13/06/2011
Les médias sont souvent prompts à relayer les exploits comme les gaffes du flamboyant intellectuel français Bernard-Henri Lévy.  La dernière de ses bévues est toutefois passée complètement inaperçue.  Elle concerne pourtant les relations tumultueuses entre Israël et ses  voisins arabes. Un sujet autrement plus sérieux que la citation d’un philosophe imaginaire ou qu'un reportage "arrangé" en Géorgie….
Tout commence le 2 juin. BHL est alors à Jérusalem. Le Premier  ministre israélien Benjamin Netanyahou le reçoit pendant près d’une  heure et demie. Selon l’intellectuel français, il est venu en Israël  pour relayer un message du Conseil national de transition (CNT) libyen.
Dans un entretien accordé à l'AFP, BHL explique avoir dit à  Nétanyahou que "le futur régime [libyen] entretiendrait des relations  normales avec les autres pays démocratiques, y compris Israël". Selon  lui, "la justice pour les Palestiniens et la sécurité d’Israël seront  des questions essentielles pour le futur gouvernement".
Mais quelques jours après la réunion, le CNT publie une déclaration -  dont FRANCE 24 s’est procurée une copie - dans laquelle les rebelles  libyens "rejettent fermement les commentaires de M. Lévy sur les  relations futures entre la Libye et les Israéliens rapportés par  certains médias". 
BHL superstar
Le CNT se dit "surpris" par ces propos. "M. Lévy a été reçu en tant  qu’envoyé spécial du président de la France et les relations avec Israël  n'ont jamais fait l’objet de discussions", poursuit la déclaration. De  son côté, le bureau de Benjamin Netanyahou a confirmé la rencontre avec  l'écrivain-philosophe français, mais refuse de commenter le contenu de  la discussion. 
BHL aurait-il pris un peu trop de liberté avec son rôle de superstar  de l’opposition libyenne ? Depuis qu’il a fait officiellement  reconnaître le CNT par Paris en mars dernier, certains fonctionnaires du  régime de transition libyen le considèrent en effet comme un  responsable français capable de contourner les protocoles diplomatiques.
"Le CNT a longtemps cru que BHL était un envoyé officiel français  alors qu’il n’a aucun titre reconnu", rappelle Barak Barfi, membre du  think-tank New America Foundation, contacté par FRANCE 24. "Même dans  son communiqué, le CNT le présente comme un 'envoyé spécial' du  président de la France", poursuit-il.
Tradition antisémite
Les propos de BHL jettent le trouble à l’heure où, en plein printemps  arabe, les spéculations sur les relations d’Israël avec ses voisins  vont bon train. 
En Égypte, l'un des rares membres de la Ligue arabe à entretenir des  relations diplomatiques avec Israël, l'idée selon laquelle un  gouvernement démocratiquement élu serait moins disposé à coopérer avec  Israël que le régime d'Hosni Moubarak est largement répandue.
En Libye, un nouveau gouvernement ne sera pas non plus forcément  synonyme de rapprochement avec Israël…Quarante-deux ans de propagande  anti-israélienne ont en effet laissé des traces, même dans les zones  aujourd’hui libérées du joug kadhafiste.
Tripoli n'a jamais reconnu Israël et le colonel Kadhafi a pris pour  habitude d’appeler régulièrement à la destruction d'Israël. Depuis qu'il  s'est emparé du pouvoir en 1969, le dirigeant libyen a soutenu les  factions palestiniennes les plus radicales, fustigé les pays arabes qui  ont des relations avec Israël, et qualifié systématiquement l'État juif  d’ "ennemi sioniste". 
"La Libye compte parmi les pays arabes les plus anti-israéliens avec  la Syrie et le Yémen, reprend Barak Barfi. Bien que les Libyens soient  moins enclin que les Syriens et les Yéménites à voir la main d'Israël  derrière chaque complot, ils portent en eux de profonds sentiments  hostiles à son encontre", ajoute-t-il.
Barak Barfi, à l’instar des autres observateurs de la région, est  donc sceptique quant à la possibilité d’une position amicale du CNT  vis-à-vis d’Israël. "Il est assez invraisemblable de penser que le  prochain régime libyen tendra la main à Israël. Il est en revanche  possible que le CNT ait simplement assuré à BHL qu’il souhaitait  entretenir des bonnes relations avec ses voisins, et que le philosophe  l’ait surinterprété", avance celui-ci.
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