Publié le 5-01-2011 
                   Micha, Dana, Noam, et Mikhael  ont commis des exactions au sein de leur armée et ces officiers  israéliens en parlent pour la première fois à visage découvert. Plus  question de "laver son linge sale en famille". 
Photo Quique Kierszenbaum 
Des grenades pour faire peur
« On déboule dans un village palestinien à 3 heures du  matin et on se met à lancer des grenades étourdissantes dans les rues.  Pour rien, pour faire peur. On voyait les gens se réveiller affolés...  On nous raconte que cela fait fuir les éventuels terroristes. N’importe  quoi... Par rotation, on faisait ça toutes les nuits. La routine. On  nous disait “Bon ne opération”. On ne comprenait pas pourquoi. »
Voler un hôpital
« Une nuit, nous avons l’ordre d’entrer de force dans une clinique d’Hébron qui appartient au Hamas.  On confisque  l’équipement : ordinateurs, télépho nes, imprimantes,  d’autres choses, il y en a pour des milliers de shekels. La raison ?  Toucher le Hamas  au portefeuille, juste avant les élections du Parlement palestinien,  pour qu’il perde. Le gouvernement israélien avait officiellement annoncé  qu’il n’allait pas tenter d’influencer cette élection... »
« On a tué un type par pure ignorance »
« On ne savait pas que, pendant le ramadan, les fidèles  sortent dans la rue à 4 heures du matin avec des tambours pour réveiller  les gens, qu’ils mangent avant le lever du soleil. On identifie un type  dans une allée qui tient quelque chose, on lui crie “stop”. Là, si le  “suspect” ne s’arrête pas immédiatement, la procédure exige des  sommations. “Arrêtez ou je tire”, puis on tire en l’air, puis dans les  jambes, etc. En réalité, cette règle n’est jamais appliquée. On l’a tué,  point. Et par pure ignorance des rites locaux. »
Les paysans en larmes
« Nos excavateurs dressent une barrière de séparation en  plein milieu d’un champ de figuiers palestinien. Le paysan arrive en  larmes : “J’ai planté ce verger pendant dix ans, j’ai attendu dix ans  qu’il donne des fruits, j’en ai profité pendant un an, et là, ils me le  déracinent !” Il n’y a pas de solution de replantage. Il y a des  compensations seulement à partir de 41 % de terre confisquée. Si c’est  40 %, tu n’as rien. Le pire c’est que peut-être demain ils vont décider  d’arrêter la construction de la barrière. »
Rendre ses galons, redevenir soldat
« On installe des check points surprises. N’importe où,  ça n’est jamais clair. Et soudain on arrête tout le monde, on contrôle  leur permis. Il y a, là, des fem mes, des enfants, des vieux, pendant  des heures, parfois en plein soleil.  On arrête des innocents, des gens qui veulent aller travailler, trouver  de la nour riture, pas des terroristes... J’ai dû le faire pendant cinq  mois, huit heures par jour, ça m’a cassé. Alors j’ai décidé de rendre  mes galons de commandant. »
« Notre mission : déranger, harceler »
« On est à Hébron. Comme les terroristes sont des  résidents locaux et que notre mission est d’entraver l’activité  terroriste, la voie opérationnelle c’est de quadriller la ville, entrer  dans des maisons abandonnées, ou des maisons habitées choisies au hasard  – il n’y a pas de service de renseignement qui nous pilote –, les fouiller, les mettre à sac... et ne rien trouver. Ni armes ni terroristes. Les habitants  ont fini par prendre l’habitude. Ils sont irrités, dépressifs, mais  habitués car ça dure depuis des années. Faire souffrir la population  civile, lui pourrir la vie, et savoir que cela ne sert à rien. Cela engendre un tel sentiment d’inutilité. »
« Les punitions collectives »
« Mes actes les plus immoraux ? Faire exploser des  maisons de suspects terroristes, arrêter des centaines de gens en masse,  yeux bandés, pieds et mains liés, les emmener par camions ; pénétrer  dans des maisons, en sortir brutalement les familles ; parfois on  revenait faire exploser la maison ; on ne savait jamais pourquoi telle  maison, ni quels suspects arrêter. Parfois, ordre nous était donné de  détruire au bulldozer ou aux explosifs l’entrée du village en guise de  punition collective pour avoir hébergé des terroristes. »
« Protéger des colons agressifs »
« On débarque dans le district de Naplouse pour assurer  la sécurité des colons. On découvre qu’ils ont décidé d’attaquer Huwara,  le village voisin, palestinien. Ils sont armés, jettent des pierres, soutenus en cela  par un groupe de juifs orthodoxes français qui filment, prennent des  photos. Résultat : on se retrouve pris entre des Arabes surpris,  terrorisés, et notre obligation de protection des colons. Un officier  tente de repousser les colons dans leurs terres, il reçoit des coups, il  y a des tirs, il abandonne. On ne sait plus quoi faire : les retenir,  protéger les Palestiniens, nous protéger, une scène absurde et folle. On  a fini par faire retourner les agresseurs chez eux. Une dizaine  d’Arabes ont été blessés. »
Assassiner un homme sans armes
« On est en poste dans une maison qu’on a vidée de ses  occupants, on soupçonne la présence de terroristes, on surveille, il est  2 heures du matin. Un de nos tireurs d’élite identifie un mec sur un  toit en train de marcher. Je le regarde aux jumelles, il a dans les  25-26 ans, n’est pas armé. On en informe par radio le commandant qui  nous intime : “C’est un guetteur. Descendez-le.” Le tireur obéit.  J’appelle cela un assassinat. On avait les moyens de l’arrêter. Et ça n’est pas un cas unique, il y en a des dizaines. »
Source : Paris Match
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