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samedi 25 juin 2011

Politique extérieure européenne, le business d’abord

publié le samedi 25 juin 2011
Emmanuel Riondé

 
Difficile d’accorder les violons diplomatiques de 27 Etats aux intérêts parfois divergents. Pourtant, l’Union européenne noue des partenariats économiques qui, si la volonté était là, pourraient lui permettre de peser sur des processus politiques. Par exemple en Palestine.
Appuyer la dynamique enclenchée en Palestine par la récente « réconciliation » entre le Fatah et le Hamas : c’est ce qu’a demandé, fin avril, Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine à Bruxelles. « L’Union européenne devrait considérer cela comme un réel pas en avant et montrer son soutien. » [1]]. « Nous examinons toujours la situation », a déclaré en retour Michael Mann, porte-parole de la Haute représentante Catherine Ashton.
Cette réticence à adopter un positionnement politique doit être comparée au volontarisme affiché deux semaines plus tard par Kristalina Georgieva, commissaire européenne responsable de la Coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la gestion des crises : « Au moment où tous les yeux sont tournés vers les énormes changements sur la scène politique (…), nous ne devons pas oublier la situation humanitaire dans les territoires palestiniens occupés (…). (Nous) nous engagerons avec les parties concernées pour assurer non seulement la fourniture continue des secours mais aussi l’accès à l’aide humanitaire et la protection des civils. »
Premier financeur de l’ANP
Ainsi se caractérise, depuis la signature des accords d’Oslo en 1993, la position de l’Europe sur la question palestinienne : générosité de l’aide matérielle et faiblesse du politique. La première peut se chiffrer : depuis 2008, 500 millions d’Euros en moyenne, hors aide humanitaire, sont versés chaque année à l’Autorité nationale palestinienne (ANP) par l’UE à travers le mécanisme Pégase. Des sommes qui font de la Commission européenne le « premier pourvoyeur d’aide financière aux Palestiniens ».
Ronflant. Sauf que cette préeminence de l’UE comme partenaire économique rend encore plus visible son manque d’influence politique dans la région : début mai, Israël décidait de bloquer unilatéralement le transfert de plus de 100 millions de dollars de taxes, notamment douanières, collectées au nom de l’ANP pour sanctionner l’accord Fatah-Hamas, Tel Aviv refusant de financer cette organisation politique. Quelle réaction de l’UE ? Quelques jours plus tard, Bruxelles annonçait le versement de 85 millions d’euros supplémentaires (100 ont déjà été approuvés pour 2011) pour aider l’ANP à payer les salaires et venir en aide aux familles les plus vulnérables. Un coup de pouce aux victimes plutôt qu’une injonction politique aux coupables…
Maintenir le statu quo
A court terme, ce fonctionnement arrange tout le monde : les Palestiniens qui ne sont pas en position de refuser quelque aide que ce soit ; les Israéliens qui savent que quoi qu’ils fassent, les Européens paieront la note (à Gaza, Bruxelles a déjà financé à plusieurs reprises la construction et la reconstruction d’infrastructures détruites par Israël) ; les Etats-Unis qui comptent sur la « vieille Europe » pour subventionner l’ANP ; et l’Europe qui s’achète une bonne image dans la région tout en contribuant à y maintenir le statu quo.
Elle dispose pourtant d’atouts pour jouer une partition politique plus offensive : premier financeur de l’ANP, l’UE est également membre du Quartet (avec les Etats-Unis, la Russie et l’ONU). Elle est surtout liée à Israël par un accord d’association (signé en 1995 et entré en vigueur en 2000) facilitant les relations économiques, commerciales et stratégiques entre les deux parties. C’est-à-dire un levier potentiellement très efficace pour peser sur la politique israélienne. La suspension de cet accord est l’une des exigences phares, depuis des années, du mouvement de solidarité avec la Palestine en Europe. Sans succès. L’Europe a les outils mais pas la volonté.
[1] sur EurActiv, site d’information spécialisé sur les questions européennes, [->www.euractiv.com