D’autres éléments surgissent  parfois par pur hasard car la plupart des témoins potentiels ont péri  dans le massacre. D’autres témoins oculaires commencent à peine à  émerger d’un traumatisme profond ou d’un silence volontaire.
Certains témoignages seront partagés ce mois-ci par des  survivants du massacre du camp de Chatila. Ils s’assoiront avec les  visiteurs étrangers sans cesse plus nombreux qui viennent chaque année  pour commémorer l’un des crimes les plus horribles du 20eme siècle.
Chaque témoignage est unique
Zeina, une jolie femme d’une quarantaine d’année, amie  de la famille de Mounir, a demandé l’autre jour à un étranger : « 28 ans  déjà ? J’ai l’impression que c’était l’année dernière, lorsque mon mari  Hussam et nos deux filles, Maya, 8 ans, et Sirham, 9 ans, ont quitté  notre maison de deux pièces pour aller chercher de la nourriture parce  que l’armée israëlienne avait imposé un blocus au camp de Chatila depuis  près de deux jours et peu de gens à l’intérieur du camp en avaient  encore. Aujourd’hui encore, je prie et j’attends leur retour. »
Dans le camp de réfugiés palestinien de Chatila et  autour de l’abri d’Abu Yassir, les impacts de balles sont encore  visibles dans la partie inférieure des 11 « murs de la mort » où une  partie du sang séché imprègne le mortier. Un vieux monsieur, Abu Samer, a  encore quelques souvenirs des pistolets automatiques américains munis  de silencieux et quelques couteaux et haches accrochés à la ceinture de  certains tueurs tandis qu’ils tiraient en silence, découpaient,  charcutaient tous ceux qu’ils croisaient depuis environ 18h, ce Jeudi 16  septembre 1982. Ces armes avaient été un cadeau du Congrès US à Israël,  et elles ont ensuite été remises, avec des drogues et de l’alcool et  autres « équipement de maintien de l’ordre », par Ariel Sharon aux  assassins de son « armée la plus morale du monde ».
Plus tôt cette année, un des assassins de la milice  Numour al-Ahrar (Tigres des Libéraux), la branche armée du parti de  droite libanais Parti Libéral National, fondé par l’ancien président  libanais Camille Chamoun, a nonchalamment admis que « parfois nous  employions ces accessoires pour avancer en silence dans les allées de  Chatila pour ne pas provoquer une panique inutile pendant notre  travail. » La milice des Tigres, une des cinq unités d’assassins  chrétiennes, était appuyée à l’intérieur de camps de Chatila par deux  douzaines d’agents du Mossad israélien et dirigée par le propre fils de  l’ancien président, Dani Chamoun.
Aucun signe ou plaque commémorative ne rappelle les événements qui se sont déroulés à cet endroit.
Le monde a appris le massacre de Sabra et Chatila le  dimanche matin, le 19 septembre 1982. Des photos, dont de nombreuses  sont désormais disponibles sur Internet, ont été prises par des témoins  tels que Ralph Schoenman, Mya Shone, Ryuichi Hirokawa, Ali Hasan Salman,  Ramzi Hardar, Gunther Altenburg, et le personnel de l’hôpital « Gaza et  Akka Palestine Red Crescent Society (PRCS) », et conservent les  sordides souvenirs profondément enfouis dans les mémoires des  survivants.
La commission israélienne Kahan, cinq mois plus tard et  dans son rapport du 7 février 1983, a lavé Israël de toute  responsabilité en qualifiant à plusieurs reprises le massacre de  « guerre ».
Zeina m’a entraîné dans une allée étroite qui part de sa  maison jusqu’au mur de 3 x 8 mètres de la maison de sa soeur, tout en  aspergeant le chemin avec un aérosol. Elle s’est excusée pour l’aérosol  en disant qu’on pouvait encore sentir l’odeur du massacre qui s’était  déroulé ici il y a 30 ans.
Pour les lecteurs qui ne connaissent pas l’emplacement  du camp de réfugiés de Chatila à Beyrouth, ce « mur de la mort »  particulier est situé en face de l’hôpital PRCS Akka, resté en l’état  après des années sans financement ou soutien suffisant d’ONG. Pour  localiser les 11 « murs de la mort » il faut l’aide des quelques vieux  Palestiniens qui vivent encore dans le quartier. Ils font partie de ceux  qui vivent encore sur la scène des massacres et qui se souviennent  encore des détails. Certains fournissent des portraits détaillés de  certaines victimes du massacre, comme s’ils espéraient leur redonner un  semblant de vie, en décrivant souvent un trait de caractère ou le nom de  leur village natal en Palestine.
« Un garçon gentil qui adorait ses frères aînés Mutid et Bilal ».
Zeina se souvient que Mounir Mohammad avait 12 ans le 16  septembre 1982, et qu’il était un élève à l’école du camp de Chatila,  appelée Jalil (Galilée). Pratiquement toutes les 75 écoles de l’UNRWA  (Nations Unies) qui existent encore au Liban, comme d’autres  institutions palestiniennes, portent le nom d’un village ou d’une ville  de la Palestine occupée. Souvent elles portent le nom d’un village qui  n’existe même plus, car ce dernier fait partie des 531 villages rasés  par les colonisateurs sionistes pendant et après la Naqba  (« Catastrophe ») de 1947-48.
Zeina se souvient qu’il était tard ce jeudi après midi  du 16 septembre, et que le bombardement israélien s’était intensifié.  L’objectif était de pousser les habitants du camp dans les abris que les  services de renseignent israéliens - qui s’étaient présentés la veille  dans trois véhicules blancs en se faisant passer pour des « membres  d’ONG » - avaient identifiés et localisés sur leurs cartes. Certains  résidents, croyant avoir affaire à des humanitaires venus leur porter  secours avaient même révélé leur cachettes secrètes. D’autres, qui  avaient connu les abris surpeuplés pendant la précédente campagne  israélienne de bombardements aveugles du camp qui a duré 75 jours -  opération baptisée « Paix en Galilée » - ont suggéré aux  « humanitaires » que les abris avaient besoin d’une meilleure  ventilation et que peut-être que les visiteurs pouvaient les aider.
Selon Zeina, les agents israéliens ont rapidement  dessiné l’emplacement des abris et les ont marqué d’un cercle rouge puis  sont retournés à leur QG qui était situé à moins de 70 mètres sur une  élévation de terrain au sud-est du camp de Chatila, encore connue sous  le nom de « Turf Club Yards ». Aujourd’hui encore, cette zone  sablonneuse contient trois fosses où, selon la regrettée journaliste  américaine Janet Stevens, sont enterrés quelques centaines de cadavres  qui n’ont jamais été retrouvés parmi les plus de 3000 victimes du  massacre. Janet a émis l’hypothèse qu’un deuxième massacre de Sabra et  Chatila a eu lieu le dimanche matin 19 septembre, un massacre qui a  suivit le premier et qui fut dirigé depuis le QG Israélo-phalangiste  connu sous le nom du stade Cite Sportiff situé de l’ouest du camp de  Chatila,. Tandis que les soldats israéliens prenaient en charge les  Palestiniens survivants que les phalangistes leur remettaient, des  camions entraient dans la stade chargés de centaines d’habitants du camp  qu’on emmenait vers un « centre de rétention ».
Des proches qui sont restés à l’extérieur ont entendu  des salves de coups de feu et des hurlements à l’intérieur du stade.  Quelques heures plus tard, les mêmes camions ont été aperçus qui  s’éloignaient vers une destination inconnue et dont la cargaison était  dissimulée par des bâches.
Une habitante du camp, Mme Sana Mahmoud Sersawi, fait  partie des 23 personnes qui ont porté plainte en Belgique contre Ariel  Sharon (plainte actuellement en sommeil mais pas enterrée), explique :
« Les Israéliens qui étaient postés devant l’ambassade  du Koweit et la station service Rihab benzene à l’entrée du camp de  Chatila nous ont ordonné par hauts-parleurs de sortir. C’est comme ça  que nous nous sommes retrouvés entre leurs mains. Ils nous ont emmené au  Cite Sportiff, et les hommes marchaient derrière nous. Puis ils ont  enlevé leurs chemises et ont commencé à leur bander les yeux. Les  israéliens ont interrogé les plus jeunes et ensuite les phalangistes ont  livré encore 200 personnes aux Israéliens. C’est là que mon mari et le  mari de ma soeur ont disparu. »
Le journaliste Robert Fisk et d’autres qui ont enquêté  sur ces événements, se rejoignent pour dire les massacres se sont  poursuivis pendant encore 24 heures après le samedi matin, 8 heures,  heure à laquelle la Commission Kahan, qui a refusé de faire témoigner  des Palestiniens, a déclaré que les Israéliens avaient mis fin aux  massacres.
Des témoins oculaires ont aussi déclaré que les  « humanitaires » décrits par Zeina ont transmis les descriptions et  emplacements des abris aux espions de l’armée libanaise Elie Hobeika et  Fadi Frem ainsi qu’à leur allié, le major Saad Haddad de l’armée du Sud  Liban, alliée d’Israël. Le jeudi soir, Hobeika, commandant de facto  depuis l’assassinat la semaine précédente du dirigeant phalangiste et  président élu Bashir Gemayel, a dirigé lui-même un des escadrons de la  mort qui opérait à l’intérieur de la zone Horst Tabet prés de l’abri  d’Abu Yassir.
C’est dans 8 de ces abris localisés et marqués par les  Israéliens (sur les 11 que comportait le camp) que les premières  victimes ont été promptement et méthodiquement massacrées. Parce que peu  de crimes sont parfaits, y compris les massacres, les tueurs n’ont pas  réussi à trouver 3 abris. Un de ces abris n’était qu’à 25 mètres de  celui d’Abu Yassir. A part ceux qui étaient réfugiés dans ces 3 abris,  il n’y a pratiquement eu aucun survivant à Chatila.
Le journaliste américain David Lamb a écrit sur la première nuit de boucherie et les « murs de la mort » :
« Des familles entières ont été exécutées. Des groupes  composés de 10-20 personnes étaient alignés contre des murs et abattus.  Des mères sont mortes en serrant leurs bébés dans les bras. Tous les  hommes avaient apparemment été abattus dans le dos. Cinq adolescents en  age de combattre furent traînés dans les rues derrière un camion avant  d’être abattus. »
Vers 8 heures du soir, le 18 septembre, Mounir Mohammad  est entré dans l’abri bondé d’Abu Yassir, en compagnie de sa mère Aida  et ses frères et soeurs, Iman, Fayda, Mufid et Mu’in. Il était courant  de céder les rares places dans les abris en priorité aux femmes et aux  enfants, tandis que les hommes tentaient leur chance à l’extérieur alors  que le massacre se déroulait. Mais quelques hommes sont entrés dans les  abris pour tenter de calmer les jeunes enfants.
« Si l’un d’entre vous est blessé, nous vous emmènerons à l’hôpital ».
Mounir se rappelle de cette nuit : « Les tueurs sont  arrivés à la porte de l’abri et ont hurlé pour faire sortir tout le  monde. Les hommes qu’ils trouvaient étaient alignés contre le mur à  l’extérieur. Ils étaient immédiatement abattus à la mitraillette. »  Tandis que Mounir regardait, les tueurs sont partis tuer d’autres  groupes puis sont soudainement revenus et ont ouvert le feu sur tout le  monde, et tout le monde est tombé. Mounir est resté couché sans bouger,  ne sachant pas si sa mère et ses soeurs étaient encore en vie. Puis il a  entendu les tueurs hurler : « Si l’un d’entre vous est blessé, nous  vous emmènerons à l’hôpital. Ne vous en faites pas. Levez-vous et vous  verrez. » Quelques-uns ont tenté de se lever ou ont poussé un  gémissement et ils ont été immédiatement abattus d’une balle dans la  tête.
Mounir se souvient : « Même si le camp était éclairé par  les torches israéliennes, les tueurs avaient des lampes puissantes pour  fouiller dans les coins sombres. Les tueurs cherchaient dans les coins  sombres. ». Soudain, le corps de sa mère a bougé dans la pile de corps  qui l’entourait. Mounir lui a murmuré « ne te lève pas, mère, ils  mentent » Et Mounir est resté immobile toute la nuit, osant à peine  respirer, faisant semblant d’être mort.
Mounir ne pouvait oublier les paroles des tueurs. Des  années plus tard, il les répéterait à un interviewer tandis qu’ils  passaient devant la cimetière de Chatila appelé la Place des Martyrs.  « Après qu’ils aient tiré sur nous, nous étions tous par terre, et eux  ils allaient et venaient et ils disaient « si quelqu’un est encore en  vie, nous aurons pitié et nous l’emmènerons à l’hôpital. Allez, vous  pouvez nous faire confiance. » Si quelqu’un gémissait ou disait qu’il  avait besoin d’une ambulance, il était abattu sur place. Ce qui m’a  perturbé n’était pas uniquement toute cette mort autour de moi. Je... ne  savais pas si ma mère et mes soeurs et mon frère étaient morts. Je  savais que la plupart de ceux autour de moi étaient morts. Et c’est  vrai, j’avais peur de mourir. Mais ce qui m’a le plus perturbé, c’est  qu’ils riaient très fort, se soûlaient et se sont amusés toute la nuit.  Ils ont jeté des couvertures sur nous et nous ont laissé là jusqu’au  matin. Toute la nuit (jeudi 16 septembre), je pouvais entendre les voix  des filles en train de pleurer et de hurler. « Je vous en supplie,  laissez-moi... ». Je ne sais pas combien de filles ils ont violées. Les  voix des filles, leur peur et leur douleur, je ne pourrais jamais les  oublier. »
Dans le film « Massaker » de 2005 de l’allemande Monika  Borgmann, une demi-douzaine d’assassins de la milice confessent avec la  même désinvolture. Un d’eux opine : « Pendu ou fusillé, vous ne faites  que mourir. Mais comme ça, on en prend deux fois plus. » Il explique  alors comment il a attrapé un vieux Palestinien et l’a collé contre un  mur, puis il l’a charcuté au couteau, en l’ouvrant en croix. « Ainsi,  vous mourrez deux fois, la première par la peur, » a-t-il dit avec  désinvolture tout en décrivant la chair blanche et les os comme s’il  attendait d’être servi dans une charcuterie.
Les tueurs ont aussi expliqué comment ils se sont lancés  dans une course contre la montre pour se débarrasser d’un maximum de  cadavres avant l’arrivée des médias. Un d’entre eux a témoigné comment  l’armée israélienne leur avait fourni de grands sacs poubelles pour les  cadavres. Un autre a avoué qu’ils ont forcé des gens à monter dans des  camions militaires qui les ont emportés à Cite Sportiff où ils ont été  tués. Puis ils ont utilisé des produits chimiques pour faire disparaître  de nombreux cadavres. Plusieurs ont révélé que des officiers israéliens  s’étaient consultés avec les dirigeants des milices à Beyrouth, la  veille du massacre.
Une haine qui perdure
Encore aujourd’hui, le Hurras al-Arz (Gardiens des  Cèdres) se vante de son rôle dans le carnage. Moins de deux semaines  avant le massacre, le parti a lancé un appel pour la confiscation de  tous les biens au Liban appartenant à des Palestiniens, l’interdiction  pour eux de posséder une maison et la destruction de tous les camps de  réfugiés.
La déclaration du parti du 1er septembre 1982, déclare :  « Il faut prendre des mesures pour réduire le nombre de réfugiés  palestiniens au Liban, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun Palestinien  sur notre sol. »
En 1982, certains partis politiques parlaient des  Palestiniens comme de « microbes qui doivent être exterminés » et on  pouvait lire sur les murs des graffitis tels que « le devoir de tout  Libanais est de tuer un Palestinien » - la même haine qui est couramment  exprimée aujourd’hui dans la Palestine occupée par les colons, les  rabbins et les politiciens extrémistes.
L’appel des « Gardiens » pour une interdiction aux  Palestiniens de posséder des biens a été concrétisé en 2001 par une loi  rédigée par l’actuel ministre du Travail libanais qui a promis le 1er  septembre 2010 que « le Parlement ne permettra jamais aux réfugiés  palestiniens de posséder des biens. »
L’état d’esprit qui a permis le massacre de Sabra et  Chatila en 1982 est pratiquement le même en 2010, tandis que le Liban  refuse de céder aux appels de la communauté internationale d’accorder  aux survivants des massacres leurs droits civiques élémentaires.  Certains, qui ont examiné les sites internet en Arabe et observé les  rassemblements des partis politiques impliqués dans les massacres de  1982, affirment qu’aujourd’hui le langage de haine est pire encore et  qu’il est employé pour forcer le Parlement à nier les droits civiques  aux Palestiniens.
Dans le mois qui a suivi le massacre de 1982, le Dr.  Paul Morris, un britannique, a soigné Mounir à l’hôpital Gaza, à environ  un kilomètre au nord de l’abri d’Abu Yassir, et il a gardé le jeune  homme en observation. Le Dr Morris a confié au chercheur Bayan Nuwayhed  al Hout ( dans le livre « Sabra and Shatila : September 1982 », Pluto  Press, Londres, 2004) que Mounir « souriait de temps en temps, mais ne  réagissait pas spontanément comme les autres enfants de son age, sauf à  de rares occasions. » Puis le docteur a frappé du poing sur la table, et  a dit « il faut sauver ce garçon. Il doit quitter le camp, ne serait-ce  que le temps de récupérer. »
Lorsque al Hout a demandé à Mounir s’il envisageait un  jour de prendre les armes pour se venger, le pré-adolescent a répondu  « Non. Non. Jamais je ne me vengerais en tuant des enfants. Comme eux  ils nous ont tué. Qu’est-ce que les enfants ont fait de mal ? »
Le frère de Mounir, Mufid, 15 ans, était parmi les  premiers à entrer dans l’abri d’Abu Yassir, mais il est parti et a  réapparu à l’hôpital Akka avec une blessure par balle. Après avoir reçu  un pansement, il est reparti pour chercher un refuge et sa famille. On  ne l’a plus jamais revu. Pendant longtemps, Mounir n’arrivait même pas à  prononcer son nom.
Selon les habitants du camp, le frère aîné de Mounir,  Nabil, 19 ans, était en age de combattre et par conséquent aurait été  abattu sur le champ. Conscient de cela, le cousin de Nabil et la femme  du cousin se sont enfuis avec lui alors que le bombardement israélien  redoublait d’intensité et que les habitants signalaient des tueries. Les  trois ont réussi à éviter les balles des tireurs embusqués et ont  trouvé refuge dans une maison de soins où travaillait sa mère. Comme  Mounir, Nabil apprendrait plus tard que toute sa famille avaient péri.
Post-scriptum
A présent, Mounir et Nabil vivent aux Etats-Unis et  mènent des vies relativement « normales », si on considère l’horreur  qu’ils ont vécu à Sabra et Chatila. Mounir et Nabil font honneur à  Chatila, à la Palestine et à leur pays d’adoption. Ils vivent près de  Washington DC. Mounir est marié et travaille. Nabil se consacre à  militer pour la paix et la justice au Moyen Orient au sein d’une ONG.  Les deux retournent régulièrement à Chatila.
D’autres vivent aussi des vies apparemment « normales ».  Ce sont les six tueurs des milices « chrétiennes » qu’on voit dans le  film « Massaker » de Borgmann. « Ils mènent tous une vie normale. Un  d’entre eux est chauffeur de taxi » explique Borgmann.
Il est bien connue que les massacres de Sabra et Chatila  constituent sans aucun doute des crimes de guerre, des crimes contre  l’humanité, et un génocide. Chaque assassinat constitue une violation du  droit international tel que défini par la Quatrième Convention de  Genève, par la Loi Coutumière Internationale et le Jus Cogens (Le jus  cogens regroupe les normes impératives de droit international général.  Cf Wikipedia – NdT) Pour des crimes similaires, on a vu les inculpations  d’officiels Rwandais, de l’ancien président du Chili Augusto Pinochet,  l’ancien président du Tchad Hissein Habre, l’ancien président Serbe  Milosevic, Taylor du Liberia et Bachir du Soudan.
Personne n’a été puni ni même fait l’objet d’une enquête  pour les massacres de Sabra et Chatila. Le 28 mars 1991, le parlement  libanais a rétroactivement exempté les tueurs de toute responsabilité  pénale. Cependant, cette mesure n’a aucune valeur devant le droit  international et la communauté internationale a l’obligation légale de  punir les coupables. Les victimes et leurs familles ainsi que  pratiquement toutes les organisations de défense des droits de l’homme  s’opposent avec fermeté à une amnistie générale pour les tueurs. Ils  affirment que 1991 viole la constitution du Liban, ainsi que le droit  international et promeut l’impunité pour les auteurs de crimes abjects.
C’est précisément pour rendre justice aux victimes de  tels crimes que la Cour Pénale Internationale a été constituée. La CPI  doit s’atteler à la tâche sans plus tarder et toutes les personnes de  bonne volonté doivent encourager le Liban d’accorder aux survivants du  massacre et Sabra et Chatila leur droits civiques élémentaires.