Autre pavé dans la mare du journaliste israélien, qui écrit dans Haaretz
 l’article que nous avions tous envie d’écrire : « L’annexion de la 
Crimée peut poser problème, mais moins que l’occupation israélienne des 
territoires palestiniens ».
Saddam Hussein a déjà été exécuté, de même qu’Oussama ben Laden. Mais
 tout n’est pas perdu pour l’Occident éclairé. On a un nouveau diable. 
Il s’appelle Vladimir Poutine. Il déteste les homosexuels, alors les 
hauts responsables éclairés ne sont pas allés à Sotchi. Le voilà qui 
occupe une terre, alors on va lui imposer des sanctions. L’Occident crie
 partout comme un putois : Comment ose-t-il annexer le territoire de la 
Crimée ?
Les États-Unis est la superpuissance responsable du pire carnage 
commis depuis la Seconde Guerre mondiale. Les victimes ensanglantées 
nous implorent, enfouies sous la terre de Corée, du Vietnam, du Cambodge
 et du Laos, de l’Iraq, du Pakistan et de l’Afghanistan. Pendant des 
années, Washington s’est ingéré dans les affaires internes de l’Amérique
 Latine, comme si c’étaient les siennes, installant et renversant les 
régimes, bon gré mal gré.
Qui plus est, le nombre de détenus dans les prisons américaines et 
leur proportion par rapport à la population, est la plus élevée du 
monde, y compris la Chine et la Russie. Depuis 1977, 1.246 personnes, 
dont certaines étaient innocentes des accusations portées contre elles, 
ont été exécutées aux États-Unis. Huit états des USA restreignent la 
liberté d’expression contre l’homosexualité par des moyens qui 
ressemblent beaucoup à la loi anti-gay promulguée par Poutine. C’est 
cette superpuissance qui, avec ses alliés et ses états vassaux, crie 
haro sur le nouveau diable.
Ils protestent contre l’occupation de la péninsule de Crimée, comme 
si c’était l’occupation la plus épouvantable du monde. Pour ça, ils vont
 punir la Russie. Peut-être qu’ils vont même s’engager dans une guerre 
mondiale pour libérer Sébastopol. L’Amérique peut occuper l’Irak – la 
guerre contre la terreur, et les armes de destruction massive justifient
 cette action, comme tout le monde sait – mais la Russie n’a pas le 
droit d’envahir la Crimée. C’est une violation de la loi internationale.
 Même un référendum est une violation de la loi – que l’Occident observe
 si scrupuleusement, comme tout le monde sait.
Mais évidemment, la vérité est loin du monde de cette partialité 
moralisatrice, comme l’orient l’est de l’occident. L’annexion de la 
Crimée peut poser problème, mais moins que l’occupation israélienne des 
territoires palestiniens. Elle est plus démocratique que le projet 
d’échange de territoires proposé par Avigdor Lieberman. Au moins, la 
Russie a demandé aux habitants sous quelle puissance souveraine ils 
voulaient vivre, ce à quoi Lieberman n’a jamais pensé.
Les raisons pour lesquelles la Russie a annexé la Crimée sont plus 
convaincantes que l’annexion de facto des territoires occupés par 
Israël. Les Russes et les Israéliens emploient la même terminologie : 
droits ancestraux et liens historiques. Les Israéliens ajoutent des 
raisons tirées de la Bible, et y ont incorporé les notions de caractère 
sacré et de croyance messianique. « La Crimée et Sébastopol retournent 
vers … leurs propres rivages, leur port d’attache, la Russie » selon 
Poutine. En Israël, le premier ministre Benjamin Netanyahou parle du 
« rocher de notre existence ».
Mais, alors que la plupart des habitants de Crimée sont russes, la 
plupart des habitants des territoires sont palestiniens – la différence 
est minime, voire insignifiante...
La Russie est aussi plus honnête qu’Israël : Elle déclare son 
intention d’annexer le territoire. Israël, qui, à toutes fins utiles, a 
annexé ses territoires il y a longtemps, n’a jamais osé l’admettre.
L’occupation israélienne ne résonne pas dans le monde – pas de 
sanctions et sûrement pas de menaces de guerre – comme le fait 
l’occupation de la Crimée. Netanyahou n’est pas le diable, ni aux yeux 
des Américains, ni à ceux des Européens, et on ne parle jamais des 
violations de la loi internationale par Israël. L’occupation 
israélienne, qui est plus cruelle que celle de la Crimée, n’est pas 
reconnue comme telle, et l’Occident ne fait rien du tout pour y mettre 
définitivement fin. Les États-Unis et l’Europe lui fournissent même des 
fonds et des armes.
Cela ne veut pas dire que la Russie ne mérite pas d’être critiquée. 
L’héritage de l’Union Soviétique est horrible, et la démocratie en 
Russie est loin du réel, que ce soit la déclaration de guerre de Poutine
 contre les médias et la liberté d’expression, ou la honteuse affaire 
« Pussy Riot ». Il y a une montée de la corruption et, avec elle, le 
règne des oligarques. Poutine ne parle pas aussi noblement que le 
président des USA, Barack Obama, mais c’est l’Amérique et non la Russie,
 qui administre Guantanamo.
Malgré les pontifiants discours occidentaux sur la justice et le 
droit international, c’est en réalité le diable occidental qui s’habille
 en Prada, tandis qu’il en fait bien plus que la Russie pour saper ces 
valeurs dont il fait l’éloge."
Gidéon Levy(Traduit par Chantal C. pour CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine