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mardi 1 novembre 2011

Les colons en passe de réussir une prise de contrôle hostile d’Israël

mardi 1er novembre 2011 - 07h:31
Gideon Levy - Ha’aretz
Posez-vous la question : "Voulez-vous vraiment vivre dans un pays où ce sont les dirigeants d’une entreprise coloniale qui attribuent les terres du pays, créent ses sites naturels, se prononcent sur ses lois, et contrôlent de plus en plus ses modes de vie ?"
La phase I est depuis longtemps déclarée comme un succès total : les colons ont pris le contrôle des territoires occupés, utilisant leur pouvoir et leurs projets de construction pour contrecarrer tout arrangement équitable. Mais quiconque a pu croire qu’ils allaient se contenter de contrôler la Cisjordanie devrait jeter un œil sur la phase II du plan, qui est à son point culminant et constitue déjà un véritable succès.
Maintenant, après la prise de pouvoir hostile de la Cisjordanie, on en vient à la prise de pouvoir de l’État. Maintenant que leur soif de terres a été quelque peu assouvie, ils tournent leur attention vers des régions beaucoup plus vastes que leurs domaines déjà considérables. A partir de maintenant, Yesha (Judée, Samarie, Gaza) est vraiment ici. A partir de maintenant, il ne leur suffit plus de diriger les conseils des collectivités locales dans les territoires ; maintenant ils visent les lieux de pouvoir à l’intérieur même d’Israël, afin de le façonner à leur image. Ils ont pris la région de Gush Etzion en Cisjordanie, maintenant ils veulent la région de Gush Dan en Israël.
Ils utilisent une méthode qui a fait ses preuves : hectare après hectare, avant-poste après avant-poste (gouvernemental), bureau après bureau (gouvernemental). Une minorité marginale, d’environ 100 000 colons idéologiques au total, tente d’obtenir le contrôle d’un pays d’une population de sept millions. Il ne faudra pas que ceux qui ferment les yeux sur ce qu’il se passe actuellement soient surpris de se réveiller un jour dans un autre pays, tout comme nous nous sommes réveillés un jour avec une autre Cisjordanie.
Comme d’habitude, la clé de leur manœuvre c’est l’occupation, des positions de pouvoir plutôt que du territoire. Leur première cible fut les Forces de défense israéliennes : leurs soldats et officiers y sont déjà presque omniprésents. Maintenant, leur nouvelle cible est la société civile. Comptez sur eux pour qu’ils accumulent des victoires retentissantes dans ce domaine aussi, dans une large mesure en raison de l’impuissance et de la complaisance de la majorité silencieuse. Quelques exemples récents : on a un colon à la tête de l’Administration des Terres d’Israël, un colon comme directeur de l’Autorité de la Nature et des Parcs d’Israël et un premier colon qui est sur le chemin de la Cour suprême. Il s’agit là de postes de pouvoir sensibles et importants, mais ce ne sont que les signes annonciateurs d’un automne qui pourrait amener un hiver où une minorité religieuse dangereuse et puissante, messianique, nationaliste et manifestement antidémocratique viendra régner sur nos vies.
Ne vous racontez pas d’histoires : les colons s’emparent de ces positions de pouvoir dans le but exprès d’imposer leur idéologie. Naturellement, ils ont le droit de se l’appliquer à eux-mêmes, mais quiconque a une conscience ou se préoccupe du caractère de l’État a le devoir d’essayer de mettre un point d’arrêt à cette hostile prise de pouvoir. Nul besoin d’expliquer l’importance qu’un dirigeant colon soit en charge des terres de l’État ou de ses sites naturels et de ses parcs nationaux. Bentzi Lieberman et Shaul Goldstein n’ont pas été désignés sur la force de leurs seules compétences. Ils l’ont été en raison de leur idéologie. Mais l’admission d’un colon à la Cour suprême peut être le plus exaspérant de tout.
Noam Sohlberg entre en ce moment à la Cour suprême sur les ailes de ses croyances religieuses, des croyances qui ont déjà trouvé leur expression dans ses décisions scandaleuses en tant que juge au tribunal de district : l’acquittement de quelqu’un qui a tué un Arabe, la libération de colons insurgés et les restrictions à la liberté de la presse. Ses patrons, et en premier lieu le ministre de la Justice, Yaakov Neeman, veulent quelqu’un comme lui à siéger dans la tour de justice. C’est exactement pour cela que la majorité, qui désapprouve les modes d’action des colons, doit s’opposer à sa nomination. Un résident d’Alon Shvut (colonie israélienne au sud-ouest de Jérusalem, en Cisjordanie occupée, illégale comme toutes les colonies - ndt), dont près d’un tiers se trouve sur une terre privée palestinienne, obtenue carrément par la tromperie et, plus tard, par la force ou la fraude, un tel résident ne peut être juge dans un pays respectueux du droit. Pas à cause de la kippa sur sa tête, mais parce que c’est un criminel aux yeux du droit international et de la justice universelle.
Le colon Solhlberg arrive à la Cour suprême avec des mains sales. Il ne changera pas l’essence de la Cour suprême - qui, dans tous les cas, n’a jamais fait obstacle à l’occupation : voir le film incisif et impressionnant de Ra’anan Alexandrowicz, « Shilton Ha Chok » (La terre dans ces régions), et comprendre la vision du monde de l’ancien président de la Cour suprême, Meir Shamgar, l’une des personnalités qui ont donné sa légitimité à l’occupation -, il ne changera pas l’essence de la Cour, mais sa nomination a une signification symbolique profonde.
Au cas où quelqu’un l’aurait oublié : les colonies sont une entreprise méprisable, basée sur la violence, l’ultranationalisme et le viol du droit. Tout colon porte la marque de Caïn sur son front. Maintenant, posez-vous la question : voulez-vous vraiment vivre dans un pays où ce sont les dirigeants de cette entreprise coloniale qui attribuent les terres du pays, créent ses sites naturels, se prononcent sur ses lois, et contrôlent de plus en plus ses modes de vie ?
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Gideon Levy : Né en 1955, à Tel-Aviv, journaliste israélien et membre de la direction du quotidien Ha’aretz, Gideon Levy dénonce inlassablement les violations commises contre
les Palestiniens 
et le recours systématique 
à une violence 
qui déshumanise 
les peuples dressés l’un contre l’autre.
30 octobre 2011 - Ha’aretz - traduction : JPP
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