Philly BDS
         Le bilan d’une année de BDS fait par un petit groupe américain.
        
Aujourd’hui, à notre premier anniversaire, notre 
réflexion porte au-delà des grandes étapes de notre boycott consommateur
 de l’houmous Sabra et de l’houmous Tribe, et va jusqu’aux initiatives 
éclatantes du mouvement BDS dans le monde au cours de l’année écoulée. 
Le mouvement BDS n’a pas arrêté de prendre de l’ampleur, et des défis 
importants se sont aussi présentés d’eux-mêmes.
 Mondialement, il y a un certain nombre de succès concrets remarquables. Pour en mettre quelques-uns en évidence :
De novembre 2007 à novembre 2010, Adalah NY,
 basé aux États-Unis, a lancé une campagne mondiale contre le 
milliardaire israélien, magnat du diamant et constructeur de colonies, 
Lev Leviev. La campagne a conduit à son reniement par l’UNICEF, sa 
dénonciation par Oxfam, au retrait d’une rubrique promotionnelle de son 
site qui mettait en vedette des acteurs comme Salma Hayek, Drew 
Barrymore, et Halle Berry, et à une décision du gouvernement britannique
 de ne pas louer l’espace ambassade de son entreprise. En novembre 2010,
 la société Africa Israel de Leviev annonçait qu’elle ne s’impliquerait 
plus dans la construction dans les colonies.
Répondant aux appels de la société civile après 
l’agression d’Israël contre la flottille humanitaire vers Gaza, en juin 
2010, les dockers d’Oakland, de Californie, de Suède et de Norvège ont 
refusé l’accostage et le déchargement de navires israéliens, imposant un
 blocus, si l’on peut dire, sur les marchandises israéliennes. Une 
action similaire historique avait été lancée par les dockers 
sud-africains en février 2009.
Courant de l’été 2010 également, le conseil 
d’administration de la coopérative Food Co-op à Olympia, capitale de 
l’État de Washington, a décidé de boycotter les marchandises 
israéliennes. La Olympia Food Co-op a maintenu le boycott face à un 
tollé d’oppositions, y compris une plainte récemment déposée dans 
laquelle des responsables du gouvernement israélien sont probablement 
mêlés, au moins dans les coulisses. (Voir notamment : Soutien des Affaires étrangères d’Israël aux procès contre BDS aux États-Unis - Richard Silverstein - 19 sept 2011)
Des coups déterminants ont été portés aussi à Carmel 
Agrexcop, le plus gros importateur d’Israël, et à Veolia, la 
multinationale française opérant dans le domaine des services de l’eau, 
de la gestion des déchets, de l’énergie et des transports. Agrexco 
commercialise 60 à 70 % des produits agricoles des colonies israéliennes
 et joue un rôle clé dans le développement de l’industrie 
agroalimentaire israélienne et à un haut niveau, elle a exploité sa 
relation intime avec les autorités de l’occupation israélienne pour 
s’assurer un statut de quasi-monopole dans l’exportation des produits 
palestiniens de la bande de Gaza. Agrexco a été confrontée à une 
activité massive de boycott en Europe, son principal marché pour 
l’exportation, qui l’a obligée à déclarer faillite. Veolia, mêlée à un 
certain nombre de projets israéliens, dont le tristement célèbre projet 
de tramway visant à relier les colonies de Cisjordanie à Jérusalem, a 
perdu nombre de contrats importants en Europe grâce aux campagnes BDS, 
et elle a annoncé des baisses surprenantes de ses profits.
Ce qui est très positif, c’est que toujours plus 
d’organisations et initiatives recommandant le BDS continuent de surgir 
partout dans le monde, et notamment sur les campus. Philly en est un bon
 exemple, où un groupe BDS à l’université de Pennsylvanie est maintenant
 actif. Une même initiative a été signalée à l’université DePaul du 
Michigan, et à celle de Columbia et d’autres. Même si ces actions ont 
connu des réussites plus ou moins grandes, leur prévalence croissante 
démontre qu’un vent fort pousse en avant le mouvement BDS.
Une réussite importante a été enregistrée en mars 2011 
avec un boycott universitaire et culturel par l’université de 
Johannesbourg qui a voté la rupture de ses liens avec l’université Ben 
Gourion d’Israël, en raison du rôle de cette université dans 
l’occupation israélienne.
La liste grandissante de personnalités reconnues qui 
adoptent le BDS comprend des légendes de la musique comme Roger Wateers 
de Pink Floyd. En 2006, Waters avait programmé un spectacle à Tel Aviv. 
Mais des militants palestiniens et des militants pour les droits des 
Palestiniens à travers le monde lui ont demandé de ne pas y aller. Et en
 réponse, il s’est rendu en Palestine, expérience qu’il décrit lui-même 
comme transformatrice. Il a annulé son spectacle à Tel Aviv et il est 
même reparti du pays en soutien au boycott, écrivant « Quand les 
gouvernements refusent d’agir, les gens le doivent, avec tous les moyens
 pacifiques dont ils disposent ».
D’autres personnalités ont choisi d’observer le boycott 
et de ne pas se produire en Israël, tels que les Pixies, Elvis Costello,
 le regretté Gil Scott-Heron, le guitariste Santana, et le rappeur Snoop
 Dog. De même que les Yes Men ont retiré leur film du festival du film 
de Jérusalem et que le réalisateur, scénariste et critique de film, 
Jean-Luc Godard, a annulé son projet de participer à celui de Tel Aviv.
Des victoires importantes aussi dans les 
désinvestissements méritent notre attention, plus qu’on pourrait le 
faire ici. Pour en citer quelques-unes : en février 2009, le College 
Hampshire, qui devint un pionnier dans les années soixante-dix en étant 
la première l’université américaine à se désinvestir de l’apartheid 
sud-africain, a décidé de se désinvestir des 200 entreprises qui « violent les normes du College relatives à la responsabilité sociale », dont 6 entreprises qui ont d’étroites relations avec l’occupation par Israël.
En juin 2010, les étudiants du Collège d’État Evergreen,
 à Olympia, État de Washington, ont voté le retrait des fonds de la 
Fondation du collège des entreprises qui tirent profit de l’occupation 
illégale israélienne. Et en juillet 2010, les militants de la Voix juive pour la Paix
 ont présenté plus de 15 000 signatures de pétitions et cartes postales à
 l’attention de l’un des fonds de pension les plus importants du monde, 
TIAA-CREF, lui demandant de se désinvestir des entreprises réputées 
profiter de l’occupation par Israël des territoires palestiniens.
Ces évolutions ont montré que les populations, partout 
dans le monde, y compris aux États-Unis, sont de plus en plus 
conscientes de la nécessité d’une pression véritable, populaire, sur 
Israël pour mettre fin à sa politique d’apartheid, et se lèvent pour 
agir. Considérant que le mouvement BDS n’a, en lui-même, qu’une dizaine 
d’années à peine, les réalisations à ce jour sont remarquables et 
encourageantes. Et la tendance pointe vers des actions plus grandes dans
 le futur.
Rien ne montre mieux l’importance et le succès 
grandissants du mouvement BDS mondial que toutes les focalisations et 
les attaques dirigées contre lui. Toutefois, le mouvement est confronté à
 des défis importants pour les années à venir. Le gouvernement israélien
 et les groupes et institutions pro-israéliens dans le monde ont 
multiplié leurs efforts pour combattre le BDS. Défrayant la chronique 
récemment, le vote par le parlement israélien d’une loi anti-BDS. Le 
projet de loi était présenté par le député Ze’ev Elkin, du Likoud, et a 
été voté le 11 juillet 2011.
Cette loi permet aux citoyens d’engager des poursuites 
civiles contre les personnes et organisations qui appellent au boycott 
économique, culturel ou universitaire d’Israël et des institutions 
israéliennes - y compris des sociétés et universités. Elle empêche aussi
 le gouvernement de faire travailler des entreprises qui initient ou se 
conforment à de tels boycotts. D’après Elkin, la mouture définitive du 
projet de loi qui a été votée est « végétarienne », 
parce les dispositions qui criminalisaient le boycott en ont été 
supprimées. La loi a provoqué une grande controverse tant à l’intérieur 
qu’à l’extérieur d’Israël. Elle a été dénoncée partout dans le monde. En
 effet, même de nombreux parlementaires israéliens se sont exprimés 
publiquement contre cette loi.
Cette loi n’est pas le seul cas de « retour de bâton » 
contre BDS. L’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) 
intervient de plus en plus ouvertement sur la question du BDS. En mars 
de cette année, des organisations ont fait passer l’information que les 
Renseignements militaires israéliens avaient créé une nouvelle unité 
chargée de localiser les groupes à l’étranger, comme en Cisjordanie et 
dans la bande de Gaza dont l’objectif était de « délégitimer l’État d’Israël ». L’unité  va surveiller, parmi un panel apparemment illimité de cibles possibles, les militants de BDS.
Plus inquiétant peut-être encore, le mois dernier, 11 étudiants de l’université Irvine de Californie, les « Onze d’Irvine »,
 ont été déclarés coupables de complot visant à perturber, et de tapage 
lors d’un discours de Michael Oren, ambassadeur d’Israël aux États-Unis.
Certains peuvent voir dans ces réactions comme un présage inquiétant de 
ce qui est à venir dans ce pays comme à l’étranger. D’autres, dont 
Philly BDS, voient les choses autrement, comme un signe sans équivoque 
que le mouvement BDS est au premier rang, et ne peut plus être ignoré. 
Il devient général.
La direction israélienne a manifesté sa crainte du 
mouvement BDS de la façon la plus claire possible, en l’interdisant. Et 
si nous ne minimisons pas les difficultés véritables auxquelles sont 
confrontés nos courageux alliés, comme les Onze d’Irvine
 et les nombreux militants BDS en Palestine qui ont été emprisonnés pour
 leur militantisme, nous préférons voir dans ces réactions la certitude 
que nous faisons la différence, que nous construisons un mouvement 
irrépressible et durable pour la justice en Israël/Palestine.