Lundi 22 août 2011
L’opération menée par un groupe de résistants palestiniens à Eilat replace au centre de l’échiquier moyen-oriental la cause palestinienne que les Etats-Unis, l’Europe et leurs alliés arabes ont essayé de liquider, d’ignorer ou de contourner. Tous les efforts américains destinés à priver les Palestiniens de leurs droits et à consacrer le fait accompli de l’Etat juif d’Israël, édifié sur une terre qui ne lui appartient pas, ont été balayés par une poignée de combattants déterminés à aller au devant de la mort.
La reprise des opérations militaires anti-israéliennes est le résultat de la frustration causée par l’hostilité de Washington aux démarches visant à reconnaitre, aux Nations unies, un Etat palestinien non-viable, tandis que sur le terrain la colonisation juive de Jérusalem et de la Cisjordanie se poursuit avec fébrilité.
A travers l’argent des pays du Golfe, les Américains ont essayé de convaincre l’Autorité palestinienne et son président d’entamer de nouvelles négociations avec Israël qui ne seront pas plus avantageuses pour les Palestiniens que celles d’Oslo. En contrepartie, ils exigent de Mahmoud Abbas qu’il ne se rende pas à l’Assemblée générale des Nations unies le mois prochain pour réclamer une reconnaissance d’un Etat indépendant. Craignant le déclenchement d’une troisième Intifada à l’occasion de la proclamation de l’indépendance, les Israéliens se préparent à une mobilisation militaire et sécuritaire exceptionnelle. Et Abbas, qui a réaffirmé de Beyrouth son opposition à la lutte armée, n’a même pas le pouvoir de contrôler son quartier général de la Mouqataa, où le leader historique palestinien Yasser Arafat a été assassiné par Mohammad Dahlan –pour le compte des Israéliens-, comme l’a révélé une enquête dévoilée récemment.
Les Palestiniens, qui ont expérimenté tout au long de ces deux dernières décennies les vicissitudes de la solution négociée, sont donc soumis à de nouvelles épreuves qui ne peuvent que les pousser à s’attacher davantage à la lutte armée. C’est dans ce contexte qu’est intervenue l’opération d’Eilat.
Celle-ci a d’abord donné le coup de grâce à l’illusoire Dôme d’acier qui n’a pas pu empêcher la chute de dizaines de roquettes sur le territoire israélien, en représailles aux raids aériens contre la Bande de Gaza. Mais elle a surtout provoqué une nouvelle bataille politique en Egypte, où l’opinion publique a jugé molle la réaction du pouvoir à la mort de cinq militaires égyptiens sous le feu israélien dans le Sinaï.
Le Conseil militaire suprême et les Frères musulmans, qui se sont engagés à respecter les accords de Camp David, sont fortement embarrassés. Ils ont été débordés par la rue, où des milliers de personnes ont manifesté devant l’ambassade de l’Etat hébreu, brûlant le drapeau israélien et le remplaçant par les couleurs nationales. Tel-Aviv va bien tenter de replâtrer la relation, toutefois, Eilat et ce qui a suivi inaugurent une nouvelle série de changements en Egypte qui marqueront le processus en cours dans le pays et auront des répercussions sur les rapports de force à venir.
Le changement le plus important reste qu’Israël ne peut plus considérer sa frontière avec l’Egypte comme une frontière de paix, sûre et calme. Désormais, il devra modifier toute sa stratégie militaire. Ce qui est ennuyeux pour un pays qui est incapable de se lancer dans de nouvelles guerres, sinon il l’aurait fait depuis longtemps pour laver l’affront infligé en 2006 par le Hezbollah au Liban.