que de s’accrocher à ses positions, il 
propose un hébergement constant. La semaine dernière, Mahmoud Abbas a 
déclaré au New York Times qu’Israël pourrait prendre cinq ans pour 
retirer tranquillement ses soldats et ses colons de la vallée du 
Jourdain, alors qu’il s’agit d’une zone-clé du territoire palestinien. 
L’État palestinien resterait démilitarisé, tandis que les troupes de 
l’OTAN pourraient rester « longtemps et partout où elles veulent ».
La Ligue arabe constitue un deuxième point épineux, puisqu’elle a 
renouvelé sa proposition émise en 2002, l’Initiative de paix arabe, qui 
promet à Israël des relations pacifiques avec le monde arabe en échange 
de son accord pour la création d’un État palestinien.
Pendant ce temps, l’Union européenne accentue la pression vis-à-vis 
de l’occupation et condamne régulièrement la construction frénétique de 
colonies par Israël, comme après l’annonce faite la semaine dernière 
indiquant la construction de 558 maisons de colons à Jérusalem-Est. 
Enfin, en arrière-plan, des sanctions planent sur les produits des 
colonies.
Les institutions financières européennes nous fournissent un 
baromètre utile mesurant l’état d’esprit qui règne parmi les 28 États 
membres de l’UE. Ces derniers sont devenus les pionniers inattendus du 
mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions : les banques 
fournissent un flot continu et les fonds de pension ont retiré leurs 
investissements au cours des dernières semaines.
Soulignant que les boycotts et les campagnes de « délégitimisation » 
ne feront que s’accélérer, Kerry a averti Israël en qualifiant sa 
politique traditionnelle comme étant « insoutenable ».
Ce message paraît sincère aux yeux de nombreux chefs d’entreprise 
israéliens qui sont venus appuyer le plan diplomatique des États-Unis. 
Selon eux, la mise en place d’un État palestinien permettra à Israël 
d’accéder à des marchés régionaux lucratifs et d’assurer une croissance 
économique continue.
Netanyahou a dû être déconcerté d’apprendre que parmi ceux qui ont 
rencontré John Kerry le mois dernier, lors du Forum économique mondial 
de Davos, pour lui apporter leur soutien, figurait Shlomi Fogel, proche 
de longue date du Premier ministre.
Les pressions qu’il subit sur ces différents fronts peuvent expliquer
 la décision de Netanyahou de convoquer précipitamment ses principaux 
ministres, afin d’élaborer une stratégie visant à contrer la tendance 
vers le boycott. Il a été proposé de lancer une campagne médiatique de 
28 millions de dollars, de mener une action en justice à l’encontre des 
institutions qui recourent au boycott, mais aussi d’accentuer la 
surveillance des militants à l’étranger par le Mossad.
Sur la scène nationale, Netanyahou, connu pour accorder bien plus de 
valeur à sa survie politique qu’à toute autre préoccupation, se retrouve
 également malmené. Il est attaqué sur son flanc droit par des rivaux 
appartenant à sa coalition.
Naftali Bennett, à la tête de la colonisation, a provoqué ce mois-ci 
une polémique avec Netanyahou après l’avoir accusé d’avoir perdu son 
« sens moral » au cours des négociations. Dans le même temps, Avigdor 
Lieberman, ministre des Affaires étrangères issu du parti d’extrême 
droite Israel Beitenou, a radicalement changé d’approche et caresse 
Kerry dans le sens du poil, le qualifiant de « véritable ami d’Israël ».
 La direction politique peu probable de Lieberman ont rendu les 
querelles que Netanyahou mène contre les États-Unis « puériles et 
irréfléchies », selon les termes d’un analyste local.
C’est à la lumière de ces pressions croissantes sur Netanyahou que 
l’on doit comprendre son comportement de plus en plus incohérent, alors 
que le fossé se creuse avec les États-Unis.
Une situation de discorde est née le mois dernier suite aux propos 
insultants du ministre de la Défense à l’encontre de John Kerry. Cette 
situation aux conséquences néfastes ne s’est pas calmée depuis. La 
semaine dernière, Netanyahou a une nouvelle fois lancé ses plus proches 
alliés au cabinet à l’assaut de Kerry, l’un d’entre eux ayant indiqué 
que les déclarations du secrétaire d’État américain étaient 
« offensantes et intolérables ».
Susan Rice, conseillère de Barack Obama à la sécurité nationale, a 
fait part de son mécontentement en postant sur Twitter ce qui sonne 
comme un coup de semonce. Les attaques du gouvernement israélien étaient
 « totalement infondées et inacceptables », a-t-elle jugé. Tout doute 
possible sur le fait qu’elle parle au nom du président a été dissipé 
plus tard lorsqu’Obama a salué « la passion extraordinaire et la 
diplomatie de principes » dont John Kerry fait preuve.
Néanmoins, malgré les signes apparents, Netanyahou est moins seul 
qu’il en a l’air et bien loin d’être prêt à faire des compromis.
La majeure partie de l’opinion publique israélienne est derrière lui,
 grâce notamment aux magnats des médias, comme son ami Sheldon Adelson, 
qui attisent une atmosphère nationale d’assiègement et de victimisation.
Mais surtout, une grande partie des forces de sécurité et économiques d’Israël est de son côté.
Les colons ainsi que leurs alliés idéologiques se sont infiltrés en 
profondeur dans les plus hauts rangs de l’armée et du Shin Bet , le 
service de renseignements secrets d’Israël. Le journal Haaretz a révélé 
ce mois-ci une information inquiétante en affirmant que trois des quatre
 dirigeants du Shin Bet s’associent aujourd’hui à cette idéologie 
extrémiste.
En outre, des éléments influents des forces de sécurité apportent à 
la fois un soutien financier et idéologique à l’occupation. Au cours des
 dernières années, le budget de la Défense a atteint des niveaux 
records, dans la mesure où toute une frange supérieure de l’armée se 
sert de l’occupation pour justifier les salaires et retraites 
exagérément élevés qu’ils empochent.
Les entreprises génèrent également de vastes profits lors de ce statu
 quo, des industries de haute technologie aux industries voraces en 
ressources. Des indications de l’enjeu sont récemment apparues lorsqu’il
 a été annoncé que les Palestiniens devront acheter à Israël deux 
ressources naturelles essentielles (le gaz et l’eau) au prix fort, alors
 qu’ils en disposeraient en abondance sans l’occupation.
Soutenu par ces groupes d’intérêt, c’est un Netanyahou provocateur qui, cette fois-ci, pourra probablement faire face à l’assaut diplomatique des États-Unis. Kerry n’a toutefois pas tort de prévenir que dans le long terme, un nouveau triomphe de l’intransigeance israélienne sera finalement une victoire à la Pyrrhus.
Soutenu par ces groupes d’intérêt, c’est un Netanyahou provocateur qui, cette fois-ci, pourra probablement faire face à l’assaut diplomatique des États-Unis. Kerry n’a toutefois pas tort de prévenir que dans le long terme, un nouveau triomphe de l’intransigeance israélienne sera finalement une victoire à la Pyrrhus.
Ces négociations pourraient ne pas aboutir à un accord, mais elles 
marqueront néanmoins un tournant historique. La délégitimisation 
d’Israël est bel et bien en cours, et ce sont les dirigeants israéliens 
eux-mêmes qui sont en grande partie responsables des dégâts.
* Jonathan Cook a remporté le prix spécial de 
journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont Israel and the 
Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle 
East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in 
Human Despair (Zed Books). Il a écrit cet article pour 
PalestineChronicle. Site internet : www.jonathan-cook.net. (Cet article a été publié pour la première fois dans le journal The National d’Abou Dhabi.)
Du même auteur : 
http://www.palestinechronicle.com/t...
Traduction : Info-Palestine.eu - Valentin C.