Renée-Anne Gutter
Israël craint pour la coopération sécuritaire avec l’Egypte. Et la contagion...
En Israël, c’est la consternation. Et surtout l’inquiétude.
Rares sont ceux, même au sein des services de renseignements, généralement perspicaces, qui avaient prévu la chute possible du régime Moubarak, allié clé d’Israël dans la région. Maintenant, les pires scénarios sont envisagés.
Responsables politiques et militaires tiennent des  consultations en continu. Et le Premier ministre Netanyahou a pris le  pouls auprès de l’administration de Barack Obama. Mais contrairement aux  Américains, qui se sont empressés d’attiédir leur soutien au régime  Moubarak, les porte-parole israéliens se gardent de toute réaction  officielle. Sur ordre de Benjamin Netanyahou.
Car à la différence des Etats-Unis, Israël est  directement concerné par ce qui se passe chez le voisin égyptien, et  M. Netanyahou ne veut pas être accusé d’ingérence. Dimanche, dans son  seul commentaire public, il a veillé à ne faire mention ni du président  Moubarak ni des revendications de la rue  égyptiennes, se bornant à souhaiter que la stabilité régionale et les  relations pacifiques entre Israël et l’Egypte se maintiennent. Même  retenue circonspecte de la part de l’armée et de l’appareil sécuritaire.
Par contre, dans la presse qui suit les événements  d’heure en heure, les analystes sont ouvertement alarmistes : quels que  soient les remaniements à sa tête, l’Egypte ne sera déjà plus la même  qu’avant. Et cela n’augure rien de bon pour Israël.
Car la fin de la dynastie Moubarak risquera de miner le  traité de paix israélo-égyptien signé en 1979. Ce qui bouleversera toute  la donne géopolitique sur laquelle Israël a construit sa stratégie  régionale depuis plus de trente ans.
Beaucoup, en Israël, plaçaient leurs espoirs ce week-end dans le nouvel homme fort du pouvoir, le vice-président Omar Suleiman.  Car il est un allié de longue date. C’est lui qui gère la coopération  sécuritaire avec Israël, en particulier pour tout ce qui concerne le Hamas et la lutte  anti-terroriste autour de Gaza. Mais dimanche, avec la tension  persistante en Egypte, le "règne" de M. Suleiman s’annonçait plutôt  transitoire.
Les Israéliens craignent donc qu’à long terme, les  élections en Egypte n’amènent cette fois l’opposition au pouvoir. Or,  aucun courant au sein de l’opposition égyptienne ne porte Israël dans  son cœur. Ni les Frères musulmans, ni l’intelligentsia libérale, ni même  la nouvelle génération "twitter".
Tous reprochent à Israël son interminable occupation des  territoires palestiniens, et surtout l’étranglement de Gaza, et  décrient les ambitions particulièrement nationalistes du gouvernement  Netanyahou. L’opposition égyptienne, si elle parvenait au pouvoir,  n’abolira peut-être pas le traité de paix du jour au lendemain, car  celui-ci sert aussi les intérêts économiques de l’Egypte. Mais c’en sera  fini de l’entente sécuritaire.
Israël devra donc revoir toute sa conception  stratégique. Notamment, réorganiser son dispositif militaire et sa  planification opérationnelle, avec l’accent à replacer sur le front sud  du pays. Suite au traité de paix qui éliminait la menace de guerre  égyptienne, Israël avait redirigé le gros de ses efforts - y compris budgétaires - sur sa frontière nord, face au Hezbollah, et autour de Gaza, face au Hamas.
A moins que ce soit l’armée qui finisse par s’installer  durablement au pouvoir en Egypte. Mais, là aussi, les perspectives sont  incertaines. Car l’élite militaire égyptienne a toujours gardé un œil  méfiant sur la force de frappe israélienne. Si elle s’est pliée au  traité de paix, estiment les analystes israéliens, c’était  essentiellement pour s’allier le pouvoir en place. Or, désormais, ses  allégeances pourraient virer.
Israël craint, par ailleurs, que les remous en Egypte ne  fassent tache d’huile et ne déstabilisent son seul autre allié dans la  région - le régime hachémite de Jordanie.
L’instabilité ambiante ne réinsufflera pas vie, non plus, au dialogue israélo-palestinien. Et le chaos  actuel dans le Sinaï égyptien risque de favoriser l’infiltration  d’armes à Gaza, ainsi que l’entrée clandestine de travailleurs africains  dans le sud d’Israël.
Pour l’heure, les territoires palestiniens sont restés calmes. A Ramallah, le président Mahmoud Abbas a téléphoné au président Moubarak pour lui exprimer son soutien. Ce dernier, il faut dire, a toujours pris le parti du Fatah et de l’Autorité palestinienne de M. Abbas face aux islamistes du Hamas. A Gaza, au contraire, le gouvernement Hamas s’est dit solidaire de la "révolution" égyptienne, appelant au renversement définitif du régime Moubarak. [1]
[1] voir aussi l’Afp :
Gaza ferme sa frontière avec l’Egypte
Le mouvement Hamas, au pouvoir dans la bande de  Gaza, a annoncé dimanche la fermeture du terminal de Rafah, à la  frontière avec l’Egypte, au motif que les fonctionnaires égyptiens  auraient quitté leurs postes à la suite des violences en Egypte.
Par ailleurs,  le trafic des marchandises de contrebande s’est nettement ralenti dans  les tunnels creusés sous la frontière à cause de la révolte populaire en  Egypte, a constaté l’AFP.
Les Gazaouis ont commencé à stocker des carburants  par peur de pénurie et de longues files d’attente se sont formées devant  les dépôts d’essence, selon des témoins.
« Il y a assez d’essence dans les stations et assez  de nourriture. Nous appelons la population à ne pas s’inquiéter », a  assuré dans un communiqué le ministère de l’Economie du Hamas.
Le responsable du terminal de Rafah, Ghazi Hamad, qui appartient au Hamas,  a déclaré à l’AFP que le poste-frontière serait fermé « pendant  plusieurs jours » suivant l’évolution de la situation en Egypte.
Selon lui, les fonctionnaires et gardes-frontières égyptiens ont apparemment abandonné leurs postes depuis vendredi.
Chaque jour, 400 à 500 personnes en moyenne traversent la frontière à Rafah pour se rendre en Egypte.
Le mouvement islamiste Hamas, qui n’a pas  officiellement réagi aux violences en Egypte, a déployé plusieurs  centaines d’hommes le long de la frontière, contre une cinquantaine en  temps ordinaire.
Toutefois à Gaza, le ministère de l’Intérieur du Hamas a assuré dans un communiqué que la situation était » calme » à la frontière et qu’il n’y avait pas de problème particulier.
« Notre mission est de protéger la frontière. Nous  empêchons les gens d’approcher, à l’exception de quelques employés qui  travaillent dans les tunnels », a témoigné un garde-frontière du Hamas à Rafah.
« Si les tunnels sont fermés, cela signifie qu’il n’y aura plus d’essence, ni de ciment, ni de nourriture arrivant à Gaza », a expliqué à l’AFP un jeune passeur.
La fermeture de la frontière n’a pas empêché au moins deux anciens prisonniers de haut rang du Hamas de rentrer à Gaza via les tunnels après s’être échappés d’une prison proche du Caire, a-t-on appris auprès du Hamas. Six autres ex-détenus du Hamas en Egypte devraient également rejoindre le territoire palestinien dimanche.
De son côté, l’armée israélienne a renforcé son  dispositif de surveillance à la frontière avec l’Egypte, de crainte que  l’insécurité dans ce pays ne favorise le passage d’auteurs d’attentats et de migrants clandestins en Israël, à travers la péninsule égyptienne du Sinaï.
30 janvier 2011
relayé par le Soir
publié par la Libre Belgique
Titre modifié : C. Léostic, Afps