Ramzy Baroud
         La  solidarité internationale avec les Palestiniens 
s’intensifiant, il est difficile de comprendre l’autosatisfaction de 
Tel-Aviv
        
Dans sa colonne du 10 Octobre publiée par le journal israélien Ynetnews
 , Guy Bechor arrive à une conclusion déconcertante. « Ce sont  les 
Israéliens qui ont été les premiers à soulever l’argument de la 
délégitimation : Israël se transformerait en une nouvelle Afrique du 
Sud, à la suite de son isolement dans le monde occidental, ont-ils dit 
... Cependant, cet argument n’a jamais beaucoup tenu la route, et même 
s’il l’avait tenue, il s’est infléchi durant l’année écoulée ».
Il est époustouflant de voir les membres de 
l’intelligentsia israélienne dominante  contester l’idée même qu’ils ont
 imprimée eux-mêmes dans la conscience publique. Ils accusent 
d’antisémitisme les prétendus « délégitimisateurs » , et ils ont aussi 
terrifié leur  propre peuple avec des scénarios apocalyptiques.
Une passionnée de la théorie de la délégitimation est la
 dirigeante de l’opposition israélienne et présidente du parti Kadima, 
Tzipi Livni."« La menace de délégitimation intensifie les autres menaces
 auxquelles Israël est confronté, et limite notre capacité à nous 
protéger », a-t-elle dit lors d’une conférence organisée par son parti 
et le Centre interdisciplinaire de Herzliya. « Les missiles, les  chars 
et les excellents combattants d’Israël ne peuvent pas protéger 
correctement l’État d’Israël, si nous avons les mains liées dans le 
dos », a-t-elle ajouté, selon Haaretz (24 août 2010).
Livni a orchestré au premier plan la guerre de Gaza en 
2008-09. La guerre contre la Bande assiégée - qui était déjà dévastée 
par une crise humanitaire sans précédent - a tué plus de 1.400 
Palestiniens et en a blessé près de 5500. Dans nombre de rapports sur 
les droits humains, Israël a été accusé d’avoir commis des crimes de 
guerre et des crimes contre l’humanité au cours des 22 jours de frappes 
aériennes intensives.
Pourtant, le tollé international n’a pas réussi à 
« lier » les mains "des excellents combattants » d’Israël ni à ralentir 
la progression de ses bulldozers et de ses maçons, qui ont fait des 
ravages en Jérusalem-Est occupée et en Cisjordanie. Qui plus est , des 
centaines de Palestiniens ont depuis été tués et blessés dans la Bande 
de Gaza, Israël étant déterminé à rompre la trêve tacite conclue avec 
les factions palestiniennes. Quant au siège, il se poursuit malgré la 
libération du soldat israélien capturé, Gilad Shalit le mois dernier.
Alors, pourquoi Israël est-il tellement furieux devant 
la présumée campagne de délégitimation ? Est-il possible que la campagne
 mondiale pour les droits des Palestiniens ait franchi les frontières 
traditionnelles des conflits lancés par Israël pour pénétrer dans une 
zone où il ne peut pas utiliser le phosphore blanc, les avions de combat
 et les drones ?
Dans le Jerusalem Post,  Caroline 
Glick a récemment fourni un synopsis du problème et a proposé sa 
solution. Dans son article intitulé « délégitimer  le  
délégitimisateur », elle dit : « La seule façon de vaincre ceux qui 
nient nos droits sur notre terre, notre nation et notre histoire est de 
démasquer leur corruption, et leurs intentions haineuses envers le 
peuple juif. »
Cette déclaration est non seulement bêtement bizarre et 
fausse - Israël doit être critiqué à la mesure de son action illégale, 
et doit être traité comme tout autre pays qui de manière délibérée et 
répétée enfreint les lois internationales et humanitaires - elle est 
aussi très injuste à l’encontre des communautés juives où qu’elles 
soient.
Dans un article paru le mois dernier  dans Electronic Intifada,
 Ali Abunimah caractérise ces arguments imprudents - se référant à la 
tactique de l’ADL - comme « intrinsèquement antisémites parce qu’ils 
supposent à tort et sur le plan historique que toute critique d’Israël 
équivaut à une critique des juifs ... Autrement dit, ils incluent à tort
 tous les juifs dans un stéréotype qui en fait des partisans 
inconscients des politiques atroces pratiquées par Israël tout en les y 
associant ».
Campagnes de la société civile
Alors, que faire lorsque le caractère de la bataille 
change de façon spectaculaire ? Comment pouvez-vous livrer une bataille -
 c’est ainsi qu’Israël perçoit toujours ses problèmes - avec des 
militants de la société civile, des écrivains, des militants à bord de 
petits bateaux venus de l’étranger et chargés de fournitures médicales, 
et une communauté internationale qui ne se laisse démonter ni par la 
crainte d’un veto US, ni ne se laisse intimider par les vieilles 
tactiques et accusations ?
Bien qu’il soit pleinement préparé pour toutes sortes de
 combats, Israël est encore mal équipé pour faire face à la société 
civile, qui est de plus en plus indignée - non seulement par le mépris 
flagrant d’Israël pour les droits humains, mais aussi par l’hypocrisie 
des gouvernements occidentaux qui permettent  de telles violations.
Prenez par exemple le récent vote pour l’admission à 
l’Unesco de l’État de Palestine comme membre à part entière. Cet 
organisme représente l’ensemble de la communauté internationale, et 
déploie des efforts impressionnants en temps de paix. Au lieu de saisir 
l’occasion du vote pour  poursuivre un dialogue culturel et politique, 
les USA et Israël ont eu recours aux insultes et à la contrainte.
Les deux pays ont gelé les paiements à l’organisme de 
l’ONU à concurrence de  82 millions de dollars. Et tandis qu’Israël a 
décidé de retenir illégalement les taxes collectées au nom de l’Autorité
 nationale palestinienne, des membres du Congrès US sont en train de 
pousser une législation visant à punir collectivement les pays et les 
organismes internationaux qui prennent le parti d’un État palestinien 
indépendant.
Un tel comportement pourrait intimider une institution, 
un journal, ou même un gouvernement, mais il ne dissuadera pas la 
société civile internationale. Par ailleurs, Israël peut tester avec 
succès des missiles balistiques, mais il ne peut pas sortir de 
l’isolement, dans lequel l’ont enfermé ses propres actions violentes et 
illégales. Le vote à l’Unesco a exprimé le mécontentement de la 
communauté internationale envers Israël, et son empressement à résoudre 
pacifiquement le conflit.
Il est ahurissant en effet qu’en dépit de tout cela, des
 journalistes tels que Guy Bechor célèbrent actuellement le triomphe 
d’Israël sur ses détracteurs. « Jusqu’à il y a quelques années, on 
croyait que tout était permis dans la bataille contre Israël, mais ce 
n’est plus le sentiment qui prévaut aujourd’hui », écrit-il.
Étant donné la solidarité internationale croissante avec
 les Palestiniens et le dynamisme du mouvement Boycott, 
Désinvestissement et Sanctions, l’autosatisfaction israélienne est 
vraiment difficile à comprendre .
Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.
9 novembre 2011 - Gulf News - Cet article peut être consulté ici :
http://gulfnews.com/opinions/column...
Traduction : Anne-Marie Goossens