10 février 2011
Philippe AGRETAgence France-Presse
RAFAH
La bande de Gaza, déjà sous blocus  israélien, est redevenue une «grande  prison» avec des milliers de  Palestiniens incapables de sortir ou de  rentrer après la fermeture de  la frontière égyptienne, hermétique depuis  le début de la crise en  Égypte.
«C'est de nouveau le blocus. Des  milliers de personnes sont piégées. La situation est terrible. Gaza est  redevenue une grande prison», déplore Ghazi Hammad, chef du département général des Frontières pour le gouvernement du mouvement islamiste Hamas au pouvoir à Gaza.
  Côté palestinien, il n'y a pas âme qui vive au  terminal frontalier de Rafah, ville coupée en deux à l'extrême sud de la  bande de Gaza, à l'exception de quelques policiers du Hamas. Une flotte de bus vides attend dans le parking désert.
  Côté égyptien, de l'autre côté de la frontière, on aperçoit les  silhouettes de deux soldats encapuchonnés sur un toit. Policiers et  garde-frontières égyptiens ont, eux, abandonné leurs postes après  l'attaque du siège de la Sûreté de l'État de la ville égyptienne de  Rafah par des manifestants bédouins le 29 janvier. Les affrontements,  entendus du côté palestinien, ont fait trois morts.
  «Habituellement, 400 à 500 voyageurs transitent ici chaque jour vers  l'Égypte et à peu près autant en reviennent», précise M. Hammad, qui dit  craindre «une crise humanitaire». Il est en contact quotidien avec les  services de sécurité égyptiens, mais sans effet à ce jour.
  Le responsable du Hamas est assailli de coups de fil de Palestiniens  coincés depuis le 30 janvier. La plupart sont des malades partis se  faire se soigner ou opérer d'urgence en Égypte, mais il y a aussi  beaucoup d'étudiants et des familles résidant dans ce pays.
  Selon un de leurs responsables au Caire, les services d'immigration  égyptiens ont reçu instruction de ne plus laisser entrer les  Palestiniens dans leur pays. Le motif de ces restrictions envers les  Palestiniens n'a pas été explicité.
  Si la crise égyptienne entraîne d'abord des drames humains pour les  Gazaouis, elle affecte aussi le négoce frontalier semi-clandestin qui  alimente ce territoire déshérité en vivres, biens de consommation,  carburants et surtout en matériaux de construction.
  À un kilomètre du terminal de Rafah, dans la zone des tunnels de  contrebande, Abou Taha supervise avec ses ouvriers l'arrivée de sacs de  ciment. L'activité de son tunnel a chuté et ne fonctionne plus qu'à 30%  depuis le déclenchement du soulèvement en Égypte. Les manivelles ont  stoppé dans la plupart des tunnels voisins.
  «Avant on recevait 100 tonnes de ciment par jour. Aujourd'hui, on  arrive péniblement à 70 tonnes après quatre jours de travail», témoigne  Abou Taha, pris par surprise par les événements.
  Le prix du ciment a évidemment flambé: de 105 dollars la tonne, il est  passé à 170 dollars à la sortie du tunnel palestinien et 200 dollars sur  le marché de Gaza.
  Il y a quelques jours, les Gazaouis ont commencé à stocker des  carburants par peur de pénurie et de longues files d'attente se sont  formées devant les dépôts d'essence avant que le ministère de l'Économie  du Hamas n'intervienne pour rassurer la population.
  Les Palestiniens attribuent, en privé, la fermeture de la frontière à  la situation d'insécurité dans le Sinaï, fief des bédouins, où l'armée  égyptienne a peu de prise.
  Paradoxalement, la seule activité notable aux portes de Rafah est le  commerce frontalier avec Israël --limité à quelque 150 camions par jour  mais régulier (3 252 camions pour le mois de janvier)-- via le terminal  israélien de Kerem Shalom.